CANON F-71
Posséder une Canon F-71, c’est assurément une grande chance, mais ne pas avoir le manuel, c’est bien embêtant.
Cette magnifique calculatrice de poche de 1977 est une scientifique ambitieuse dont le maniement de certaines touches réclame désespérément le mode d’emploi. C’est le cas des conversions polaires et rectangulaires, mais aussi des statistiques, notamment la régression linéaire.
Nous avons affaire ici à une ancienne calculatrice, dépourvue de la moindre capacité alphanumérique, qui converse avec son utilisateur au moyen de quelques chiffres entrés au clavier et affichés en retour dans une fenêtre étroite. Et voilà que la fonction de conversion de coordonnées exige qu’on entre non pas une mais deux valeurs, qui en renverront deux nouvelles. Comment nous y prendre et dans quel ordre, pour introduire les nombres, et interpréter ensuite les résultats ? La calculatrice ne peut pas nous aider, elle est muette, seule l’ouverture du manuel à la bonne page nous livrerait le protocole exact.
Au chapitre des statistiques et de la régression linéaire, traditionnellement foisonnante de résultats, il faut pourtant s’attendre à un dialogue mécanique dense, une main fébrile, un opérateur concentré fuyant toute distraction intempestive.
Il faut déjà reconnaitre une chose : La Canon F-71 fait tout ce qu’elle peut pour rester claire et cohérente. Par exemple lors des saisies statistiques elle allume un point vert chaque fois qu’une saisie est attendue, c’est peu de chose mais très utile cependant pour ne pas se perdre au fil de la frappe. Ensuite, elle ventile d’un coup ses multiples réponses statistiques dans les différents registres qu’il suffit de consulter ensuite, l’idéal étant de savoir à quoi correspond chaque contenu. Là encore la 71 ne vous abandonne pas, elle transporte sur son dos un petit aide-mémoire qui explique beaucoup de choses mais pas tout. Et malheureusement, ma 71 a perdu cette plaquette, il va me falloir trouver tout seul toutes les réponses, à moins que …
Commençons le travail de décodage de ces mystérieux protocoles, pour cela tournons-nous d’abord vers les conversions de coordonnées.
Sur nombre de machines qui les permettent, la touche dédiée P → R (et sa réciproque R → P) donne une impression trompeuse de simplicité. Car se pose le problème ardu du principe d’entrée d’un couple de données. Certaines machines obligent à passer par la touche x ⇔ t pour glisser angle et hypothénuse (Texas-Instruments), d’autres agissent comme PLUS et ÉGAL en utilisant les registres X et Y, d’autres encore procèdent directement par un échangeur X⇔Y. Mes tatonnements ont permis de lever les incertitudes. Voici donc la marche à suivre pour la Canon F-71, avec l’exemple suivant :
Les données polaires que je souhaite convertir en coordonnées cartésiennes sont une longueur d’hypothénuse de 110 cm et l’angle de 30° qu’elle forme avec l’axe des abcisses.
Positionné en mode degrés (commutateur du sommet) et sur OFF (commutateur OFF n n-1), je vais donc taper 110, puis P → R (sans constater de réaction à ce stade), puis 30 puis de nouveau P → R ce qui provoquera l’affichage de 95,26… (dimension du grand côté du rectangle) puis 55 après une dernière pression sur P → R (le petit côté). La conversion inverse, partant de rectangulaire vers polaire aura un protocole quasi identique, avec juste une pression de INV avant chaque P → R.
Ce qui donne dans ce nouvel exemple : 95 ; INV ; P → R ; 55 ; INV ; P → R qui affchera 109,772… puis 30,0685… après une troisième pression de INV et P → R, soit la longueur de l’hypothénuse d’abord et l’angle ensuite.
On voit que le protocole d’entrée du couple de nombres de la Canon est spécifique et oblige à entrer les deux valeurs à la suite au moyen d’une touche unique. Le premier P → R se borne à l’enregistrement de la première valeur tandis que le P → R suivant prend en compte la seconde et lance le calcul. On notera qu’après l’affichage du premier résultat, un point vert à gauche du premier chiffre indique la présence du second résultat à collecter par une dernière pression de P → R.
J’espère être clair, un manuel aurait fait mieux j’en suis sûr !
Autre chapitre obscur qui oblige à bien tatonner pour comprendre sans aide aucune (à moins que, mais n’anticipons pas …), les statistiques et la régression linéaire.
La machine propose 5 mémoires (de 1 à 5) lorsque le commutateur statistique de gauche OFF n n-1 est sur OFF. Commuté en mode n les mémoires 4 et 5 ne sont plus disponibles. Pour entrer une série de données le commutateur de droite x xy LR doit être positionné sur x (statistiques à 1 variable) ou sur xy (statistiques à 2 variables).
Exemple : pour entrer la liste {5, 15, 7, 13, 18, 2} les données doivent être tapées puis validées l’une après l’autre par la touche SUM. A l’issue, OUT 0 donnera le nombre de valeurs, OUT 1 la somme des valeurs, OUT 2 la somme des carrés, OUT 3 la moyenne et OUT 4 l’écart-type d’une population (se commuter sur n-1 renverrait l’écart-type d’un échantillon).
Pour une série à deux variables, par exemple {5;49, 15;67, 7;70, 13;142} je devrai entrer les couples après m’être commuté sur xy puis taper 5 SUM 49 SUM ; 15 SUM 67 SUM ; 7 SUM 70 SUM ; 13 SUM 142 SUM. On notera là encore qu’un point vert signale pour chaque couple l’attente de la 2e valeur. Tout comme les séquences OUT n décrites ci-dessus pour les données x, OUT suivi du point décimal puis n (OUT.n) renverra pour n = 0 à 4 les séquences pour les données y, tandis que OUT.5 et OUT.6 seront consacrées à somme des xy et écart-type xy.
La touche DLT (=delete) s’utilise à la place de SUM, pour effacer une donnée.
Pour les opérations de régression linéaire, après la longue frappe des couples de valeurs x et y, on bascule le commutateur sur LR et alors pour toute valeur tapée, OUT renverra la prévision de y selon x. Je n’ai pas trouvé comment réaliser la prévision inverse, soit x selon y. Ce n’est peut-être pas prévu, ce serait étonnant.
Juste avant de basculer le commutateur de droite sur LR, j’aurais pu profiter d’être encore sur la position xy pour taper OUT.9 et vérifier ainsi la bonne corrélation de mes données x et y. Et OUT.7 et OUT.8 pour lire l’ordonnée à l’origine et la pente de la courbe de régression.
Je suis content d’avoir trouvé tout cela mais je dois avouer avoir beneficié d’une aide malgré tout. Alors que je cherchais une fois de plus un manuel ou quelques informations, notamment au sujet de la seconde prévision, j’ai croisé un excellent site qui montrait la fameuse plaquette aide-mémoire. Du coup, j’apprenais son existence mais aussi l’usage du point décimal. Avant cela, je m’étais résigné à la conclusion qu’il n’était pas possible d’obtenir les résultats statistiques des séries y, ni même l’indispensable coefficient de corrélation. Eh bien si ! la Canon offre la panoplie complète du calcul statistique à deux variables, donc sûrement aussi la seconde prévision.
Je mets ci-dessous le lien pointant vers le page du site dont je parle, qui présente la CANON F-71 et qui reproduit l’aide mémoire initialement fixé au dos de la machine, et que mon modèle a perdu, merci à l’auteur.
Un dernier mot, cette fois sur la précision de la calculatrice. Elle est de 11 chiffres (sur 10 affichés). Si je compare avec sa contemporaine SHARP EL-5000, aux mêmes caractéristiques, je constate que, comme elle, les fonctions trigonométriques s’exécutent sur 10 chiffres seulement. Mais lors des essais pratiqués par mes soins la CANON fait nettement mieux que la SHARP dont les résultats se montrent très moyens.