La TI-83 PREMIUM CE est la version actuelle de la prolifique TI-83, lancée en 1996. Les fonctions de calcul sont aujourd’hui plus nombreuses, mais la philosophie générale est restée similaire, la vraie nouveauté étant ici l’afficheur lumineux, en couleurs, HD, une merveille. Depuis la CASIO Prizm (2010 déjà), quelques écrans couleur ont vu le jour ici et là, sans jamais inquiéter le moins du monde le classique LCD gris à gros pixels, un peu moins cher, plus pratique avec ses piles classiques, davantage passe-partout aussi, car c’est un fait que le marché des calculatrices se montre frileux à l’égard des innovations depuis plusieurs années.
Exceptée la toute dernière : le mode examen. La PREMIUM en est pourvue, tout comme les récentes CASIO. Pour l’explorateur de calculatrices, ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. En quoi consiste le mode ? L’étudiant en salle d’examen est tenu de commuter sa machine en mode examen. Dès lors, la mémoire interne susceptible de contenir de supposées antisèches n’est plus accessible. Une diode rouge montrera à l’examinateur que le mode est bien actif. Et impossible pour un tricheur de sortir du mode à sa guise : on ne sort du mode examen qu’en se branchant par câble à une autre TI analogue. C’est d’ailleurs là que les ennuis commencent pour qui commute par erreur sa machine.
Cela dit et ce n’est que mon avis, d’un point de vue scolaire, il semble sain de neutraliser la tricherie, et de préserver les étudiants de la tentation de tricher, ce qui était si facile avec les machines précédentes. Toutes les fois qu’il m’est arrivé de parler calculatrices avec mes collègues, j’ai entendu les mêmes choses sur les antisèches, systématiquement utilisées par toutes et tous. Ce ne pouvait être satisfaisant. Naturellement, on n’empêchera pas un as du bricolage d’ajouter une diode fictive, mais au moins on n’est pas plus dans la tricherie institutionnalisée.
Et puis après tout, les calculatrices de poche ne sont pas faites aujourd’hui pour les nostalgiques de la grande époque, mais bien majoritairement pour la sphère scolaire.
Ce ne fut pas toujours le cas. Un glissement s’est opéré, plus ou moins naturellement. Tentons de nous remémorer comment les choses sont arrivées, quand et pourquoi. Retraçons de façon simplifiée les grands épisodes du phénomène calculatrice :
La calculatrice de poche apparaît au tout début des années 70. L’objet est alors réservé aux utilisateurs fortunés, aux entreprises. Les premiers modèles scientifiques arrivent vite (HP-35), puis les programmables. Puis en 1976, le phénomène explose, les prix baissent, la calculatrice est l’objet magique que tout un chacun veut avoir, pour des besoins sans doute surévalués. Ainsi les calculatrices s’invitent au supermarché où le client contrôle en temps réel le montant du caddy, dans la voiture pour la consommation d’essence, dans le meuble secrétaire pour le suivi du relevé bancaire ou des impôts.
Les calculatrices programmables seront volontiers assimilées à des ordinateurs, parlant le même langage informatique et réservées aux techniciens, informaticiens, ingénieurs … Les machines programmables, puissantes, hors de prix, subiront une mutation importante au cours de la première moitié des années 80, avec l’arrivée des ordinateurs de poche qui en bouleverseront le concept.
Mais la mode s’essouffle, l’utilisateur lambda s’est lassé de programmer. Quant à la calculatrice, elle est devenue au fil des mois une calculette, outil banal qui a également cessé d’étonner. Au milieu d’un creux de vague, Casio innove et sort la calculatrice graphique, capable de traduire en tracés toutes sortes de fonctions mathématiques. Les autres suivent, une mode est lancée. Elle va comme un gant à la sphère étudiante. Les calculatrices ne séduisent plus, transformons-les en amis de l’étudiant. Calquons les fonctionnalités des machines sur les différents programmes scolaires, lançons des modèles adaptés aux classes, aux filières, organisons des formations d’enseignants, des partenariats commerciaux, rendons-nous incontournable dans l’acquisition du savoir mathématique …
Pari réussi. Depuis trente ans maintenant, les calculatrices sont dans les cartables. Les rayons des supermarchés ont leur « mur » de calculatrices, avec des dizaines de références pour un usage en grande partie scolaire. Une offre pléthorique, des constructeurs prospères. On peut juste rester perplexe sur cette survie miraculeuse, qui ressemble fort à un tour de passe-passe commercial, d’autant qu’elle est obtenue au prix d’un renoncement à toute innovation ou originalité qui feraient monter les prix, donc gréver le budget toujours serré des fournitures de rentrée scolaire.
On peut imaginer qu’ailleurs, sur d’autres planètes par exemple, dans d’autres univers parallèles, des scénarios différents ont pu apparaître :
Embarquons dans notre astronef et allons voir … Alors que sur la majorité des planètes survolées, les calculatrices de poche évoluées ont quasiment disparu sitôt la grande mode passée, sur la planète Tritonia, on trouve un GPS qui a connu le destin des calculatrices terriennes : D’abord petit appareil de navigation qu’on fixe au pare-brise de la voiture, avec son fil qui se tortille joyeusement et vendu par 2 ou 3 sociétés innovantes, le GPS s’est rapidement trouvé fondu dans l’équipement de série des véhicules. Les constructeurs de GPS portables ont décidé de ne pas mourir et, moyennant l’ajout de cartes géographiques et de bases de données encyclopédiques, se sont invités dans les cartables en tant qu’ami indispensable de l’étudiant en géographie.
Histoire équivalente sur l’astéroïde habité Zébulus, où ce sont les appareils traducteurs nomades qui sont devenus le conseiller spécial en langues étrangères du lycéen, quand les traducteurs en ligne les ont dépouillés de leur utilité.
Et pour continuer notre voyage spatial, jetons un œil au hublot vers la comète habitée Voolcania où les étudiants comblés disposent d’un assistant personnel combinant géographie, langues, sciences, économie, tous les modules de l’enseignement.
Sur Terre les élèves n’ont que leur obligatoire ami mathématique, qui ne peut désormais plus rien faire pour eux en cas de panne de mémoire en salle d’examen.
Pour nous recentrer sur la TI-83 PREMIUM, saluons un bel objet, recouvert d’un plastique nacré de qualité, au design aussi fin et léger que sa batterie rechargeable le permet, celle-ci montrant une bonne tenue, même après plusieurs semaines d’extinction.
Le clavier de la 83 possède de mon point de vue un excellent toucher. On peut y noter la disparition de la classique séquence « sin cos tan« . Les fonctions trigonométriques sont regroupées sous une unique touche « trig » appelant un menu bien complet. Cela existait aussi sous l’ancienne HP-28S.
Affichage couleur et définition d’écran sont splendides. Toutefois, les tracés se déroulent à l’intérieur d’une sous-fenêtre nettement plus réduite que l’écran principal, c’est dommage. Et ils ne sont pas des plus rapides. De même, la vitesse de calcul ne restera pas la meilleure de son époque. A contrario les dessins programmés ne souffrent d’aucune lenteur excessive.
La programmation de cette TI typique est vraiment aisée. Et la relecture des programmes est rendue confortable par une bonne lisibilité du code. Programmer est un plaisir avec cette belle TI 83.