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Jouons sur les mots : cette machine n’est pas une calculatrice, c’est une calculette !

Et d’abord, d’où vient le mot calculette, apparu un beau jour et prenant inexorablement la place de la calculatrice ?

Pour tenter de trouver une explication, transportons-nous au début des années 70. Les premières calculatrices de poche apparaissent. Elles sont imposantes, épaisses. Leur prix est élevé. La puissance de calcul est fabuleuse en regard du simple papier et du crayon. Et le maniement semblera mystérieux aux profanes plusieurs années durant.

Puis à partir de 1976, les prix fondent, les dimensions aussi, l’objet devient accessible et familier à tous. Après la découverte de l’objet et l’émerveillement de pouvoir tutoyer l’immense univers des nombres, chacun va réaliser que les besoins de calculs de la vie courante sont finalement plus faibles qu’escomptés : la consommation d’essence de la voiture, les courses au supermarché (pour autant qu’on puisse tenir la machine en mains tout en remplissant le chariot), la tenue du budget familial.

Et une constatation pas anodine : la calculatrice n’est pas un outil totalement fiable. Non pas que la calculatrice commette des erreurs de calculs, les résultats seront toujours exprimés avec de nombreuses décimales rigoureusement justes. Mais c’est la phase d’entrée des nombres qui pose un vrai problème. Les yeux de l’utilisateur, ses doigts sont imparfaits. Comment être sûr, quand on lit un résultat, qu’on a bien tapé les bons chiffres ? Ils ont disparu au profit du résultat. A quoi sert un outil de calcul infaillible, si les doigts ne le sont pas ?

Les calculatrices de poche n’entreront jamais sérieusement dans l’univers professionnel. Le comptable, le commerçant aura besoin de preuves de saisie, donc de listings d’impression, ou bandes de frappe, permettant la relecture, le contrôle.

Une simple calculatrice sans périphérique d’impression n’est pas complètement digne de confiance en toute situation, a fortiori quand le calcul demande la frappe de nombreuses valeurs successives.

Après quelques temps, l’objet calculatrice est démystifié. Son pouvoir s’est fané. La calculatrice traîne sur le coin du bureau, on se la passe sans grand ménagement, juste pour vérifier un calcul, ou se donner un ordre d’idée. La belle innovation d’antan n’a pas tenu ses promesses, la calculatrice est devenue une calculette.

L’impressionnante et très commerciale OFFICE 12 illustre cette interprétation. Elle possède deux puissantes fonctions de traitement des opérations de masse, auxquelles donnent accès les commutateurs et ADD. Le premier permet l’accumulation de valeurs totalisées en mémoire. Le second est précieux dans la saisie « en rafale » de nombreux documents comportant des décimales (chèques par ex.) en affranchissant l’utilisateur de la frappe du point décimal. Mais où sont les traces des calculs en fin de traitement ? La OFFICE 12 ne possède aucun organe d’impression, et ses 2 fonctions vouées au traitement de masse paraissent donc bien dérisoires. Quel professionnel les utilisera ? A moins de retaper une seconde fois pour vérification, ou une troisième.

Cette belle OFFICE 12 me semble pour cette raison ne receler aucune utilité « sérieuse ». C’est une calculatrice à qui on ne confiera pas un vrai travail rigoureux. C’est une calculette.

Cette machine pourrait bien dater des années 80. Son afficheur à chiffres verts est de grande qualité, avec des chiffres qui surgissent avec douceur de l’obscurité. Cela rappelle les cristaux liquides, sauf qu’ici les chiffres sont verts, doux et lumineux.

Et pour épuiser le thème du glissement sémantique de la calculatrice vers la calculette, je crois constater, depuis le passage du Franc à l’Euro, une sorte de résignation à l’approximation. Depuis l’Euro, il n’a plus été possible à personne de convertir de tête précisément le prix des marchandises familières. Et on s’y est vite habitué. Ce qui semblait une vraie difficulté (la division par 6.55957) a finalement amené à substituer à la notion d’exactitude celle du simple ordre d’idée : diviser par 6, diviser du mieux qu’on peut par 7 puis regarder à peu près au milieu …

  
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Pour revenir encore sur le mot calculette, il fut popularisé en fin des années 70 et début des 80 par le magazine scientifique « Science et Vie » et sa rubrique La calculette de l’astronome. On y trouvait à chaque numéro un programme élaboré pour les Texas Instruments 57, 58, 59 et HP 33, 34, peut-être d’autres. Le terme n’apparaît pas réducteur, il semble plutôt désigner ici « l’outil parfait de l’astronome en herbe ».