Commodore 776M

Dans une autre présentation, celle de la Sperry-Remington 663, je découvrais l’existence d’un afficheur limité à 6 positions. Je n’imaginais pas qu’il pût exister des modèles à 7 chiffres !

La Commodore 776M, calculatrice basique s’il en est, ne peut gérer de nombres supérieurs à 9.999.999, quand l’immense majorité des machines offrirent très tôt les 8 chiffres « réglementaires », rouges, verts ou oranges, voire 10, pour les modèles scientifiques.

Le boîtier de la 776M est identique à celui de la SR7919, qui, elle, déroule sans difficultés son ruban de 8 chiffres.

Je parie que le « 7 » du milieu de « 776 » traduit cette caractéristique.

La 776M, en dépit de ses 19 touches, n’est pas si dépourvue que cela. En particulier sa touche de pourcentage est pratique et intuitive, c’est loin d’être toujours le cas. Par exemple, pour ajouter 9% à 102, il suffira de taper le plus simplement du monde : 102 + 9 % =. Pour retrancher, le principe est le même, et la multiplication affichera le pourcentage d’une valeur.

La touche de mémoire s’utilise de façon franche elle aussi. Pour stocker, on tape M et pour rappeler … on tape le même M. Bien que la touche soit unique, la Commodore sait toujours ce que vous souhaitez faire, et pour cause : Le M qui stocke doit être utilisé pour un résultat, donc après pression sur la touche EGAL. Hormis ce cas, M retournera le contenu de la mémoire.

L’excellent état de fonctionnement de ma 776M m’étonne, vu son âge et sa technologie d’affichage par chiffres rouges gros consommateurs d’énergie. Elle s’alimente avec une simple pile de 9 Volt. Or brancher ce type de pile est toujours délicat : l’extrémité des câbles sortant de la machine est conçue pour mordre solidement les deux ports de la pile. Pour les déconnecter, il faut souvent user de fermeté, tandis que la préhension des câbles entre deux doigts est malaisée. Dans ces machines anciennes, il n’est pas rare de voir ces câbles fragilisés, voire hors service, quand ils n’ont pas tout simplement disparu. Les changements de piles étant rendus fréquents par l’afficheur glouton, je suis tenté de conjecturer que les machines en état de fonctionnement aujourd’hui ne furent que peu utilisées au cours de leur vie. Tant mieux pour les amateurs !

Merci à kweeky

SHARP EL-5804-5809

Deux jumelles au format « règle » millésimées 1978.

J’ai découvert la SHARP EL-5804 et son format inhabituel dans un catalogue La Redoute en 1979. Bien plus tard j’ai appris qu’elle avait une jumelle, la 5809.

Si cette dernière dispose des fonctions scientifiques classiques, la 5804 ne donne que le strict minimum. Elle comporte pourtant une touche mystérieuse dont la légende associe l’élévation à la puissance au symbole du logarithme népérien. Que se passe-t-il quand on la sollicite ?

Je ne peux y répondre qu’indirectement, mon exemplaire acquis de fraîche date refusant de fonctionner. Je l’ai pourtant ouvert et y ai diagnostiqué un câble décroché que je n’ai pas réussi à bien relier.

Heureusement je dispose du manuel, au même format allongé. On y lit que la touche peut s’utiliser de deux façons. Soit en élevant classiquement une valeur « y » à la puissance « x ». Et dans ce cas on assiste après pression à l’affichage furtif du logarithme naturel utilisé par l’algorithme, valeur qui s’escamote à l’entrée de l’exposant. Ce fait est courant sur les machines anciennes. Le résultat final s’affiche par appui sur EGAL.

Pour la seconde façon, on aurait presque envie de crier à l’imposture, à tort, mais n’anticipons pas. En effet, alors que l’affichage furtif du logarithme constitue encore un archaïsme en 1978, bientôt gommé définitivement, voilà que SHARP bombe le torse et proclame une fonction supplémentaire. L’utilisateur veut obtenir la valeur d’un logarithme naturel ? Qu’il enfonce la touche d’élévation à la puissance et note sans aller plus loin l’artefact affiché. Il n’y a même plus besoin d’une touche dédiée sur le clavier.

N’est-ce pas un peu dangereux malgré tout ? car maintenant, une valeur « y » attend la suite de l’opération, c’est à dire une valeur « x » et l’appui final sur EGAL, seul moyen en principe de terminer le cycle de l’opération en cours qui, sinon, risque de perturber tout calcul futur.

Quel dommage de ne pouvoir vérifier machine en main.

A moins qu’il y ait une ruse…

Je vais tenter de trouver une machine de substitution possédant le même circuit de calcul, que je dois avant tout identifier. Il existe un moyen simple pour cela : consulter la table de Mike Sebastian (*), qui recense le résultat au test « Forensics » d’une grande quantité de machines, et donc la signature de leur processeur.

Je découvre en consultant la table que la EL-5804 est proche parente de la SHARP EL-5800, modèle en ma possession et en état de marche.

La 5800 n’a pas besoin de la touche à double légende car elle offre sur son clavier les deux types de logarithmes, naturels et décimaux. Et chose curieuse, la valeur retournée par ces touches dédiées ne dépasse jamais 7 chiffres, alors que l’appui sur celle d’élévation à la puissance en renvoie 8 pour le logarithme intermédiaire. Le résultat de l’opération réciproque « e puissance x » est d’ailleurs moins exact avec la touche dédiée au logarithme qu’avec l’artefact intermédiaire, c’est un comble.

Ce dernier, seconde curiosité, peut être utilisé tel quel, sans jamais perturber les calculs futurs. Car la touche puissance est soigneusement isolée de tout calcul en chaîne. Dès qu’une touche d’opérateur est tapée, tout repart de zéro en abandonnant sur place l’opération précédente non achevée. En conséquence, la légende double de la EL-5804 n’est pas un abus de langage, c’est bien une touche qui réalise deux opérations distinctes, une à deux termes, et une à un seul terme.

Les deux machines 5809 et 5804 semblent s’adresser à deux publics différents. La 5809 a un aspect classieux, métallique, elle prend place dans un coffret rigide et soigné. La 5804, à la livrée sombre plus simple, bénéficie d’une housse de belle facture, moins flatteuse cependant.

 

 

La SHARP EL-5800 et la signature Forensics de sa puce

 

La table des résultats du test Forensics. Merci à M. SEBASTIAN pour cet énorme travail.

https://www.rskey.org/~mwsebastian/miscprj/forensics.htm

HANIMEX MCM 1266

Mais qui était HANIMEX  ?

On rencontrait souvent des calculatrices de cette marque dans les années 70. Mais internet m’apprend que ce constructeur d’origine australienne était spécialisé de longue date dans les appareils de photographie (*).

La calculatrice de table ici présente a déjà été rencontrée sous d’autres marques, j’en jurerais. Qu’elle fût ou non produite par HANIMEX à la base, cette machine est de construction sérieuse. En témoigne le clavier au toucher mécanique et fiable.

La MCM 1266 est une machine « moderne », bien éloignée de la Casio 121-E par exemple. Elle fut sans doute produite à proximité de l’année 1980. La notion de totalisateur, lu et vidé par les traditionnelles fonctions S◊ et T∗ en vigueur dans le monde des machines de table n’a pas cours ici. La touche ÉGAL est sollicitée tant pour les divisions et multiplications que pour l’addition et la soustraction.

Le manuel, qu’on dirait tapé à la machine à écrire plaide lui aussi pour une production antérieure aux années 80. On y voit en couverture le logo d’HANIMEX : un globe dans un « H » (**).

Les douze chiffres à 7 segments verts sont accompagnés de trois petits témoins : le point pour l’occupation mémoire, une barre verticale pour la condition d’erreur, tout cela en queue de mantisse, y compris pour le signe MOINS.

Les couleurs de la calculatrice sont vives et harmonieuses. Qui a dit que les travaux comptables doivent être mornes et tristes ?

 

 

(*) https://en.wikipedia.org/wiki/Hanimex

(**) Le logo de la marque

 

CASIO √121-E

Un aspect sans doute banal, mais une personnalité incomparable. Cette simple additionneuse de bureau est, en ce jour de 2021, âgée de 48 ans. Elle est si robuste que son fonctionnement est demeuré intact et fiable.

Quels sont les traits de caractère qui témoignent de son âge ? Un poids important, un afficheur souligné par une réglette mobile, montrant un ZÉRO en demi-hauteur bien peu lisible pour l’œil contemporain, un QUATRE croisé et un splendide signe MOINS constitué d’une barre rouge lumineuse. Signe des premiers temps, des zéros bien inutiles peuplent la gauche de l’écran par défaut. Et pour l’anecdote une belle longueur du fil d’alimentation, générosité qui n’est plus de mise de nos jours.

La √121 est plus qu’une additionneuse. Sinon, pourquoi crânerait-elle à arborer le symbole de racine carrée dans son nom ? Elle dispose bien de la fonction, dont la mise en oeuvre est particulièrement originale. À bien regarder, sur le clavier sa légende voisine avec celle de la division, sur une touche unique. Mais comment indiquer à la machine quelle fonction on souhaite utiliser quand on l’enfonce ?

Une division agit sur deux valeurs tandis qu’une extraction de racine agit sur une seule, voilà la clef.

Si l’on entre un second nombre après avoir enfoncé la touche aux deux légendes, le résultat retourné par ÉGAL sera classiquement celui de la division du premier par le deuxième. Si l’on tape ÉGAL sans entrer de seconde valeur, la √121-E calculera la racine carrée de la première au rythme d’une danse endiablée de chiffres intermédiaires.

Démarche inverse, si l’on appuie sur la touche de multiplication juste avant celle de division, la manœuvre décrite ci-dessus renverra systématiquement des carrés jusqu’à l’appui sur AC.

Concernant le fonctionnement de la mémoire, le stockage et l’accumulation sont assez intuitifs (M+ ou M- inscrits en gros et en gras sur leur touche). C’est moins le cas pour la  lecture du contenu mémorisé. Comment s’y prendre ? Il faut se référer aux couleurs des touches pour comprendre que T, habituellement dédiée à la totalisation de PLUS ou MOINS sur les machines de table est ici entièrement consacrée à la lecture (avec remise à zéro) de la mémoire.

Fait coutumier chez CASIO – et par conséquent déjà en 1973 – un fin film protecteur recouvre les parties métalliques de la machine. J’ai ôté ce film, qui n’avait pas vieilli, n’était ni sale ni ondulé, restituant ainsi l’aspect d’origine ultime de la machine.

Un outrage du temps qu’on ne peut soupçonner sur la photo est l’imprégnation de l’odeur de tabac dont souffrait la √121-E lorsque j’en ai fait l’acquisition voilà quelques années. Quoi de plus normal pour une machine ayant traversé les âges depuis le début des années 70 ? Après avoir abandonné la machine à l’air libre dans mon garage pendant deux semaines, l’odeur de tabac – qui n’est donc pas une fatalité – a fini par disparaître complètement et pour toujours.

 

 

 

TOSHIBA LC-110PV

Une calculatrice à imprimante faussement banale.

Bien sûr ses fonctions sont limitées mais son intérêt est de nous renvoyer d’un coup au début des années 80, avec son affichage jaune bien rétro.

La design de cette TOSHIBA est parfait. Une grande classe, de face comme de profil. Compacte mais lourde avec ses 4 piles AA et somme toute imposante, elle tente pourtant de nous faire oublier ses dimensions.

Ainsi son afficheur est de seulement 10 chiffres. Son rouleau prend beaucoup de place mais ses dimensions sont malgré toutes réduites.

Comme tant de calculatrices au tempérament commercial ou comptable, elle juxtapose deux logiques de calcul distinctes : le pavé de multiplication et division à gauche, et la ligne de totalisation à droite pour l’addition et la soustraction. Pour ces deux dernières opérations, le geste n’est pas inné, il doit s’apprendre. En particulier, point de touche ÉGAL.

On peut illustrer le fonctionnement typique de cette machine en jouant à extraire une racine carrée, celle de 42 par exemple.

Un petit rappel pour commencer : comment calcule-t-on une racine carrée quand aucune touche ne le fait pour vous ? Il faut tout d’abord user d’intuition et deviner au mieux une valeur approchée (par défaut on peut prendre la moitié du nombre de départ). Ensuite, en divisant le nombre de départ (ici 42) par sa racine approchée, on en trouve un nouveau (différent à moins qu’on ait deviné la racine exacte du premier coup). L’étape suivante consiste à faire la moyenne des deux derniers nombres, celui qu’on vient d’obtenir et le précédent, autrement dit la moyenne du dernier quotient et du dernier diviseur. On poursuit en divisant 42 par cette moyenne, et ainsi de suite. Très vite, les résultats vont se rapprocher pour devenir identiques, la racine carrée est trouvée, à la fois diviseur et résultat.

Pour 42, sachant que la division par 6 donne 7, la racine se situera entre l’un et l’autre. On peut donc commencer le calcul, et pour ce faire, user des deux modes permis par la machine : pavé de gauche et touche ÉGAL pour les divisions, totalisateur de droite pour la somme des deux racines intermédiaires à diviser par 2 ensuite pour en faire la moyenne. La mémoire est précieuse pour stocker et rappeler à chaque fois le résultat précédent.

La bande de frappe reproduite ci-dessous montre la séquence des appuis aboutissant à la racine carrée.

De grands classiques des machines de bureau : la touche double zéro, le sélecteur de décimales, avec la précieuse position « + » souvent appelée A ou ADDqui affiche toute frappe en la positionnant d’office sur deux décimales, sans qu’on ait besoin de taper la touche de virgule à chaque fois. En pratique, ce mode est vraiment efficace. Et aussi la touche « dièse » (*) pour l’impression hors prise en compte dans le calcul. Et classiques parmi les classiques, visibles sur les touches de mémoire, le traditionnel losange symbole de la lecture d’un contenu sans vider le registre, et l’étoile qui lit le contenu et vide le registre.

Quand fut produite cette belle machine exactement, et combien coûtait-elle ? Comment le savoir si longtemps après ?

J’ai la chance de détenir le bon d’achat, qui permit au premier propriétaire d’obtenir une réduction sur le prix, à condition de l’exercer avant … fin octobre 1980, c’est écrit dessus. Sans réduction, la machine coûtait donc 40 Livres Sterling, nous voilà pleinement renseignés.

(*) Mais non, ce n’est pas un dièse, c’est le croisillon, celui d’internet (#) souvent appelé « dièse » à tort. Croisillon (#) et dièse () sont deux caractères typographiques différents, en usage dans deux mondes différents.

HEWLETT-PACKARD 21

Une ancienne Hewlett-Packard de la décennie 70, voilà qui devrait être mythique.

Pourquoi au fait ? J’avoue éprouver quelque incrédulité à l’égard de l’aura princière qui drape cette marque, certes pionnière. D’où provient le bleu de son sang ? Est-ce le célèbre mode de calcul en notation polonaise ? Ou le respect dû au créateur de la toute première calculatrice de poche scientifique ? Ou encore la belle histoire du garage où œuvraient deux bonshommes charismatiques ? Vient-il des prix de vente traditionnellement élevés du catalogue ? Ou d’une qualité de construction, une solidité, une longévité à toute épreuve ? A moins que ce soit le légendaire clavier à déclics et ses touches biseautées. Ou peut-être la technique secrète d’ouverture où les patins jouent un rôle occulte connu des seuls initiés ? Ou un peu tout ça ?

Cette HP-21 photographiée ici et acquise voilà peu peine à incarner la légende. Déjà, elle ne s’allume pas. Sans doute est-ce la faute à un branchement fatal sur secteur, bloc déposé. Ou au bloc lui même, car il présente des déformations provoquées par une chaleur anormale et la fragilité de son contact expose à ce fonctionnement découplé aux conséquences tragiques. 

Le précédent propriétaire m’avait pourtant prévenu, mais tant de calculatrices ont retrouvé la vie après apposition de mes mains magiques que j’y avais cru cette fois encore. Mais là non, cette fois c’est mort, aucun moyen de la réveiller. Chez Hewlett-Packard même les pannes, c’est du sérieux. Il serait possible de redonner vie à cette machine en y insérant une carte électronique moderne de substitution élaborée par de talentueux artisans d’aujourd’hui. Mais je n’ai pas grande motivation à déployer de tels efforts – et notamment financiers – pour une machine si peu originale, avec ses chiffres rouges bien classiques et un déficit évident de personnalité (oui c’est une Hewlett-Packard et ça se voit, et alors ?).

Une petite recherche sur le net montre combien les calculatrices Hewlett-Packard ont pu fasciner : Énormément de photos, intérieur comme extérieur, de nombreux sites, un forum d’une grande richesse où s’expriment des personnages érudits, des conseils de réparation, de bricolage, « d’overclockage », des guides, plans, schémas … Et un marché de l’occasion toujours foisonnant, des prix de vente incompréhensibles selon moi.

Je peux comprendre la dévotion envers une HP-35 qui fut la toute première calculatrice scientifique de poche, sans concurrente, sans réel modèle témoin pour attester les résultats, ou une HP-65 première programmable, ou encore une surpuissante HP-41 qui illumina la décennie 80, je ne ressens pas la fascination des machines intermédiaires, comme cette pauvre HP-21. Membre de la famille Woodstock, c’est une toute petite machine, au design général incontestablement réussi. Quoi d’autre ?

Le clavier était dur quand je l’ai réveillé. Puis des clics sourds sont revenus. Les claviers HP ont une belle réputation. Les anciennes TI s’en sortaient pourtant bien également (SR-52, SR56, SR50 et 51), d’autres aussi sans forcément cultiver l’art du clic. Les claviers Hewlett-Packard ont une bonne longévité mais le toucher « maison » peut ne pas faire l’unanimité, notamment auprès des utilisateurs aux doigts de pianistes rapides et frappeurs.

Je continue de creuser l’origine de la noblesse des anciennes calculatrices Hewlett-Packard. La notation polonaise (RPN) confère assurément une vraie personnalité. Mais au delà, je comprends qu’il est aussi question de supériorité. Les Hewlett-Packard aiment déclasser les autres, les provoquer en duel de frappes de touches. Témoin, cette gigantesque formule(*) qui ornait les manuels de quelques vieilles HP. La formule concerne le calcul du nombre de Mach et peut être traitée d’un seul tenant (c’est du moins le pari) par le mode polonais, sans recours aux mémoires ou aux parenthèses d’ailleurs inexistantes dans ce mode. Les machines concurrentes au mode algébrique (de marque Texas Instruments pour ne pas la nommer) n’auraient pas la bouche assez grande pour avaler d’un coup un tel bloc et imposeraient une bête décomposition de la formule. Le RPN est sans doute efficace sur ce point mais pourquoi en faire un critère prépondérant ? Combien d’entre nous sommes assez damnés pour devoir entrer sans erreur, oubli et d’un seul tenant de telles formules où s’agglutinent barres de fractions et exposants ? Je note que la formule de Mach est gobée sans difficulté par toute calculatrice graphique depuis 1985, sans que quiconque ait songé à en tirer gloriole.

Quant à la réputation générale de longévité ou solidité des vieilles HP, à l’aune de ce qu’on peut voir aujourd’hui où des marques de jadis ô combien viles ont fait aussi bien voire mieux, elle m’apparaît bien surévaluée.

Voilà pour les éléments qui me semblent factuels, mais la subjectivité est de rigueur face à ces objets chéris des collectionneurs. Et si le prestige venait des élites ciblées ? Machines à notation polonaise inaccessibles à la main non éduquée et au portefeuille trop léger, Hewlett-Packard montre à qui lui accorde un regard qu’elle se réserve à d’autres, aux champions, à ceux censés la mériter. Un peu comme chez Rolls Royce où selon la légende les vendeurs répondaient aux clients soucieux du prix : « si vous le demandez, c’est que vous ne pouvez pas vous la payer ». Pour Hewlett-Packard le slogan serait « si vous ne parvenez pas à vous en servir, c’est que vous n’êtes pas né pour cette machine d’exception ». Si le quidam ne convoite guère les Rolls, il rêvera néanmoins devant les vitrines de ces calculatrices mystérieuses, intimidantes, qu’il finira par acheter, aujourd’hui encore sur un florissant marché de l’occasion, toujours à des prix d’élite.

Lenteur, précision moyenne, fonctions banales, fragilité, je ne suis décidément pas fan de la marque Hewlett-Packard et ses modèles.

Dans cette présentation, je suis conscient d’égratigner l’aura de machines anciennes qui bénéficient habituellement d’une belle unanimité. Cette HP-21 triste et fragile m’a décidé à me faire l’avocat du diable. Que mes arguments soient pertinents ou réfutables, l’important est sans doute l’expression d’une voix différente pour une fois, la mienne, voix qui n’exprime que mon avis et rien d’autre.

 

(*) Le calcul du nombre de Mach, illustré par une formule intimidante qui orne en couverture plusieurs manuels Hewlett-Packard de cette époque, où les virgules se confondent avec les séparateurs de milliers et les signes de multiplication semblent jouer à cache-cache …

L’image colorée ci-dessous est une tentative de rendre la formule du manuel plus lisible et moins répulsive. Le résultat à trouver serait 0,835724535179 … Pas évident du premier coup, que ce soit avec une HP ou une TI

 

SANYO Model 810

SANYO, géant de l’électronique, fut présent dès les premiers instants sur le marché des premières calculatrices. Ces machines, pas encore tout-à-fait de poche, étaient lourdes, encombrantes, telles une ICC 081 Mini Calculator de 1971 et sa poignée de transport.

En 1972 SANYO lance la Model 810, une machine davantage compacte et aux arêtes plus rondes. L’afficheur adopte un format plus moderne que les tubes Nixie ou autres clapets rabattables. Les touches du clavier sont désormais bien rassemblées, on y sent un frémissement de design.

Les fonctions sont encore extrêmement simples : Les quatre opérations et c’est tout ! Le manuel explique comment réaliser toutes sortes de calculs compliqués, comme des calculs de bulletins de paye, époque barbare …

La SANYO ICC-810 ne sera pas encore la calculatrice de poche dont le grand public va s’emparer. Il est trop tôt. Le prix et le poids sont encore exorbitants.

L’afficheur, de fabrication NEC, est un magnifique néon de couleur orange, présentant la caractéristique d’offrir un 8e petit segment à la droite du « 4 » pour lui restituer au mieux sa forme croisée. Cette graphie, courante à cette époque en affichage fluorescent vert, est rarissime pour un afficheur orange. Un vrai symbole MOINS complète les huit chiffres disponibles. La virgule est flottante et le dépassement de capacité signalé par un point en haut à gauche. Dans ce cas, la position du point décimal renseignera sur la taille réelle du nombre, dont l’expression ne pourra jamais excéder 8 chiffres significatifs.

L’alimentation de la Model 810 est assurée par une batterie à quatre éléments rechargeables procurant une autonomie de 3 heures. Un dispositif d’extinction, ravivé par la touche H, permet d’économiser ces instants précieux.

Sur le plan de la construction, la ICC-810 a tout pour déformer les poches. Sa masse toute mouillée est de 540 g. Taillée dans un bloc de métal à coups de serpe, la façade avant pèse à elle seule 170 g, avec une épaisseur de métal de 2 millimètres au moins, c’est énorme.

Démontée, la ICC-810 nous dévoile son mécanisme de clavier basé sur un couple de ressorts hélicoïdaux ! : un pour la touche, un plus fin pour le minuscule picot de contact. Sans jamais se tromper, les picots noirs appuient à l’aveugle sur des points précis de la carte recouverte d’une nappe de caoutchouc obscure.

Combien coûtait une Model 810 en 1972 ! Bien peu d’informations sont disponibles aujourd’hui. Dans le numéro 577 de Science et vie, il est mentionné un prix de 1296 Francs en 1974, soit à peu de choses près 1300 de nos euros actuels, et sûrement bien plus encore deux ans auparavant.

Note 1 : L’alimentation par câble sur le côté résulte du travail d’un précédent propriétaire de ce modèle. Le port d’alimentation d’origine est sur le dessus de la machine.

Note 2 : Cet article est une réduction de celui paru dans la Gazette n° 12 à laquelle j’avais contribué, téléchargeable sous le lien ci-dessous.

http://silicium.org/site/index.php/telechargements/category/4-la-gazette-des-pocketicaires

 

KINGS POINT Scientific-33

Voilà une très belle machine peu connue du constructeur Kings Point. Machine de grande dimensions, celles de la scientifique SC60.

La Scientific-33 illustre un trait commun aux calculatrices les plus anciennes, l’oubli. Nombre de modèles ne sont plus référencés aujourd’hui car leur souvenir n’a pas résisté au temps. Peut-être furent-elles peu diffusées, qu’elles rencontrèrent peu d’acheteurs, peut-être étaient-elles fragiles, ou réservées à de rares contrées du globe …

On trouve quelques traces de la 33 sur le net, mais bien peu de photographies. La voici donc.

L’aspect est original mais on ne saurait dire pourquoi au premier coup d’œil. Le modèle est-il scientifique ? Oui car on voit des touches de logarithmes, d’élévation à la puissance, celle d’exposant de dix. Mais les fonctions trigonométriques, pourtant jamais éloignées des logarithmes sont absentes du clavier de cette calculatrice scientifique.

Je connais une machine qui partagerait parfaitement ces caractéristiques : Il s’agit de la Texas instruments SR-16. On trouve d’ailleurs dans l’une et l’autre la puce TMS1001. Si on retrouve bien dans la 33 le ∑+ de la SR-16, en revanche deux fonctions sont absentes du clavier de cette dernière, les A-CLR et D-RCL. A-CLR est un effacement total, mémoire comprise. D-RCL ravive un affichage mis temporairement en sommeil pour économiser les batteries rechargeables internes.

La proximité des deux machines me permet, outre de pouvoir dater la Kings Point 33 de l’année 1974, de pallier aussi un inconvénient sérieux : la 33 ne s’allume pas. De nombreux ponts entre la carte électronique et l’afficheur se sont rompus avec le temps. Un précédent propriétaire a consciencieusement ressoudé trois d’entre eux mais d’autres sont désormais endommagés. La machine reste réparable, peut-être un jour où j’en trouverai le temps. En attendant ma TI-SR16, au fonctionnement intact, m’apprend tout ce que ma 33 ne peut plus me dire. Et le condensé de manuel imprimé au dos aide aussi !

L’inscription en façade Scientific-33 est typique du constructeur, comme on peut le voir sur une autre Kings Point, la petite Scientific-10.

 

Ci-dessous la puce de la Kings Point-33, d’origine Texas Instruments

 

Ajout du 15 avril 2021

En ces temps de confinement, alors que le coronavirus bouscule notre quotidien depuis plus d’an an, voici une image qui retrace le périple accompli du 21 mars 2020 au 7 mai 2020 par cette humble calculatrice venue me rejoindre en France depuis le fin fond de son Arizona. Le premier confinement était sévère, les entrées et sorties d’un état à l’autre étaient incertains et je me demandais si je recevrais un jour ma machine. Très vite le suivi du colis me montra qu’elle avait rejoint puis quitté Los Angeles. Puis d’un coup les nouvelles s’arrêtèrent. Je la pensais malgré tout arrivée en France et stockée dans un entrepôt en attendant un retour à des conditions de circulation plus normales. Et puis le premier mai, voilà que le suivi reprend vie et m’informe que la KingsPoint vient de quitter Tokyo. Pendant tout ce temps c’est au Japon, tout aussi loin voire davantage, que la machine avait paisiblement attendu. Tout alla ensuite très vite et le 7 mai, je prenais possession de ma nouvelle machine. Il est des circonstances où il est sage de se résigner à la patience …

INTERTON PC 4030

Petite calculatrice scientifique typique de 1976.

Les machines de ce constructeur ont souvent cette ligne compacte qui s’affine en allant vers le bas.

Les touches de la 4030 ont des légendes splendides et parfois inhabituelles. Qui devinerait la signification de 5ʃ8 ? ou du symbole de la  touche en dessous du F, qui pour un peu nous renverrait à l’univers d’ARISTO. Il s’agit en l’occurrence de la spécification du mode angulaire Degrés. Quant à 5ʃ8 il permet d’escamoter l’exposant de dix pour prolonger les 5 digits d’une mantisse vers les 8 digits que peut offrir l’affichage, fonction habituellement nommée CN (pour Change Notation).

Le relatif exotisme du clavier peut s’expliquer par l’origine allemande de la construction, ce que nous apprend le site Vintage Calculator Museum (*). Les productions allemandes – c’est très visible dans les anciens catalogues de vente par correspondance allemands – indiquent volontiers 0 – 1 sur les interrupteurs au lieu de ON – OFF . C’est le cas ici.

Cette INTERTON, modèle scientifique et haut de la gamme est pleine de santé, son affichage est lumineux et vif. Avec 25 touches, le « F » est beaucoup sollicité. Le clavier est cependant devenu hésitant avec le temps. Au bout de quarante ans quoi de plus normal. Et pourtant sa jumelle BROTHER 967, parfaite contemporaine dotée d’une électronique identique ne connait pas cette faiblesse.

(*) http://www.vintagecalculators.com/html/calculator_photo_library_i.html

 

OLYMPIA LC-391

Une sublime calculatrice « dix chiffres » de 1978.

Fabriquées le plus souvent à Taiwan, vendues à prix doux, ces machines donnaient un formidable coup de jeune à l’offre du moment.

Dotées d’un afficheur LCD généreux à faible consommation au lieu des tremblotants chiffres verts ou rouges gloutons en énergie, un design léger, extra-plat et non plus épaissi par les lourdes batteries, une cohorte de  témoins d’information, on comprend le succès de ces machines vraiment de poche.

L’Olympia LC-391 en est l’archétype.

Vendue 169 Francs dans le catalogue des « 3 Suisses » de cette époque et sous la marque Technico, cette fine machine offrait des fonctions pointues.

Outre les logarithmes et fonctions trigonométriques, citons les hyperboliques, les statistiques complètes, les calculs de combinaisons et permutations, les probabilités sous la courbe de Gauss, les factorielles, les conversions angulaires, les conversions polaires-rectangulaires … Plus inattendu, il est possible d’isoler les parties entière et fractionnaire d’un nombre, fonctionnalité plus commune sur les machines programmables.

Pas moins de quatre touches d’appel de fonctions secondes étaient nécessaires pour donner l’accès à la panoplie complète des fonctions : « INV« , « F » pour les fonctions repérées en rouge sur le clavier, « ∑out » pour celles en vert (statistiques), et « HYP » pour la trigonométrie hyperbolique.

Quelques mois plus tard, de nouveaux modèles apporteront l’extinction automatique, la mémoire permanente, les statistiques à deux variables.

Malgré sa large diffusion à la fin des années 70, l’Olympia LC-391 est très discrète de nos jours. C’est pour moi une grande satisfaction d’avoir pu dénicher ce modèle en 2020.

Ci-dessous la page du vieux catalogue 3 Suisses, avec la Technico au milieu.

Ci-dessous deux sœurs Olympia, séparées par quelques courtes années. Les caractéristiques sont absolument identiques. L’afficheur est simplement devenu gris et ses segments et témoins montrent un dessin très légèrement différent, comme le « o » de ∑out s’affichant ∑Out.

SANTRON 300SR

Encore une belle machine de l’époque 1975/1976. La SANTRON 300SR a un aspect plutôt anonyme. Elle ne semble ni connue ni recherchée. Un modèle à oublier ?

Non bien sûr ! Que nous montre-t-elle de prime abord ? Une silhouette biseautée qui fait penser à Hewlett-Packard, un calage d’affichage à gauche, des chiffres rouges constitués de micro-segments, voilà qui évoquerait bien l’univers de Novus.

Pratiquons quelques tests de calculs poussés pour tenter de déceler la signature de l’électronique. Voilà le verdict qui tombe, nous avons affaire à un processeur de marque Rockwell, le même qui anime la Rockwel Anita 1041 (*), la Sanyo CZ-2172, et l’Olympia CD603. Du très beau monde.

La SANTRON 300SR est une calculatrice simple mais empreinte d’une classe discrète. La courroie, le galbe concave travaillé de la façade en témoignent.

Sur le plan du calcul, dix chiffres plus deux d’exposant (pas de chiffres de garde) pour des calculs scientifiques classiques. La précision est très correcte, la vitesse de calcul dans la fourchette haute. Le clavier, sans déclic, est parfait. Enfin trois piles AA alimentent l’afficheur à diodes.

Une originalité : en cas d’erreur, quatre segments s’allument tout à gauche pour dessiner le « O » de Overflow, (= dépassement de capacité).

 

 

(*) Une excellent page qui montre l’Anita.

http://anita-calculators.info/html/anita_1041.html

PRIVILEG PR56D-NC

La Privileg PR56D-NC est la jumelle technique de la SANTRON 626, présentée dans cet autre article. Elle en partage le processeur mais pas la présentation ni l’agencement des touches sur le clavier.

La PR56 est bien connue, plutôt recherchée en occasion, et même parfois payée un peu cher en raison de ses capacités de programmation, pas encore si fréquentes en 1976.

Lors de la prise en mains, le comportement rappelle la Commodore PR-100, autre programmable du moment. Ainsi à l’allumage l’affichage de la PR56 est réglé sur deux décimales par défaut, comme sur la Commodore. Les digits 6 et 9 se voient privés d’un segment, les mémoires disposent d’une arithmétique complète, jusqu’au protocole de programmation qui est le même, tout comme la taille de la mémoire programme … Les processeurs des deux machines sont en effet proches mais pas identiques, la Commodore disposant tout de même de beaucoup plus de fonctions.

A contrario, la PRIVILEG est plus efficace en programmation. Quand la Commodore réclame un pas de mémoire par appui de touche – et beaucoup de fonctions réclament deux voire trois appuis – la PRIVILEG propose un code combiné pour toutes les fonctions secondes. Par exemple, pour élever un nombre au carré, on aura besoin de taper deux touches, celle nommée ARC qui donne accès aux fonctions secondes, et celle de l’élévation au carré. Pourtant, quand on relit le programme tapé, on voit qu’un code spécifique unique a été utilisé, en l’occurrence « 18 ». La Commodore PR-100 ne se serait pas privée de facturer deux pas pour cette simple opération.

Par voie de conséquence il est logique de penser que la limite des 72 pas disponibles tolérera certains programmes de la PRIVILEG qu’elle refusera à la Commodore.

Avantage à relativiser cependant car la PR56 offre finalement peu de fonctions secondes. Par ailleurs les actions en mémoire (stockage ou rappel) n’ont pas bénéficié du code combiné, c’est dommage car elles sont beaucoup utilisées en programmation.

Signalons au passage une petite bizarrerie. En utilisation manuelle, l’appui sur ARC est toujours accompagné par l’activation d’un point sur l’afficheur, qui témoigne de la prise en compte de la demande. Lors de l’exécution d’un programme, le déroulement rapide de celui-ci montrera l’allumage du point chaque fois que la machine exécutera un code pourtant combiné.

La PR56 a une histoire. Elle descend d’un ancêtre, le modèle Netronics N3000X, proposé par un magazine d’électronique de mai 1976 (*) sous la forme d’un simple kit à assembler par les lecteurs. L’illustration figurant à l’intérieur du magazine montre une calculatrice scientifique programmable à la physionomie spécifique. Parions qu’il doit être très difficile de rencontrer cet objet de nos jours.

Par la suite PRIVILEG – marque du vendeur par correspondance allemand Quelle – distribuera la PR56D-NC non pas en kit cette fois mais bien construite sur cette base. SANTRON et SANYO feront de même avec respectivement la 626 et la rarissime CZ-911PG. Une NETRONICS sera aussi visible, identique en tous points à la PR56D-NC.

La PR56D est une machine agréable à utiliser, y compris en programmation. La qualité du clavier permettant une bonne frappe et l’éditeur de programme en font un outil confortable. Bien sûr la limite de 72 pas n’est jamais loin, et l’unique test, peu pratique, n’arrange pas les choses, mais comparé à d’autres machines de cette époque, comme la PRINZTRONIC  Program par exemple, la PRIVILEG se programme volontiers.

Pour présenter mon modèle, j’ai dû me résoudre à retoucher la photo, procédé auquel j’ai peu recours habituellement. Ma PR56D est en effet zébrée de rayures, accentuées par la prise de vue (on voit les rayures sur la photo de côté ci-dessous). Comme je ne dispose que d’outils basiques (MS PAINT !), on devine sans peine que mon modèle est loin d’être neuf. Il a bien servi, ce qui ne m’étonne pas, et peut d’ailleurs poursuivre sa vie, son fonctionnement étant demeuré intact.

Voici l’excellente page qui relate (en italien) l’aventure de la genèse de cette belle machine:

http://claudiolarini.altervista.org/netronics.htm

 

CASIO FX-105

Cette calculatrice a l’apparence typique d’une CASIO de la fin des années 70.

L’apparence seulement, car la FX-105 recèle quelques caractéristiques plutôt exotiques.

Son boîtier en plastique est partagé par des machines très voisines entre elles: FX-29, FX-39, FX-110, FX-120.

Les bizarreries de la 105 sont ailleurs …

L’examen du clavier montre déjà que nous ne sommes plus tout-à-fait sur la planète CASIO. Bien entendu, on y voit une signature familière: l’agencement des quatre touches d’opérateurs en carré et non en ligne.

Mais où sont les deux touches aussi voisines qu’incontournables C et AC qui les surplombent traditionnellement ? On ne voit qu’un petit C, perdu parmi les petites touches grises. A sa gauche, les fonctions MR et MC sont combinées en une touche unique MRC, symbole pas facile à trouver chez CASIO. Et en dessous, deux grosses touches de parenthèses, ça aussi c’est unique.

Voyons maintenant le comportement de la calculatrice. On actionne l’interrupteur latéral, et c’est tout à gauche que le zéro s’allume. Cela se rencontre ailleurs, mais point chez CASIO. On tape un nombre de plus de huit chiffres et voilà un exposant de dix qui gonfle tout seul, là aussi, comportement non typique de CASIO.

Sortons la loupe. Le test Forensics renvoie 9.2079408, une valeur non référencée sur la table de M. Sebastian (*). Machine ouverte en deux, l’électronique se révèle animée par une puce de marque NEC, c’est courant sur les anciennes CASIO, mais pas la référence µPD576C

Que retirer de ce constat ? Que les CASIO qui se ressemblent ne sont pas forcément aussi semblables qu’imaginé ? et qu’elles sont chacune dotées d’une personnalité propre ?

C’est sans doute vrai mais en la matière la FX-105 est une championne !

 

(*) http://www.rskey.org/~mwsebastian/miscprj/forensics.htm

 

 

 

ARISTO M 800

Le constructeur allemand ARISTO a longtemps produit des règles à calcul avant de se lancer dans la fabrication de calculatrices vers 1975. Ses machines présentaient toutes un solide air de famille. A la fin des années 70, ARISTO adopta le concept extra-plat que permettaient les modernes cristaux liquides.

Comme pour tant d’autres constructeurs, c’est une solution à base de processeur Nec D1856G qui fut adoptée pour le modèle scientifique à dix chiffres.

Techniquement identique à nombre de modèles concurrents, et en particulier à la PANASONIC JE1432U avec laquelle la M800 partage le témoin de statistiques spécifique – un symbole « S » à l’écran et non le ∑ beaucoup plus répandu – la M800 est une ARISTO bien reconnaissable à ses couleurs vives.

Si le comportement de toutes les calculatrices à processeur Nec D1856G est rigoureusement identique, et c’est bien aussi le cas pour la M800, celle-ci présente l’originalité d’être équipée d’une variante du processeur, nommé D1855G.

Se pourrait-il que l’ARISTO M800 soit la plus ancienne de toutes ces machines, la première ? Elle est en tous cas antérieure à 1980, l’entreprise ayant été dissoute en 1979.

Ci-dessous l’image des processeurs, à gauche le 1855 de l’ARISTO, à droite le beaucoup plus connu 1856 de la PANASONIC.

CASIO FX-15

Modèle emblématique des années 70, la CASIO FX-15 est une présentation alternative et plus métallique de la CASIO FX-17.

Il ne semble pas y avoir de différence du côté technique : fonctions identiques, exposant limité à 39, un zéro en demi hauteur.

La FX-15 est une fausse « petite », ses dimensions, son poids sont à quelques millimètres et grammes près ceux de la FX-17.

 

CANON F-62

 

La Palmtronic F-62 n’est certes pas la plus connue des calculatrices Canon.

Quels mystères peut receler ce modèle rare ? Bien peu je le crains. Il s’agit d’une scientifique 10 chiffres produite en fin des années 70. Elles est donc, comme beaucoup d’autres, mue par le processeur Nec D1856G, comme cela semble avoir été la règle à cette époque. Et par conséquent, il s’agit d’un « clone » technique de plus de ma toute première machine scientifique achetée à La Redoute en 1980.

Il exista quelques modèles scientifiques à 10 chiffres développés sur la base d’autres processeurs que le 1856.

Casio saura le faire, avec la FX-3100 par exemple. Canon aussi avec les F-63 et F-72. Mais ce constructeur prolifique se paiera le luxe de proposer en plus deux modèles à cœur NEC D1856G : la F-64 et cette F-62. Un autre géant, PANASONIC avait lui aussi proposé deux « Nec machines« , les JE-1432U et 1433.

Canon sut toutefois se démarquer. Les dispositifs d’alimentation sont originaux : La F-64 renonce au format extra-plat et reçoit deux piles AA, tandis que la F-62 fonctionne bien avec des piles plates, mais d’un type étrange et peu répandu : deux imposantes CR2430.  Pourquoi ces deux cœurs énormes dans une si petite calculatrice (11.5 cm de haut pour 7 de large), je ne connais pas la réponse.

Si l’écran de la F-62 est bien le classique d’une « Nec-Machine » à processeur 1856G, la présentation de la machine est typique de Canon, notamment le clavier et ses couleurs et légendes immuables, comme RV quand les autres gravent X<>Y ou EX, les « CI« , « SM« , et toujours un « a » élevé à la puissance « x » et jamais le « y » de tant d’autres …

 

Dernière minute …

Voici une autre calculatrice qui utilise également une CR-2430. Et ce n’est pas étonnant, car les boîtiers sont absolument identiques. Il s’agit de la SANYO CZ-1204 :

 

 

 

 

Texas Instruments TI SR-51

La Ti-SR51 est membre d’une très ancienne famille de calculatrices Texas-Instruments.

En 1978, je ne connaissais que deux modèles de calculatrices de cette marque : la Ti-57, qu’on voyait partout dans les grands magasins, les librairies, et jusque dans les boutiques de photographes, et la Ti-30 qu’un camarade avait apportée un jour au lycée.

Quelques années plus tard, en 1981, j’achetai enfin ma Ti-57. A cette époque, les TI-58 et 59 étaient devenues davantage visibles dans les vitrines de ma petite ville. Une TI-57 en main, une TI-58C dans mes rêves, voilà que je découvre les premiers numéros du magazine l’Ordinateur de Poche. Des choses se passent à cette période. Des modèles importants voient le jour, comme la novatrice HP-41, l’ultra moderne SHARP PC-1211, la CASIO FX-502P qui annonce la future 602P.

Dans ce contexte, les modèles Texas-Instruments, quoique puissants dans l’absolu, accusent le poids des ans : pas de possibilités alphanumériques, une mémoire volatile, un afficheur sans le moindre indicateur, un protocole de programmation désuet … Texas-Instruments prépare pourtant son entrée dans cette décennie prodigieuse, avec un modèle collant bien à l’air du temps : la TI-88. Le constructeur renoncera malheureusement in extremis à son lancement, laissant à la vieille gamme la charge difficile de concurrencer les modèles phares qui déferlent.

Pendant longtemps, je n’ai pas imaginé une seule seconde qu’une gamme plus archaïque encore ait pu exister et prospérer. Ce fut pourtant le cas. Dès 1974, une famille homogène et performante se constituait au sein du catalogue Texas-Instruments. Avec d’abord la scientifique SR-50 de 1974, puis la plus étoffée SR-51 de 1975, l’écrasante programmable à cartes magnétiques SR-52, enfin la petite SR-56 programmable et ancêtre de la Ti-57. Les magnifiques 50 et 51 connurent les déclinaisons 50A et 51A, fonctionnellement identiques mais de présentation plus classique.

Point commun paradoxal des modèles de cette gamme antédiluvienne : une belle qualité de fabrication et des claviers qui ne connaîtront pas les faiblesses des modèles à venir. Celui de la SR-51, modèle présenté ici, possède un toucher excellent, n’ayant rien à envier de mon point de vue à celui des Hewlett-Packard, réputées sur ce point.

La Ti SR-51 est un objet magnifique, d’aspect luxueux. Lancée en janvier 1975, non programmable, elle prolonge les fonctionnalités de la SR-50 dans la direction des statistiques et des probabilités, fonctions qu’on peut qualifier de poussées pour l’époque, et introduit pour la première fois dans une de ses machines le calcul de régression linéaire.

L’afficheur déploie dix chiffres auxquels s’ajoute l’exposant de 10 le cas échéant, c’est généreux. La vitesse de calcul est agréable, les valeurs des logarithmes s’affichant quasi instantanément, les calculs trigonométriques, presque aussi vite ! Le poids, 250 g en ordre de marche, renforce le sentiment global de qualité. Enfin la housse de protection est épaisse et de fabrication flatteuse.

Trois mémoires sont disponibles, en principe accessibles par les adresses 1, 2, 3. Mais ces mémoires sont manifestement redondantes avec les autres touches numériques, donnant à tort l’illusion que dix mémoires sont disponibles en tout.

En plus des fonctions présentes sur le clavier, la SR-51 exécute vingt conversions d’unités au moyen de la touche 2nd suivie d’un code de deux chiffres, à repérer sur une table imprimée au dos de la machine.

 

 

CASIO 121MR

Nous trouvons dans la CASIO 121-MR une machine qui fut en son temps réservée à un usage professionnel.

En témoignent les sélecteurs de décimales, d’arrondi et le commutateur de cumul en mémoire. Placé sur la position « Σ », le résultat de tout calcul arithmétique vient se cumuler en mémoire. Placé sur « N », la mémoire redevient un registre indépendant.

De quelle époque date la 121-MR ? Bien que d’aspect plutôt moderne (années 1978-80), deux indices trahissent son grand âge : tout d’abord l’étonnant point rouge qui s’allume pour signaler une valeur négative à l’écran. Le signe MOINS à gauche n’est pas encore connu de la 121.

Autre indice, visible même machine éteinte : La mention en façade «Electronic Calculator», qui ne peut se rencontrer que sur un très vieux modèle, où il était encore nécessaire de préciser ce que nos yeux d’aujourd’hui considèrent comme une évidence. Un peu comme si l’on voyait une ancienne voiture où il serait indiqué « voiture à moteur ».

La CASIO photographiée ici – je le sais de source sûre – fut utilisée quotidiennement par un commerçant plusieurs années durant. Elle avait été achetée pour remplacer une machine de plus grandes dimensions, probablement de technologie électro-mécanique, donc pas encore électronique.

Le fait que celle machine fonctionne toujours parfaitement de nos jours, après des années d’utilisation quotidienne, démontre une réelle qualité de fabrication.

Outre ses quatre fonctions arithmétiques, la CASIO 121-MR propose une touche de racine carrée qui calcule sur les 12 chiffres disponibles, d’échange X/Y, de changement de signe (le fameux point rouge), et de pourcentage. Ce dernier n’est pas complètement intuitif. Par exemple, pour ajouter 5% à 102, la séquence sera : [102] [X] [5] [%] [+] [=]. Avec un peu d’habitude, cela devient naturel.

Machine professionnelle, très large (12 chiffres il est vrai), la CASIO 121-MR reste pourtant de dimensions compatibles avec une (solide) poche. Ce statut de mobilité est confirmé par l’autonomie d’une alimentation classique par 4 piles AA. Un branchement par secteur mural est bien sûr prévu et fut sans doute privilégié au cours de ses années d’utilisation quotidienne.

Un détail supplémentaire qui permet de situer une date de fabrication à proximité immédiate de 1975, le design typique de cette époque, que l’on peut rapprocher notamment de celui de la CASIO FX-17.

 

Un grand merci à Dominique M.

CASIO FX-101

La CASIO FX-101 n’est pas une calculatrice facile à photographier : Des lignes géométriques bien carrées qui ne cherchent guère à séduire, une couleur de façade très sombre qui met surtout en lumière les poussières et peluches.

Pourtant, en usant et abusant du chiffon et des éclairages divers, le charme de la 101 finit par s’exprimer.

Je crois avoir remarqué que les noms anglo-saxons accolés procurent une certaine impression de prestige. Harley-Davidson, Hewlett-Packard, Massey-Fergusson, Borg-Warner, pourquoi pas Briggs & Stratton, sont des marques à la sonorité qui flatte le propriétaire. La magie opère aussi pour cette calculatrice Sperry-Remington, qui donne en mains le sentiment d’être une rare machine d’exception.

C’est pourtant une bien connue CASIO FX-101. Il n’y a aucune différence entre les deux machines. Le même bug se retrouve d’ailleurs sur l’une et l’autre : lors d’une soustraction nn, c’est-à-dire quand on ôte un nombre à lui-même, au lieu d’afficher « « , la CASIO affiche un surnaturel « -0 « . Le signe MOINS est volatile et disparaît à la moindre frappe, privant les apprentis sorciers de toute expérimentation hors des garde-fous.

La CASIO FX-101 date de l’époque 1975. Elle est massive et lourde (300 g avec ses 4 piles AA). La fenêtre d’affichage est particulièrement généreuse. L’écran peut être lu sous des angles d’inclinaison divers et vraiment très prononcés.

Le souci d’un champ de lecture large a longtemps préoccupé les constructeurs. Les diodes rouges par exemple étaient souvent recouvertes d’un dispositif de lentilles qui grossissaient les chiffres, mais amélioraient en même temps la lecture sous angle incliné. Plus tard avec les cristaux liquides, moins à l’aise avec la vision oblique, le principe du champ large avait vécu, sans que cela ait été perçu comme un grand préjudice autant que je sache.

La 101 est une scientifique complète, pouvant notamment afficher l’exposant de 10. Un archaïsme avec la fonction de conversions sexagésimales où l’on doit entrer successivement les degrés, les minutes et les secondes, séparés par des appuis sur la touche o ‘ “. Les machines futures sauront interpréter les valeurs en une fois.

COMMODORE LC925

Cette calculatrice aux couleurs d’automne est en quelque sorte annonciatrice d’un vent qui tourne.

En cette fin des années 70, Commodore, l’immense constructeur présent dès les premières années du phénomène calculatrices tourne les yeux vers d’autres projets, comme les ordinateurs personnels qui s’apprêtent à déferler. Ses calculatrices ne le font plus rêver. Contrairement à plusieurs de ses concurrents, il n’a pas su développer une puissante calculatrice programmable. Il tente comme par réflexe de marier ses anciennes carrosseries imposantes avec la technologie naissante des cristaux liquides.

Quelques modèles LCD extra-plats seront encore produits, mais il est possible de voir dans cette superbe petite LC925 l’illustration d’une impasse, de la fin d’une belle aventure.

La Commodore LC925 ne se rencontre pas facilement. Fabriquée à Hong-kong, il s’agit d’un modèle tardif comme en témoigne le moderne afficheur LCD.

Le boîtier contient deux grosses piles AA, qui devaient conférer à cette calculatrice peu gourmande une autonomie sans limite.

Le modèle est simple, 25 touches, de deux tailles différentes. Celles du clavier numérique sont énormes, aussi grosses que sur la 5R39 de la marque.

 

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BERKEY Keystone 2050

Le mode d’alimentation des calculatrices anciennes était souvent de nature mixte : bloc de batteries rechargeables et raccordement au secteur mural. En cause, la grande consommation des afficheurs, qui ne s’est notablement améliorée qu’à l’avènement de la technologie des cristaux liquides.

Les batteries rechargeables présentaient un défaut : la longévité limitée. Au bout d’un certain nombre de cycles de recharges, leur autonomie devenait nulle. Le propriétaire voulant continuer à utiliser sa machine se trouvait face à plusieurs options : Soit il était un peu bricoleur et se lançait dans la réfection d’un bloc d’accus, soit il n’utilisait sa machine que reliée au secteur mural, soit, en plus de l’option précédente il déposait chirurgicalement le bloc périmé de façon à alléger la machine et se prémunir des souillures liées au vieillissement du bloc (*).

De toutes les machines de cette époque qui me sont passées entre les mains, une seule avait le bloc rénové et deux avaient été allégées de leur bloc périmé.

C’est le cas de cette Keystone 2050 que je fus bien en peine de faire marcher du premier coup. Le branchement secteur ne donnait rien et aucune batterie ne se trouvait à l’intérieur. Mes amis du forum silicium.org m’ont expliqué comment préparer un bloc de deux piles AA qui, branchées au bon endroit, restaurèrent le fonctionnement de cette belle et ancienne Keystone made in USA.

Peu d’éléments sont disponibles sur internet sur cette machine. La fabrication semble antérieure à 1976. La petite éminence argentée au-dessus de la touche SIN correspond à la connexion interne du fil de masse.

L’afficheur est de type Panaplex, soit de grands chiffres couleur de feu.

La 2050 possède des fonctions scientifiques de base, mais pas la notation avec exposant de 10. Le maniement est simple et intuitif, mais si besoin, un condensé du manuel se trouve collé au dos de la machine. La loupe est obligatoire pour déchiffrer les minuscules caractères.

On y apprend tout de même l’usage de la touche unique de mémoire. M doit être suivie de «  » pour stocker, de «  » pour lire, de «  » ou « –  » pour y ajouter ou soustraire des valeurs, et «  » pour la vider. C’est simple et pratique. Ce procédé avait été rencontré dans la petite Rockwell 20R, qui incluait les touches de multiplication et de division.

Les tests de calculs d’arrondis poussés révèlent une certaine parenté de processeur avec des machines aussi diverses que la CANON F5, la ARISTO M75, la PRINZTRONIC SC3001M, la VICTOR 106. Mais aucune n’est vraiment proche de la Keystone 2050.

Machine au caractère incontestable, la BERKEY Keystone 2050 est un magnifique objet qui respire l’authenticité, la qualité et l’originalité inhérente aux modèles les plus anciens.

 

(*) à noter que certaines calculatrices étaient conçues pour fonctionner impérativement avec le bloc en place, même en cas d’usage par branchement secteur, sous peine d’instabilités voire de destruction.

 

 

 

 

 

MONROE 99

Le géant américain de la bureautique a produit très peu de calculatrices de poche. Parmi celles-ci deux machines d’aspect proche, la Monroe 98 de base et la 99, un modèle scientifique.

Produite autour de 1976, la Monroe 99 est dotée de l’afficheur fluorescent typique de cette époque, de couleur verte.

La totalité des digits disponibles s’activent dès qu’on enfonce la moindre touche de fonction. Ce sont donc huit chiffres, plus les deux dédiés à l’exposant qui surgissent à l’écran, même si la valeur entrée n’en nécessite qu’un seul.

A titre d’exemple, si je souhaite multiplier 2.3 par 6.8, dès l’appui sur la touche « X » la Monroe affichera 2.3000000 00. Et le résultat final sera 15.640000 00. Ce mode d’affichage scientifique obstiné est sans doute un archaïsme qui n’avantage guère la lisibilité. On le retrouve sur d’autres machines contemporaines il est vrai.

Sur le plan du calcul, on note le minimum vital en fonctions scientifiques. La précision est faible. C’est du 8 chiffres secs, sans chiffres de garde.

La fonction d’élévation à la puissance mérite sur ce point le qualificatif de « calamiteux ». Non seulement les résultats se montrent imprécis, mais ils sont littéralement trompeurs dans leur expression qui masque le plus souvent les décimales susceptibles de témoigner de l’imprécision d’un résultat.

Une illustration : Lors de l’élévation de 4 à la puissance 11, la Monroe renvoie 4194300 tout rond, une valeur vaguement plausible. Pourtant le résultat exact est 4194304, ce qui n’est évidemment pas la même chose. Aucun chiffre de garde ne vient ici alerter sur l’imprécision, le résultat peut être pris, à tort, pour argent comptant.

La Monroe était construite – au Japon – par l’industriel américain Litton. Le logo Litton précède d’ailleurs celui de Monroe en façade. L’expression de cette dualité est réaffirmée sur la plaque d’identification au dos.

Machine à l’esthétique et aux coloris beiges typiques de Monroe, la belle 99 est une rareté comparée à la petite 98. Si ses insuffisances appartiennent bien au passé, son charme est en revanche toujours intact !

 

PRINZTRONIC Program

Un grand nombre de calculatrices furent commercialisées sous la marque PRINZTRONIC au cours des années 70.

Parmi elles on trouve une famille d’une dizaine de machines connues également sous le label QUALITRON. Une même grosse coque blanche pour des modèles tantôt simples, tantôt scientifiques, un convertisseur métrique, et tout en haut de la gamme, la Program dont on aura deviné que son intérêt est de permettre la programmation.

La PRINZTRONIC Program est loin d’être répandue. C’est une sorte de pièce rare, magnifique, intimidante par la puissance que dégage la richesse de son clavier.

On peut cependant être déçu par les caractéristiques globales de la Program. La période de production, 1976, porte à l’indulgence, les années 80 sont encore loin.

Mais quand même … 8 chiffres de capacité sans aucun chiffre de garde, c’est un mauvais point pour la précision. Et la notation scientifique est inconnue. Concernant la programmation, aucun test n’est disponible. Et comme il n’y a qu’une seule mémoire, le champ des programmes possibles est forcément restreint. Le système de calcul RPN n’a que trois niveaux et souffre de l’absence de fonction de descente de pile.

La programmation montre tout de même quelques points positifs. 102 pas sont disponibles, ce n’est pas rien. Cet espace peut au besoin héberger plusieurs programmes à la suite. La touche SKIP se charge de les sélectionner en sautant de l’un à l’autre. Un mode édition est prévu (commutateur N-STEP), non pour visualiser d’éventuels codes, mais pour une exécution pas à pas. Le cas échéant, un appui sur la touche DELETE supprimera l’instruction indésirable.

Sur le plan de la construction, la Program est robuste. Alors que 40 ans se sont maintenant écoulés depuis sa naissance, le fonctionnement est intact et le clavier aux doux déclics ne connait pas de défaillance, pas plus que le dispositif d’alimentation, à 4 piles AA.

Sans doute le plus beau modèle de cette famille prolifique, les reproches sur les insuffisances techniques que peut lui adresser l’utilisateur exigeant d’aujourd’hui sont bien peu de choses à côté de l’indicible plaisir de manipuler ce rare joyau de connaisseur.

 

ARISTO M75 E

Le modèle M75E n’est pas la calculatrice la plus répandue du constructeur allemand ARISTO.

J’ai appris son existence le jour où un propriétaire m’a contacté. Son Aristo 75E ne fonctionnait plus et il espérait quelques informations précieuses, que je n’avais malheureusement pas.

Bien plus tard, j’eus à mon tour l’occasion d’acquérir ce modèle peu courant, produit autour de 1975. Et de constater qu’au-delà du premier coup d’œil, l’aspect des machines n’était pas aussi semblable qu’imaginé.

Les M75 et M75E présentent des touches et légendes différemment disposées. Mais surtout, la E possède une touche d’exposant, voilà qui est nouveau car la M75 ne connait pas la notation scientifique.

Il existe un site internet consacré aux calculatrices Aristo (*). Il y est indiqué de façon très succincte que la précision de la 75E est « améliorée ».

Il s’agit bien là de sa seconde particularité. Elle concerne plus spécifiquement la fonction d’élévation à la puissance.

L’ARISTO M75E calcule avec 10 chiffres internes ce qui est bien, mais pas exceptionnel pour autant. En revanche, l’élévation à la puissance donne des résultats souvent exacts quand bon nombre de calculatrices se débattent avec les erreurs d’arrondis.

Ainsi ma M75 toute simple (sans « « ) renvoie la valeur 65535,79 pour le calcul de 2^16, au lieu de 65536, et les approximations sont visibles déjà bien avant et sont liées à l’algorithme de calcul, reposant sur les logarithmes.

La M75E donne pour sa part le résultat exact pour 2^16, mais aussi pour 2^ 17 et ceci jusque 2^26, seuil du passage en notation scientifique. Les divisions successives par 2 redonnent bien la valeur initiale, sans jamais montrer aucun chiffre de garde.

Quoique, il y a quand même une exception : dans le seul cas de 2^23, la 75E ne joue pas le jeu, et donne des chiffres de garde, ce qui selon moi disqualifierait l’hypothèse d’un algorithme reposant sur une suite de multiplications. D’ailleurs les exposants non entiers sont gérés. Il est possible que la E gère les arrondis de façon inhabituelle et particulièrement performante.

L’ARISTO M75E mérite sans aucun doute sa qualification de calculatrice précise. A noter que les calculs de trigonométrie montrent une précision standard.

Tout bien pesé, il existe une autre ARISTO présentant en tous points les caractéristiques techniques de la M75E, y compris son dessin des digits « 6 » et « 9 » à cinq segments : le modèle UNILOG, une autre pierre rare signée Aristo.

 

(*) Pour qui veut découvrir tous les modèles ARISTO, il existe ce site très intéressant et complet :

http://www.hh.schule.de/metalltechnik-didaktik/museum/taschenrechner/aristo-taschenrechner.htm

CASIO FX-48

1975, naissance de notre carte à puce à mémoire

1978, des calculatrices, aussi fines que le permettent les piles bouton et l’afficheur, adoptent volontiers ce format, synonyme de modernité et d’une extrême portabilité.

La CASIO FX-48 est une des toutes premières à jouer les cartes à puce. Son écran jaune est minuscule. Le clavier scientifique est à la fois si riche et si ramassé qu’il faut à la petite 48 deux touches secondaires F1 et F2 pour tirer la quintessence des 20 touches restantes, dont une panoplie complète de fonctions statistiques ! Tout cela en 39 grammes …

 

 

 

SHARP EL-5001

La SHARP EL-5001 est couramment confondue avec un autre monstre sacré du constructeur, le SHARP PC-1201.

Un aspect assez voisin, une période de production commune, 1977, et une barre très élevée pour les décrocher sur le marché de l’occasion, voilà qui brouille les pistes quand il s’agit de bien différencier ces deux modèles très recherchés.

Des différences il y en a. A commencer par celle-ci : Ces deux machines montrent chacune un visage différent du calcul programmé.

Ainsi, alors que le PC-1201 est une vraie programmable pourvue de mémoire non volatile (qui ne s’efface pas hors tension), la SHARP EL-5001 possède une bibliothèque de programmes gravés en mémoire. Hors ce dispositif, la mémoire de la 5001 est complètement volatile.

La bibliothèque de la SHARP EL-5001 est accédée au moyen d’un dispositif original, une solide molette pilotée avec le pouce, qui sélectionne les programmes un par un, six en tout, en glissant les légendes de commandes sous les quatre ouvertures prévues à cet effet au sommet du clavier.

Les quatre touches grises juste en dessous pilotent les programmes. Un peu comme les cartes qu’on glissait sous l’écran des TI-58 pour expliciter l’usage des touches A B C D E selon le programme du module interne sélectionné.

Que font ces six programmes ? Celui qui porte le numéro 1 se nomme N comme Normal calculations & plot. Placé sur cette position, toutes les touches de la calculatrice sont opérationnelles ainsi que le sélecteur permettant d’opter pour le mode parenthèses ou le couple de mémoires additionnelles. Le programme Plot donne les différents points d’une fonction numérique. On entre pour cela la valeur de départ, celle de l’incrément, et les frappes successives sur la touche de fonction numérique choisie (log par exemple) donneront celles des points successifs qu’il suffit de reporter sur un papier avec son crayon (les calculatrices graphiques feront mieux, mais 10 ans plus tard, c’est encore bien loin).

Un coup de molette et hop ! voilà le programme n° 2 enclenché et ses légendes mobiles bien en place. Nommé Statistical calculation, il offre la panoplie classique des fonctions statistiques : sommes, moyenne, et écarts.

Le programme suivant, Calculation of quadratic equation, donne les solutions, complexes le cas échéant, de l’équation du 2d degré. A ce propos le digit le plus à gauche de l’écran de la 5001 est consacré à la production d’alertes diverses, et ce pour l’ensemble des programmes. C’est l’affichage ici des 3 segments supérieurs qui informe l’utilisateur que le résultat est complexe.

Une nouvelle impulsion sur la molette et nous voilà plongés dans l’univers des intégrales. La EL-5001 n’étant pas programmable, il peut sembler ardu de lui expliciter la fonction à intégrer. Ça n’est cependant pas nécessaire car seules les fonctions formées sur x² sont intégrées. Cela limite selon moi la portée du programme.

Voyons le suivant : le programme 5 se nomme Complex number calculation and coordinate conversion. Il permet l’arithmétique complexe, de façon simple, ainsi que les transformations de coordonnées.

Le dernier coup de molette donne accès aux vecteurs et leur manipulation, de façon aisée là aussi. Une nouvelle impulsion nous ramènerait au programme n°1, la boucle est bouclée.

A noter que selon le programme sélectionné, certaines touches de la calculatrice sont neutralisées.

Le dispositif par molette, qui peut paraître original voire incongru (implantation d’un organe mécanique au sein d’un objet électronique par essence) se révèle une réussite tant l’ergonomie rend les calculs agréables et sûrs. Le principe des touches de menus apparaît peut-être pour la première fois (mais CASIO a su faire aussi, la FX-3 (*) est sans doute plus ancienne encore) mais est promis à un très bel avenir.

La fiabilité n’appelle pas de remarques, l’organe est simple mais parfaitement conçu.

On peut déplorer malgré tout un faible choix de programmes, et un pilotage par quatre touches seulement. Mais certaines légendes sont dédoublées (accès par la touche F).

Sur le plan des simples fonctions scientifiques, la SHARP EL-5001 se montre généreuse : des fonctions trigonométriques, bien sûr, mais aussi hyperboliques, les conversions sexagésimales, les combinaisons et permutations.

Une mémoire de base, auxquelles peuvent s’ajouter deux autres si on renonce aux parenthèses. Dans ce cas, un digit – celui réservé au signe de l’exposant – affichera un segment par mémoire pour en signaler l’occupation. La 5001 est sans doute la machine qui utilise le plus de segments pour signaler diverses situations. Ce qui sera habituel avec les afficheurs à cristaux liquides (LCD) et la multitudes de témoins qu’ils autorisent l’est beaucoup moins avec les affichages fluorescents verts.

La SHARP EL-5001 est une machine de belles dimensions : 164 mm X 87 mm X 26 mm. Comme toute bonne SHARP de cette époque, elle dispose de commutateurs latéraux, pour le mode angulaire et la gestion de la mémoire. Et l’interrupteur général est placé sur le côté gauche.

Mon modèle confirme le défaut des légendes de touches qui ne résistent pas bien au temps, comme je l’avais remarqué sur le PC-1201.

Un dernier mot sur l’afficheur généreux lui aussi, de 10 chiffres plus 2 pour l’exposant, qui rappelle celui de certaines Electronika russes, avec les digits obliques aux segments frêles. Mais c’est complètement fortuit.

 

(*) Source : www.ledudu.com

Commodore SR-4921

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L’archétype de la grosse Commodore typique des années 70, avec son afficheur à diodes rouges et ses nombreuses et magnifiques touches scientifiques.

Quoiqu’en regardant bien, on se rend compte que celle-ci n’est pas comme les autres.

Vraiment vous ne voyez pas ? Cherchez un peu du côté de la touche EGAL. Eh oui la Commodore 4921 ne possède pas cette touche, elle a, à la place, le « ENTER » (ENT ici) caractéristique de la notation polonaise inverse (RPN en anglais) .

On croit souvent à tort que Hewlett-Packard fut le seul constructeur à implémenter ce mode particulier de calcul. En fait, de nombreuses marques s’y sont essayées à un moment ou un autre, y compris Commodore, avec ce modèle, qui autant que je sache, est unique sur ce point dans le vaste catalogue de la marque.

Il est inhabituel de tenir en main une Commodore RPN, au point que le naturel veut reprendre le dessus, et qu’on se trouve vite face à une machine indomptable. Et on mesure du coup les déboires que peut rencontrer une personne non initiée à ce mode d’entrée des données : il est alors impossible de tirer quoi que ce soit de sa machine.

Comment utilise-t-on une calculatrice RPN ? comment initier la personne ci-dessus ? C’est là que cela se corse car une telle initiation commence toujours par un petit discours sur l’intimidante touche ENTER, puis sur le concept abscons de « notation polonaise inverse », avec peut-être une tentative audacieuse de prononcer le nom compliqué du logicien polonais qui en fut le promoteur … A ce stade de l’initiation, on a face à soi une personne qui vous écoute encore poliment, mais qui a déjà compris que jamais de sa vie elle n’utilisera une calculatrice aussi inutilement compliquée. Avant qu’elle se sauve, on se dépêche d’attaquer le chapitre de la syntaxe d’entrée mais c’est trop tard, la personne est déjà loin …

Selon mon expérience, c’est tout le contraire qu’il faudrait faire. Ainsi, je fais le pari qu’en deux indications, je puis réconcilier n’importe quel public avec une machine RPN. Tout d’abord, on peut établir une comparaison entre la touche de racine carrée de n’importe quelle calculette, et les 4 touches arithmétiques de ma RPN : ça marche pareil, dans les deux cas, on entre d’abord la valeur, et ensuite on tape la touche de fonction. Ici les touches + – × ÷ ne sont plus les éléments d’une syntaxe mais de simples touches de fonctions : la fonction [SOMME de 2 nombres], la fonction [DIFFÉRENCE entre 2 nombres], la fonction [PRODUIT de 2 nombres] et la fonction [RAPPORT de 2 nombres]. Comme ces fonctions agissent non sur une seule valeur, mais sur un couple de valeurs, le ENTER vient séparer les deux au moment de l’entrée.

La seconde indication à fournir est l’existence de niveaux sur lesquels les valeurs s’empilent jusqu’à dégringoler par au-dessus quand on dépasse le 4e … Et voilà. En évitant soigneusement les mots qui ferment, on transmet en quelques instants la base indispensable pour comprendre et apprivoiser sans appréhension les réactions de la machine ! C’est du vécu 😉

La notation polonaise inverse est appelée aussi notation postfixe. Cela consiste comme on l’a vu à entrer d’abord les valeurs, puis la touche arithmétique à la fin. Toutes les machines RPN font comme cela. En revanche l’aspect manipulation de la pile (ce que j’appelle les niveaux au paragraphe précédent) peut présenter des spécificités d’une machine à l’autre. Disons-le tout net, le spécialiste Hewlett-Packard est sans soute celui qui en a très tôt offert la version la plus aboutie : tout y est pour piloter cette pile du bout des doigts : la touche FLECHE BAS qui défile en boucle les 4 valeurs de la pile, la touche X<>Y qui permute les deux premiers niveaux, le LAST X qui rappelle la dernière valeur affichée, utile en cas de fausse manipulation. On peut aussi ajouter une duplication systématique du 3e niveau sur le 4e, à mesure que les valeurs descendent, ça n’a l’air de rien, mais quand ça manque, on le remarque.

Et c’est le cas pour la Commodore 4921. Sa pile dispose de 4 niveaux comme une HP, c’est bien car beaucoup n’en donnent que 3, mais elle ne connait pas la duplication automatique du dernier niveau. Pour les curieux qui se demandent quel processeur tourne dans la 4921, en voici la photo.

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Hormis la spécificité de la notation polonaise inverse, la 4921 est une Commodore très classique sur le plan des possibilités. La panoplie des fonctions scientifiques est plutôt riche mais on est tout de même en 1978 : la trigonométrie, les logarithmes et leurs réciproques, des touches statistiques bien pratiques, les conversions polaires / rectangulaires.

Trois mémoires sont disponibles, accessibles en faisant suivre la touche mémoire de 0, 1 ou 2 (tiens, ça n’est pas très RPN finalement cette façon de faire, mais ça n’est pas le propos). Le problème, c’est qu’on peut tout aussi bien taper n’importe quel chiffre de 0 à 9, ce sont toujours les trois mêmes mémoires qui seront adressées, chaque mémoire pouvant être atteinte par plusieurs adresses, voilà qui ne peut qu’embrouiller …

Un dernier point, concernant le nom exact de ce modèle. Doit-on dire SR-4921 ou bien RPN4921 ? SR est abondamment utilisé chez Commodore (=Slide Rule) . Une réponse est donnée quand on retourne la machine, la plaque est sans équivoque, on y lit RPN4921.

 Mais comme le manuel indique SR-4921, c’est finalement comme on veut. Et moi je préfère SR-4921

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Commodore LC4512

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Une calculatrice Commodore qui pour une fois n’est pas une épaisse machine à petits chiffres rouges.

Le géant Commodore, très présent sur le marché des calculatrices tout au long des années 70 a parfois laissé de côté ses gros afficheurs à diodes rouges pour de modernes et fins dispositifs LCD. Rencontrer ces modèles discrets et peu répandus n’est pas chose facile.

Voici donc la LC-4512, une Commodore scientifique tardive (1978), légère et extra-plate, du moins pour la partie clavier.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses formes ne sont pas habituelles. Est-ce en raison de la tradition maison du profil biseauté ? ou de la nécessité de caser les deux lourdes piles AA ? Toujours est-il que le profil est inédit, avec une zone clavier étonnamment mince qui se termine par un afficheur fortement incliné à 40°. L’originalité se poursuit avec de larges dentelures sur tout le pourtour.

Pour être complet, il m’a été donné de voir récemment une calculatrice embarquant une imprimante intégrée qui utilisait précisément le chassis de cette 4512, et alors on comprend mieux. Je n’ai malheureusement pas gardé trace de cette machine fort rare, qu’il s’agisse du nom ou même de sa marque dont il n’est pas complètement sûr que ce soit Commodore.

Côté technique, la LC-4512 est une scientifique complète, non programmable, animée par un processeur Toshiba, le même sans doute que dans la Toshiba SLC-8300, sa jumelle technique. L’afficheur, jaune, typique de cette période, est à 8 positions avec zone d’exposant dédiée et un splendide témoin « Error » qui donnerait envie de tenter toutes les frappes interdites juste pour le plaisir de le faire surgir. La précision n’est pas brillante, certains tests comparatifs ne pouvant être menés à terme tant les résultats intermédiaires prennent des libertés. Quant à la vitesse de calcul, peu gênante il est vrai s’agissant d’une machine non programmable, l’attente parfois imposée ne peut que se remarquer.

Le clavier est d’une grande qualité. Les touches sont quasiment affleurantes, leur course est très courte et pourtant un déclic souple et net accompagne dans la douceur chaque appui.

Avec ses touches de couleur vives, l’écran jaune, son design unique, une belle qualité de construction, la Commodore LC-4512 est une machine de caractère, qui en met plein les yeux, et restera sans doute et c’est dommage l’une des dernières calculatrices produites par le géant Commodore.

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SHARP PC-1201

 

Qui pourrait deviner en regardant cette image que 2 ans et demi seulement séparent ces deux machines ?

Celle de gauche est typiquement une calculatrice scientifique des années 70 : un afficheur fluorescent vert strictement numérique, des commutateurs latéraux, un interrupteur mécanique.

La machine de droite est l’ultra moderne et célèbre PC-1211 de 1980, ordinateur de poche programmable en langage structuré, pourvu d’un clavier de type ordinateur et d’un écran alphanumérique LCD à faible consommation.

Malgré ces différences qui frappent l’œil, il semble bien qu’un lien de filiation rapproche ces deux machines.

Dans leur nom tout d’abord. Ici l’acronyme PC-1201 ne signifie plus Pocket Calculator comme pour les précédentes calculatrices SHARP, mais bien pour la première fois Pocket Computer. Car le SHARP PC-1201 est lui aussi programmable. Il offre 128 pas de capacité, et gère les codes combinés, c’est-à-dire qu’un pas lui suffit pour stocker à la fois l’instruction et son adresse le cas échéant.

L’éditeur est confortable, on peut relire en avant, en arrière, insérer, effacer. Les instructions sont constituées de codes formés sur les numéros de ligne et de colonne. Les sauts, conditionnels ou non, les appels de sous-programmes sont disponibles ainsi qu’une batterie de 4 tests. Et détail insolite : un buzzer qui fait bip à la frappe de chaque instruction. Mais pas de bip possible en dehors de ce contexte.

Ajoutons une caractéristique importante, d’avant-garde : la mémoire continue ! L’extinction n’efface pas la mémoire. Le logement classique des 2 piles « bâton » AA comporte un petit compartiment contigu qui abrite à cet effet deux petites piles « bouton ».

On peut penser qu’en 1977, année de lancement du PC-1201, une calculatrice dotée de tel atouts était assimilable à un ordinateur, à l’instar de l’étonnante CASIO FX-201P, solide programmable de 1976. Tout comme elle, le SHARP PC-1201 fut complètement inconnu sur le marché français de cette époque.

Du côté des fonctions de calcul, le PC-1201 présente des caractéristiques plutôt classiques, des fonctions scientifiques, une touche d’accumulation statistique pour les moyennes, de bien pratiques Int et Frac (partie entière / partie décimale). Douze mémoires, dix chiffres (12 en interne). La rapidité de calcul n’est pas élevée (447 secondes pour cumuler les sinus de 0 à 360) mais pas ridicule pour l’époque.

Il s’est murmuré çà et là sur le net que le PC-1201 permettrait l’adressage indirect, c’est à dire l’utilisation d’une adresse qui serait elle-même le contenu d’un registre. Rien n’est avéré et personne ne semble avoir pu mettre en évidence cette possibilité. Le manuel est d’ailleurs muet sur ce point. Il est vrai qu’il y est indiqué qu’une instruction de saut (GTO) ou de sous-programme (GTS) peuvent pointer vers une étiquette (LBL) numérotée de 0 à 9, adresses auxquelles s’ajoutent « s » et « t« . Il est alors facile d’imaginer que ces dernières variables contenant une adresse de 0 à 9 pourraient opérer un adressage indirect. Il n’en est rien, « s » et « t » suivant un GTO ou GTS sont considérés comme de simples caractères et non comme des variables.

Sur le plan esthétique, le SHARP PC-1201 est une très jolie machine. Un bémol cependant sur la sérigraphie des légendes de fonctions. Outre le fait que certaines d’entre elles ont tendance à s’effacer avec le temps, l’usage qui y est fait de minuscules et majuscules peut donner un aspect un peu étrange au clavier.

La construction est solide, le PC-1201 s’allume sans souci malgré les années et fonctionne de façon absolument normale, et la mémoire continue est un vrai atout. Deux années après le lancement de ce calculateur-ordinateur, SHARP dévoilera le PC-1211, qui n’aura plus rien à voir avec lui. L’âge d’or des années 80 vient de s’ouvrir.

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AGILIS ESR-222

 

Qui se souvient d’AGILIS ?

Toute une gamme de calculatrices furent commercialisées sous cette marque au cours des années 1976-1978, ou du moins à l’automne 1977, quand je fis l’acquisition de ma toute première calculatrice, l’AGILIS 535.

J’ai conservé cette machine un an. Au cours des années suivantes, je n’ai plus jamais vu ou entendu parler d’AGILIS

Plus récemment, internet a pu m’apporter de maigres éléments, les informations se révélant malgré tout rarissimes pour cette marque qui n’a fait que passer sans imprégner les mémoires. Comble de malchance, sur internet le nom Agilis est abondamment associé à une certaine espèce de lézard et aussi à un type de pneu d’automobile, d’où des requêtes qui empestent le caoutchouc et renvoient des tonnes de reptiles. Forcément cela n’aide pas à progresser.

Au fil du temps j’ai tout de même pu reconstituer une ébauche du catalogue AGILIS (à défaut d’avoir les modèles). D’abord les plus petites : 101111111-A121 141. Puis de plus puissantes : 505515525535545. Et un haut de gamme scientifique dont je ne connais qu’une vignette minuscule, pour ainsi dire rien : la 555. On trouve aussi la trace d’une 808, et aussi celle d’une 212.

Le catalogue comporte peut-être encore des trous. C’est même certain car qui connaît l’AGILIS ESR-222 ? Ce modèle n’est référencé par aucune base de données. Pourtant il existe, puisque j’en détiens un.

Ce modèle qui me vient d’une brocante ne fonctionne pas, c’est dommage car le modèle est scientifique, cela signifie qu’il n’y a pas que la 555 qui le soit dans le catalogue AGILIS.

Il existe malgré tout un moyen d’en savoir plus sur ce modèle mystérieux. L’ESR-222 me parait être la jumelle technique d’une autre calculatrice qui, elle, fonctionne toujours : ma KOVAK P-82. Les touches, légendes et appariements ne laissent pas la place au doute, en particulier le « F » qui possède sa propre fonction secondaire, en l’occurrence « x² ». Les commutateurs de l’AGILIS se retrouvent sur la KOVAC, en position latérale.

Ce sont les mêmes machines.

Ci-dessous les deux calculatrices, d’aspect fort différent mais de circuits identiques.

 

Merci à gege 

 

CASIO FX-201P

casio_201p

Comment expliquer que l’existence d’une telle pépite ait pu m’échapper pendant tant d’années ?

Quand je lisais l’Ordinateur de Poche au début des années 80, deux marques se partageaient l’essentiel du marché des machines programmables puissantes, en France du moins : Hewlett-Packard et Texas-Instruments. Leurs chevaux de course se nommaient HP-65, HP-67, HP-41, HP-29C, HP-34C ou TI-SR56, TI-SR52, TI-57, TI-58, TI-59 …

Des marques japonaises comme CASIO ou SHARP étaient surtout renommées pour des machines simples, à quatre opérations ou scientifiques peu originales.

Dans son grand article portant sur les machines programmables du moment, le magazine nous faisait assister à ce qui ressemblait aux débuts prometteurs des deux japonais, enfin décidés à jouer des coudes avec les constructeurs américains. SHARP, avec un PC-1211 dernier cri, qui recueillait tous les superlatifs des rédacteurs, et CASIO, qui ne montrait encore qu’une classique mais très moderne calculatrice programmable LCD, la FX-502P, dont les auteurs de l’article se montraient prudents à prophétiser l’impact.

Sauf que les deux grands japonais n’étaient pas complètement novices. Ils brillaient depuis quelques années, mais ailleurs. SHARP, avec un très intéressant PC-1201 ainsi que l’étonnant combiné (presque de poche) PC-1300, et CASIO avec une gamme d’énormes machines, la 201P ici présente, la 202P à mémoire permanente, et le PRO FX1 (*), équipé d’un lecteur de cartes magnétiques, à l’instar des reines HP-67 et TI-59.

Voilà que trente ans plus tard, je découvre la CASIO FX-201P, machine très originale, produite en 1976.

L’aspect est étonnant, les dimensions inhabituelles : 17,2 cm de haut, 10,4 de large, 3,4 d’épaisseur, 364 g en ordre de marche, 6 rangées de touches en bas, 7 en haut, c’est du hors-norme. La machine est belle, l’esthétique n’est pas brute mais soignée, avec des courbes discrètes qui en font un très bel objet.

Bien que machine de poche, la prise en main nécessite un peu d’habitude. A ce sujet, nous trouvons peut-être ici l’explication des touches absentes du clavier, fait coutumier chez CASIO. Pourquoi en effet laisser un trou en bas entre les touches EXP et =, et en haut à droite sous START ? Pourrait-il s’agir d’une aide à la préhension, le pouce d’une personne droitière trouvant tout naturellement sa place dans cet emplacement libre. Idem pour l’espace du bas qui permet d’attraper fermement la machine sans appuyer sur aucune touche. C’est spéculatif mais je parie dans ce sens.

Point paradoxal, la FX-201p ne possède pas un grand nombre de fonctions préprogrammées, contrairement à ce que suggère la profusion des touches. Nous trouvons les racines, les logs, la trigonométrie et c’est à peu près tout. Les touches aux légendes les plus mystérieuses sont réservées à la programmation de ce qui, en 1976, se classait davantage comme un ordinateur qu’une calculatrice. Témoin, la position « manuel » du sélecteur de programmation qui sous-entend que la règle est avant tout ici le calcul programmé.

La documentation est indispensable pour s’approprier le protocole de programmation. On découvre alors un système souple, puissant, et finalement simple. L’affichage n’étant pas alphabétique, les touches ont leur code, souvent un mélange de chiffres et de caractères étranges. Les codes sont gravés sous les touches correspondantes, ce qui facilite la relecture des programmes. Les données d’entrée et de sortie bénéficient de leur propre touche : ENT pour introduire les paramètres et ANS pour afficher les valeurs de sortie. A noter que deux lumières rouges à la base de l’afficheur fonctionnent de concert avec ces touches. Le test IF, très particulier, porte sur trois statuts à la fois : inférieur, égal, supérieur, et effectue les branchements en conséquence. Les sous-programmes et l’adressage indirect sont gérés.

Les défauts dont souffre la 201P sont la limitation de la mémoire de programme : 127 pas seulement, c’est peu, et elle n’est pas permanente. La vitesse de calcul n’est pas vertigineuse, on s’en serait douté pour une machine de 1976. Le test du calcul programmé de cumul des 360 sinus est exécuté en 11 minutes, soit 660 secondes. Les futures HP-41, TI-59 ou SHARP PC-1211 tourneront entre 290 et 400 secondes. Mais les suivantes, HP-15C ou TI-66 feront pire que la 201P.

Que manquait-il à ce superbe calculateur, que les machines modernes apporteraient quelques courtes années plus tard ? Une imprimante, une interface cassette ? Rien de tout cela ici. la CASIO 201P n’offre aucune connectivité, excepté le cordon mural d’alimentation 220V.

A bien regarder, il existe pourtant un compartiment mystérieux, accessible en ôtant une vis au dos, qui montre ce qui ressemble fort à un port de connexion. Mais je ne sais pas encore à quoi.

(*) Cette famille de calculatrices comprend aussi la PRO-101, absolument introuvable et connue par 2 ou 3 photographies de prospectus (japonais) d’époque.

AJOUT DU 1ER NOVEMBRE 2019 : Tout peut arriver à notre époque. Voici que la légende PRO-101 vient de prendre forme. La PRO-101 existe bien, elle a été aperçue par un collectionneur que je connais bien (ce n’est pas moi malheureusement) qui est parvenu à se la procurer. Ce modèle est maintenant chez lui et les premières photos ont été prises. Félicitations à lui !

LLOYDS ACCUMATIC 650

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La LLOYDS E650 est une impressionnante calculatrice de 1976, tant par l’austère classicisme de sa façade métallique que par le grand nombre de fonctions disponibles.

Tel l’œil d’un cyclope, l’afficheur vous fixe avec acuité. Sa disposition inclinée permet indéniablement un bon confort d’utilisation.

Le poids de la machine, les assemblages donnent l’image d’une construction sérieuse, très robuste.

Les fonctions sont abondantes. Scientifiques, statistiques, et une arithmétique complète en mémoire. La LLOYDS 650 ne cache pas sa parenté technique étroite avec d’autres modèles stars de son époque : CITIZEN SRII, ELITE 7004SR, MBO ALPHA 3000, RADIO-SHACK EC-495, TOSHIBA SC-7500, et sûrement d’autres.

Ici aussi, 5 mémoires. La N° 4 est préemptée par les fonctions statistiques, et se vide d’un simple C/CE !

A l’allumage, la 650 montre toujours 4 décimales par défaut. Le pilotage des décimales et de la notation avec exposant de 10 est assuré par la touche HYP, pourtant bien dédiée par ailleurs aux calculs de trigonométrie hyperbolique.

Les touches carrées, notamment celles de couleur jaune sont typiques de la marque LLOYDS. Tout comme la désignation ACCUMATIC. Quelle peut en être l’origine sémantique ? Suggère-t-elle la présence d’accus, et donc une portabilité qui restait un luxe en 1976 ? ou bien doit-on entendre Accuracy, c’est-à-dire précision, exactitude ? Peut-être les deux …

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LOGITECH LC-838R

Logitech_838-2Une toute petite et très joufflue calculatrice semi-scientifique de 1976 ou peut-être même avant (la présence d’une courroie est souvent signe d’ancienneté).

Logitech a créé quelques modèles où l’abondance de plastique ne va pas forcément de pair avec l’élégance. Mais ici, cela sied bien à la petite 838 qui reste bien sympathique et tient bien en mains.

Deux petites bizarreries : un interrupteur qui possède un arrêt à mi-course non repéré. Sans doute une position autorisant la charge d’accus. A ce sujet, la 838 se nourrit de 4 piles AA. Du lourd. Et pas de batterie, contrairement à ce que laisserait penser le R (comme Rechargeable) de LC-838R.

L’autre bizarrerie saute aux yeux : on a le choix entre deux touches de racine carrée, c’est comme on veut !

Et que signifie donc la légende inédite CANC au-dessus du F ? Cancel bien sûr (Annuler en anglais) : si on a appuyé sur (pour atteindre une fonction seconde) et qu’on le regrette déjà, le 2e appui annulera cet ordre.

 

KOVAK P-82 « Scientific Friend »

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Mignonne petite scientifique d’un constructeur japonais prolifique de la fin des années 70.

Sous des airs conventionnels la KOVAK recèle une petite particularité : avec ses 25 touches seulement, elle doit en dédoubler les fonctions, comme c’est souvent le cas sur les calculatrices scientifiques. La touche F, nommée ailleurs 2nd ou Shift, parfois INV donne accès, au prix d’un appui préalable, à la seconde fonction des touches.

C’est classique.

Mais sur la KOVAC, fait quasi unique, le F possède aussi sa fonction seconde, en l’occurrence l’élévation au carré. Pour mettre un nombre au carré, il faut donc appuyer deux fois sur F. Pourquoi pas, mais cette disposition est indéniablement fort rare, le F ayant d’ordinaire sa touche à lui tout seul.

Cette KOVAC se rencontre sur le Net sous le nom complet de KOVAK P-82.

La mienne ne mentionne que le sous-titre Scientifique Friend, c’est-à-dire l’amie du scientifique, rien de moins.

 

CANON F5

Calculatrice produite dès 1974, le premier âge des machines scientifiques de poche.

Une mine bourrue, géométrique, quasi préhistorique avec un profil en pédale de machine à coudre, elle affirme cependant une vraie personnalité et distille une ambiance générale qu’on va bientôt retrouver dans d’autres Canon.

Les fonctions scientifiques sont encore simples : les logarithmes naturels et décimaux, la trigonométrie opérant sur les radians et les degrés, et fonctions réciproques. Pas de possibilité d’afficher en puissance de dix. Le plus grand nombre manipulable est donc 99.999.999, le dépassement de capacité n’est jamais loin.

Et question précision, c’est du huit chiffres sec … on a rencontré mieux, mais nous sommes rappelons-le à l’aube du calcul scientifique de poche. Et en 1974, disposer de tables trigonométriques instantanées et aussi simples d’emploi devait paraître providentiel et tellement moderne.

CANONF5

J’ai apporté ma machine au travail voilà peu, dans l’espoir d’étonner mes collègues. Je leur avais parlé d’une machine fabuleuse, tombée entre mes mains ces jours-ci. Je n’avais pas rencontré une écoute bien attentive. Il valait sans doute mieux montrer l’objet.

Ce fut d’abord ma collègue de gauche qui tendit la main avec curiosité, pensant à un nouveau téléphone. La machine posée au creux des mains, elle la fixa dans les yeux, le visage prêt à l’émerveillement. Mais rien de tel ne se produisit. Il fallait allumer bien sûr ! Les doigts triturèrent l’interrupteur de façade, puis celui de côté et un zéro tremblotant apparut. Pas grand chose d’autre, et un visage qui voulait encore croire en la surprise. Mais oui, il fallait taper une opération bien sûr, en l’occurrence le fameux calcul, un milliard de fois vérifié au cours des âges, consistant en l’addition de 1 et de 1. Cela faisait bien 2 cette fois encore … Une mine totalement vide d’expression se tourne vers moi :  « Oui ? … et alors ? » …

La calculatrice changea de mains, un autre collègue venait d’entrer … « Ben qu’est-ce-que tu fais avec ça ? qu’est-ce-que c’est ? » J’expliquai qu’il s’agit d’une très ancienne calculatrice scientifique, et déclenchai par là un succès inattendu : « wouah, mais tu sais que si tu vends ça sur ***.fr, tu en tireras au moins 200 € ! » Euh, je dis « non, dix fois moins, et encore, maximum ». Un troisième collègue se lança dans l’exposition de ses recettes personnelles qui permettent les meilleures affaires sur le net, sujet intarissable.

Bref, j’avais complètement raté mon effet …

La CANON F5 resta quelques jours au bureau, puis regagna mon cartable de travail pour un retour à la maison. Une ultime présentation eut lieu quand je traversai le centre commercial local. L’alerte vigipirate ayant atteint un niveau maximum en cette période troublée, un vigile me demanda de lui présenter mon cartable ouvert. J’en profitai pour extraire ma CANON et lui présenter en une courte phrase … La suite est facile à deviner … Heureusement je suis habitué à ces petits moments de solitude. Je ne fais pas fuir les gens avec mes machines, c’est déjà une victoire …

 

SINCLAIR Enterprise Programmable

En 1982, le magazine L’Ordinateur de Poche publie un large panorama des calculatrices programmables du moment. Principalement de prestigieuses américaines, des japonaises prometteuses mais pas seulement.

La rédaction se félicite d’avoir pu inviter dans ce comparatif deux improbables modèles anglais, si difficiles à se procurer qu’ils n’y figureront qu’à titre symbolique. Ce sont les SINCLAIR programmables Cambridge et Enterprise.

Ces machines ne furent sans doute jamais vendues en France. Internet permet aujourd’hui de les voir enfin de près.

La SINCLAIR Enterprise Programmable n’est pas la plus répandue ni la plus ancienne. Elle fut produite à partir de 1978. Elle offre en effet des possibilités de programmation, qui ne sont pas anecdotiques.

Les bons points sont la capacité totale de 79 pas, et la possibilité d’une édition efficace. Au passif, l’unique test Go If Neg n’autorise pas une grande souplesse. D’autant que les codes combinés ne sont pas gérés (par exemple, Goto 25 consomme 3 pas, un pour le Goto, un pour le 2, un pour le 5), ce qui fait fondre les réserves de pas à grande vitesse.

Les branchements se font en direct et non par label, voilà qui est acrobatique pour les instructions demandant plusieurs pas. Heureusement, on peut compter sur l’éditeur pour caler les programmes au millimètre. Enfin les codes de touches sont étranges et ne livrent pas facilement leur logique. A noter que sur mon modèle, une sérigraphie supplémentaire, de qualité mais sans doute pas d’origine, vient épauler l’apprenti programmeur, qui trouve pour chaque touche le code correspondant.

Les SINCLAIR ont une grande réputation d’originalité, voire de génie. La conception de la mémoire programme semble ici en tous cas unique. Comme dit plus haut, la capacité de programme est de 79 pas. Il existe pourtant un pas 00. Pourquoi pas 80 pas alors ? Et bien parce qu’au pas 00, il ne se passe rien. Un programme commencera d’ailleurs au pas 01. Et si avant de le lancer on initialise par un Goto 00 manuel, l’appui sur RUN ne lancera rien du tout. Un second RUN sera nécessaire. En examinant les exemples du manuel, on comprend que le protocole adéquat pour terminer un programme est de le conclure par un Goto 00. Le pas 00 est donc un STOP, bien placé car le programme se trouve ainsi déjà en situation d’être lancé de nouveau.

Si la petite sœur Cambridge n’a pas très bonne réputation en matière de précision, l’Enterprise s’en tire mieux, révélant d’ailleurs une certaine parenté de processeur avec la NOVUS 4650, machine pourtant non programmable. La vitesse de calcul de l’Enterprise n’est pas élevée, mais pas catastrophique pour autant. Elle bat la TI-57 à la course, et se montre 2 fois plus rapide que sa contemporaine Commodore P50.

Au chapitre des caractéristiques, nous avons affaire à une scientifique plutôt complète, sans toutefois les statistiques, et 7 mémoires sont disponibles. L’alimentation est assurée par une pile de 9 Volt. Sur mon modèle, la pile ne suffit plus. Il est nécessaire de lui adjoindre une connexion par câble à la prise murale.

Pour remplacer la pile, point de trappe. On dégage un ergot au sommet de la machine, et celle-ci s’ouvre en deux ! Effet saisissant. Toute la façade se trouve ainsi déposée, tandis que les entrailles sont à nu, et donc aussi le logement de la pile.

Le design très personnel de la Sinclair Cambridge est célèbre. Celui de l’Enterprise est sans doute plus conventionnel. C’est incontestablement une très jolie machine, de dimensions plus importantes que sa petite sœur, vraiment minuscule.

Un détail ultime et pittoresque qui montre que nous sommes bien dans l’univers original de Sinclair : la touche au triangle noir en haut à gauche. Une pression donne accès aux fonctions secondes, une deuxième bascule en mode de programmation, une troisième (!) fait apparaitre un « F » donnant accès aux fonctions secondes programmées, tandis qu’une quatrième et dernière pression replace la machine dans son contexte initial.

SINCLENT1

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Merci à kweeky

SEARS LC-87

SEARS87-1

Connue aussi sous le nom de APF 5602, et sûrement d’autres, la SEARS LC87 est une des premières extra-plates LCD de la fin des années 70.

J’ai bien cru que jamais je ne pourrais voir cette petite machine fonctionner. Quand je l’ai prise en mains, elle ne s’allumait pas. J’ai alors pensé aux piles. J’ai ôté les deux vis au bas du panneau arrière puis ai vite constaté de gros dégâts au niveau du logement des 3 piles LR-44, celles-ci recouvertes d’une sinistre mousse verte du plus mauvais augure.

Deux autres choses me contrariaient : l’écran LCD traversé par une large auréole interne, comme si un liquide s’y était écoulé. Et la façade en alu, présentant de sérieuses déformations latérales dues à une probable tentative de la décoller de son châssis en plastique.

Sombre tableau. Dans un premier temps, j’ai ôté les piles puis nettoyé le logement à l’aide d’une brosse à dents. Le vert de gris a été détaché aussi délicatement que possible des contacts. Mais ceux-ci, fragilisés, se sont cassés en plusieurs endroits pendant l’opération, tout en conservant une certaine capacité de contact malgré tout. Je me suis aussi efforcé de désolidariser complètement la pellicule en alu de la façade, comme avait tenté de le faire le précédent propriétaire pour une raison que j’ignore. Ceci fait j’ai pu redresser les parties tordues avec un petit marteau, puis ai remis en place la façade, non sans avoir placé de petits points de colle ici et là. L’aspect était redevenu plus flatteur.

J’ai placé ensuite 3 piles LR-44 puis ai fébrilement basculé l’interrupteur sur ON. Sans succès. En exerçant une pression ferme sur la pile dont le contact était le plus abîmé, j’ai enfin obtenu l’affichage d’un magnifique zéro. Ouf ! Plus qu’à espérer que le couvercle revissé exerce la bonne pression. Ce fut bien le cas, la machine était revenue à la vie. J’ai pu constater que l’auréole du LCD restait sans effet sur l’affichage. Machine réparée !

La SEARS apparaît comme une extra-plate LCD archaïque, charnière entre deux époques. Si les fonctions qu’elle propose sont strictement celles qu’on retrouvera sur quantités de modèles jusqu’au début des années 80, en revanche plusieurs détails signent une ancienneté qui la ferait remonter selon moi à l’année 1977. Parmi ceux-ci et non le moindre, la fausse platitude du profil. L’épaisseur est encore d’un centimètre, et les champs latéraux, loin de se cacher, sont habillés d’une belle couleur sombre qui rappelle le chic de certaines grosses machines plus anciennes. On peut aussi s’étonner du peu de témoins LCD disponibles sur l’écran.

Des calculs poussés d’arrondis révèlent un processeur d’ancienne génération, avec une précision inférieure à celle des modèles analogues qui s’apprêtent à déferler.

Le manuel désigne ce modèle sous deux noms différents : LC-87 et 711.58321. Ce second nom très bizarre est rappelé au dos de la machine. En revanche pas d’inscription LC-87 visible, mais à première vue seulement. Pour une raison que j’ignore, l’usure peut-être, le logo SEARS LC-87 n’est visible qu’en vision rasante, sous l’écran.

Une caractéristique intéressante : un clavier de qualité, d’un excellent toucher. Et aussi le signe d’appartenance à toute cette génération de calculatrices : la capacité d’afficher des nombres aussi grands que l’afficheur le permet, la factorielle de 72 par exemple, affichée 61234. 99, soit en décalant le point décimal aussi loin que possible sur la droite.

 

SEARS-2

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KINGS POINT SC60

Une des reines du calcul en 1975.

L’énorme Kings Point SC60 est une puissante calculatrice scientifique 10 chiffres, particulièrement pointue dans le domaine des probabilités et des statistiques.

L’afficheur à diodes rouges (LED) de grande taille permet d’exprimer des valeurs au format scientifique sur 10 chiffres de mantisse, plus 2 pour l’exposant.

Une diode supplémentaire s’allume pour signaler un calcul en cours, ou lors de la charge de l’accumulateur. Idem pour le choix du mode RADIANS. A noter les inscriptions nombreuses sur l’écran, signalant l’exposant, l’état (signe), les positions des chiffres …

Parmi les fonctions traitées, on trouve notamment la Gamma, la distribution normale 1-Q(X), la fonction ||x|| (racine de la somme des carrés), les combinaisons/permutations

Concernant ces dernières et les deux arguments qu’il est nécessaire d’entrer : chose curieuse, l’introduction n’a pas lieu, comme souvent, au moyen des registres X et Y, mais par la touche de stockage dédiée  STOk , qui n’accepte qu’une valeur entière inférieure à 100. Donc en pratique, on place l’argument k par STOK, on tape l’argument n, puis la touche de fonction nPk (permutations) ou nCk (combinaisons).

Une seule mémoire. La fonction STO∑ peut en constituer une seconde pour dépanner, si aucun calcul statistique n’est en cours.

La SC60 marche très bien malgré les années, à la condition de la relier au secteur mural par le bloc chargeur. La machine s’éveille alors et se montre complètement opérationnelle. Les touches ont une course longue et spongieuse. Celle du « 1 » a tendance à rebondir (elle voudrait écrire 11 ou 111), mais rien de grave cependant.

En revanche, la disposition du zéro et de Pi me semble source d’erreurs, ou pour le moins d’agacement. Il aurait été sans doute préférable que ces deux touches soient permutées sur le clavier.

La Kings Point existe aussi sous le nom de Realtone SC60. Une Realtone SC6010 a existé. Elle est plus puissante encore, notamment sur le nombre de mémoires (une dizaine). Mais bien sûr plus rare que la 60 …

Kingspoint60

SPERRY-REMIGTON 663

SPR663

Qu’y avait-il avant le Big bang ?

A-t-il existé des pyramides avant celle de Kheops ?

Y avait-il un calendrier avant l’ère chrétienne ?

A-t-il existé des calculatrices de moins de 8 chiffres ? Enfin une question à laquelle je peux répondre !

Sortie en décembre 1972, cette calculatrice aux fonctions encore minimales a en effet la particularité d’un afficheur à seulement six positions !

Ne nous fions pas aux apparences, la capacité totale est tout de même de douze chiffres, l’affichage de tout grand nombre se voyant scindé en deux parties, affichées alternativement par la touche au symbole triangulaire. Le point décimal joue un grand rôle dans cet exercice et permet de bien déterminer la taille des nombres manipulés.

L’afficheur vert de type VFD est bien rétro lui aussi, chaque digit ayant encore sa propre ampoule individuelle. Les digits y sont prévus pour 8 segments (un de plus disponible pour le 4) mais la Sperry 663 ne l’utilise pas et se contente d’afficher un 4 standard à quatre segments.

A noter que le zéro est tout petit et qu’il n’utilise lui aussi que quatre segments. La consolation, c’est que plus le nombre de segments allumés est faible, et plus petite est la consommation, donc plus grande sera l’autonomie.

Pour alimenter cette vénérable calculatrice, point de miracle, il faut sortir les quatre piles AA. Le poids atteingt 330 g. Cela peut paraître énorme pour une si petite machine. Sauf que la Sperry Remington 663 est une fausse petite. Placée à côté d’une calculatrice usuelle, ou regardée de côté, les dimensions nous renvoient bien à l’aube des calculatrices.

Côté maniement, l’indicateur de dépassement n’existe pas, il est remplacé par le gel de la machine, qui nécessite alors un appui sur C. Le symbole d’erreur est constitué de six zéros. Un signe MOINS est bien accolé à tout nombre négatif, à condition que le nombre ait moins de six chiffres, dans le cas contraire, point de signe …

Et une valeur dépassant les six chiffres, donc découpée en deux sections ne peut être réutilisée pour le calcul suivant.

Un indice qui permet de replacer à coup sûr cette calculatrice dans son contexte : l’attache pour dragonne, la portabilité est alors le symbole ultime de la modernité.

 

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SANTRON 565

SANTRON565

Très belle petite machine que la SANTRON 565  ! Les couleurs de touches, l’afficheur, l’habillage en aluminium, l’élégant carnet marron très classique, tout cela fait de la SANTRON une merveille de sa génération (fin des années 70).

Par malchance, mon modèle refuse de fonctionner, sans que j’en devine la raison.

L’examen du clavier et de l’afficheur (notamment les témoins LCD) montrent assez nettement une forte parenté avec l’IBICO 94.

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BOWMAR MX140

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BOWMAR est une marque très ancienne. Les premières calculatrices de poche BOWMAR remontent à 1972. La MX140, modèle scientifique à 10 chiffres, très recherchée par les amateurs, semble dater de 1974. La construction est sérieuse, le poids conséquent, et le fonctionnement intact.
 
Cette BOWMAR est un symbole dans le parcours du collectionneur que je suis devenu. Elle révèle une étape, ou plutôt elle met en évidence l’existence d’étapes, des strates, pas forcément conscientes, mais pourtant bien identifiables dans ce parcours.
 
Je vais tenter ici de retracer le chemin parcouru et retrouver les motivations qui l’ont parsemé.
 
Etape 1 : Au tout début, en 1975, mon père apporte pour un seul soir un mystérieux petit objet blanc, capable d’effectuer toutes sortes de calculs sans erreurs et à la vitesse de l’éclair.  C’est la première fois que je vois une calculatrice. Je resterai toujours marqué par le contact avec cet objet.
 
Etape 2 : J’observe l’arrivée de toutes sortes de modèles de plus en plus abordables. Le phénomène se démocratise. Enfin ma première : une 4 opérations avec mémoire « dynamique », X², 1/x, Pi, EX, la racine carrée, 8 chiffres verts. Cette petite machine fera partie de ma vie pendant un an puis rendra l’âme, usée par une vie courte mais intense.
 
Etape 3 : Mes parents décident d’offrir une calculatrice à ma petite cousine pour son anniversaire car c’est une bonne élève. Je suis présent lors de l’achat et j’entends pour la 1ere fois l’expression incroyable « cristaux liquides ».
 
Etape 4 : Le temps passe. Je suis constamment curieux du phénomène calculatrices. J‘entends parler de machines programmables. J’ignore la signification précise du mot. Je constate que les programmables constituent systématiquement le haut de gamme, qu’elles ont beaucoup de touches mystérieuses, qu’elles sont chères. Mais qu’est-ce qu’un programme ? Que peut-on et que ne peut-on pas programmer ?
 
Etape 5 : Je reçois de la Redoute ma 1ere scientifique, LCD jaune, non programmable. J’en fais le tour rapidement mais y demeurerai extrêmement attaché … Là encore au bout d’un an, la machine rendra l’âme … Mais contrairement à ma 1ere machine dont j’ai jeté les morceaux sans états d’âme, je conserverai précieusement les reliques de ma 2e (tiens tiens …)
 
Etape 6 : J’ai craqué. Ou plutôt mes économies me le permettent : j’ai une TI-57 Programmable. Enfin je comprends ce qu’il est possible de faire en la matière. J’adore cette machine, mais en constate vite les limites (peu de place en mémoire et usure prématurée du clavier). Mes rêves se dirigent tout naturellement vers les vitrines où sont exposées les TI-58 et 59. Machines sublimes mais si chères.
 
Etape 7 : Je saute dans un train pour Paris et me rends à la FNAC Montparnasse, où je vais acheter ma TI-58C, machine que j’ai conservée jusqu’à aujourdhui bien sûr, mais à part des autres, dans son étui d’origine.
 
Point d’étape : on est en 1983, j’ai une TI-58C, une TI-57 fatiguée, une carcasse inanimée, et le souvenir d’une première. Je ne suis pas collectionneur, je conserve juste mes machines successives. Arrive le phénomène des ordinateurs de poche.
 
Etape 8 : Après la révélation du Sharp 1211, dont j’ai aperçu de minuscules photos énigmatiques dans des catalogues de composants électroniques, et après que le prof principal en ait amené un en cours, j’assiste à l’explosion soudaine de ces merveilles. Je me paierai 2 ans plus tard le Sharp PC-1251.
 
Etape 9 : On accélère un peu … Une relative traversée du désert pendant un certain nombre de mois (années ?). Quelques machines scientifiques achetées par ci par là, une Casio FX-602P quand même, une Casio FX-6000G, ma première graphique.
 
Etape 10 : je découvre par hasard la nouvelle gamme dite « Pioneer » de HP : des machines de nouveau verticales (après la mode des Voyager de HP, des TI-Galaxy), un design sobre et plein de classe. Je suis hypnotisé par ces machines. Après quelques mois, j’ai rassemblé les fonds nécessaires pour une HP-42S que j’utiliserai beaucoup.
 
Etape 11 : Nouvelle pause. Je ne pense plus aux calculatrices. Ma 42S n’est plus utilisée pendant pas mal de temps. Je cesse d’en prendre soin. Elle traîne dans la boîte à gants de la voiture au milieu d’un désordre certain. Un jour en nettoyant la voiture, je transfère le désordre sur l’établi de ma remise. Ma 42S s’y trouve et va rester là une éternité. Elle prendra la poussière, la sciure … Honte à moi.
 
Etape 12 : J’ai de nouveau besoin de ma 42S. Je constate que son aspect est fatigué, avec de la poussière derrière l’écran. Je tente de la démonter pour nettoyer. Mais elle n’est pas démontable, ce que j’ignore, et je la « massacre » littéralement. Je suis écoeuré de tristesse. Ayant besoin d’une machine de remplacement, je me penche sur l’offre du moment … et je ne vois rien qui puisse remplacer ma 42S.
 
Je vais alors acheter plusieurs machines qui ne me satisferont pas. Soit elles sont trop grosses, soit trop limitées ou compliquées d’usage. Je réalise alors que les choses ont changé. Les machines du passé, celles qui m’avaient enthousiasmé n’existent plus. Celles d’aujourdhui ne me plaisent pas ou ne me conviennent pas. Je traverse alors une véritable crise de nostalgie. Je veux retrouver une HP42S. J’en avais vu une dernière dans une librairie de Reims que je connaissais bien. Je m’y rends, bien qu’habitant désormais loin. Mais les années ont passé et plus de trace de cet ultime exemplaire dans les rayons, rien que des modèles scolaires entre boîtes de feutres et cahiers d’écolier.
 
Pendant des mois je vais rechercher, telle une idée fixe, le modèle idéal que je ne trouverai pas. Pendant cette quête, je vivrai dans le souvenir des machines fabuleuses du passé. Un souvenir sera particulièrement tenace : les vieilles Commodore que j’avais vues dans les catalogues de La Redoute bien des années auparavant et dont j’ignore tout. Je vais alors idéaliser ces Commodore. Je rêve d’en retrouver. Je fais quelques brocantes. Je visite des antiquaires. Il me semble évident que plus aucune trace ne subsiste de ces machines de jadis. Et même si j’en voyais une, quel pourrait être son état aujourdhui …
 
Point d’étape : Je ne suis toujours pas collectionneur. J’ai maintenant des quantités de machines, achetées ici et là, j’en ai donné ou revendu … Une chose a cependant changé : je veux retrouver des machines anciennes et ne sais pas comment faire.
 
Etape 13 : Internet. Voilà la solution totalement inconcevable quelques années auparavant. Je découvre Ebay, qui est encore à ses débuts. Les annonces ne sont pas attirantes et le choix est faible. Cela s’améliorera plus tard. Internet me fait aussi découvrir des sites riches d’informations, voire de passionnés.
 
Etape 14 : Internet est mature. Je peux assouvir ma soif de retrouver les quelques modèles vraiment importants pour moi. Dans les mois qui suivent, ma démarche va se modifier : Il s’agissait jusqu’à présent  de retrouver mes anciennes machines revendues, données ou perdues. Il n’était pas question d’aller plus loin. Par exemple, je n’envisageais pas à ce stade d’acquérir un PC-1211 que je n’avais jamais possédé. Malgré tout lors de cette étape, je recevrai ma première Commodore, non sans une grande émotion.
 
Etape 15 : Rapidement je vais étendre ma quête aux machines vues entre les mains de différents copains de toutes époques. Puis la quête sera dirigée vers toutes les machines intéressantes de ces époques. Puis vers toutes les machines plus anodines, ayant fait un jour partie de mon paysage. Puis de toutes les autres, les belles, les puissantes …
 
Point d’étape : Je ne suis toujours pas collectionneur. J’ai des quantités de machines. Leur profusion me fait honte. Elles sont cachées dans des tiroirs, sous leur housse. Je ne comprends pas ce qui me pousse à en amasser toujours et encore. J’ai le sentiment de rechercher inlassablement un fantôme insaisissable, formé de souvenirs fugaces et imprécis. Par ailleurs je ne connais personne autour de moi qui se soit jamais intéressé aux calculatrices. Suis-je un monstre …
 
Etape 16 : Voilà venue l’époque du forum de Silicium.org, que je découvre par hasard. J’entre alors dans une résonnance exaltante avec d’autres mordus de toutes les formes de calculatrices possibles. Chacun vibre en fonction de différentes facettes du sujet.  Une palette de sensibilités diverses et contagieuses. Je ne suis donc pas seul à aimer les calculatrices. Il n’est sans doute pas honteux de les amasser. Il faut peut-être juste s’abriter derrière un mot. Ou plutôt un statut. J’endosse donc le costume du collectionneur, et tout devient normal, explicable aux yeux des autres. Même si la constitution de collection n’a jamais été ma démarche.
 
Quel rapport tout cela a-t-il avec la BOWMAR MX140 ? C’est typiquement une machine de collectionneur. A mon insu,  j’ai franchi une étape nouvelle. Car la BOWMAR est différente. Je ne la trouve pas belle. Je ne la connaissais pas voilà 2 ans. Je l’ai voulue parce que je SAIS qu’elle est importante,  par sa réputation, ses caractéristiques, par la convoitise qu’elle suscite …  Je suis ici dans une logique de collection, et plus dans la passion .
 
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CONIC 1660

CONIC1660

Une marque oubliée, comme plein d’autres. La Conic 1660 est une rare extra-plate pourvue d’un afficheur de type VFD à chiffres verts. Son époque de production doit se situer aux abords immédiats de 1978.

Pourquoi les machines VFD (Vacuum Fluorescent Display) sont-elles rarement extra-plates ? La matrice d’ampoules vertes est plus encombrante que ne le seront les toutes proches matrices à cristaux liquides (LCD), qui s’apprêtent à déferler. Mais ce sont surtout les piles classiques « bâtons », indispensables pour nourrir cette technologie encore gloutonne, qui créent naturellement l’embonpoint constaté.

Un dispositif à batterie est parfois installé. C’est le cas sur la CONIC 1660. La batterie permet d’aplatir le design, préfigurant l’aspect des futures extra-plates LCD.

Que peut-on dire de la CONIC ?  Un habillage métallique et des touches à la sérigraphie magnifique. Six colonnes de touches, c’est inhabituel. Du coup on en compte 28, la 1660 est donc une calculatrice semi-scientifique. Parmi les fonctions traditionnellement absentes des simples calculettes, on note le 1/x, Pi, le carré, et les puissances.

Celles-ci ne travaillent ici qu’avec des exposants entiers, et tronquent sans plus de façon les entrées qui ne le seraient pas. Une touche mystérieuse à première vue, le R/C est le rappel mémoire, qui efface aussi le registre, par deux appuis successifs. Cette légende R/C est inhabituelle, la combinaison des fonctions RM et CM étant plus souvent notée par diverses compositions des 3 lettres R,M, et C.

CASIO FX-8000

CASIOFX8000
 

Tout à la fois calculatrice scientifique, chronomètre et gestionnaire d’alarmes la CASIO FX-8000 reste typique de la production de la fin des années 70 : extra-plate, afficheur LCD jaune, et façade métallique.

Mon modèle est dans un état moyen. Le grand commutateur en particulier est devenu trop instable pour une utilisation confortable des différents chronomètres.

L’aspect calculatrice est très classique. Une particularité d’affichage cependant : sachant que la mantisse d’une valeur ne peut avoir qu’au plus 6 chiffres sur cette machine, mais que rien ne bloque une saisie de 7 ou 8 chiffres, au moment de l’appui sur la touche d’exposant la mantisse se verra tronquée à 6 chiffres, tandis que le point décimal restera affiché à sa position préalable.

Par exemple, si je veux taper la valeur 78945612. E 26, l’écran affichera dans un premier temps 78945612. (la position du point est normalement à droite par défaut), puis à l’appui de EXP, il passera à 789456  0.0 soit en conservant la position initiale du point décimal sur l’afficheur, puis 789456  2.6 après l’entrée de l’exposant de 10. Une pression sur EGAL restituera la valeur dûment mise en forme 7.89456  33.

Le point décimal au sein de la zone d’exposant ne se rencontre qu’à l’entrée de la valeur, jamais à l’affichage d’un résultat.

Grâce à ma CASIO FX-8000, je peux enfin mesurer la rapidité de mes machines programmables avec un chronomètre de grande valeur !

 

SANTRON 626

SANTRON_626

SANTRON a produit plusieurs grosses machines scientifiques au milieu des années 1970.

Point commun entre cette 626 et les 624 ou 625, l’énorme carcasse, d’aspect brutal et superbement primitif. La 626 est le haut de gamme. Modèle programmable, avec une capacité de 72 pas de programme, dix mémoires avec arithmétique complète.

Jouons une fois de plus à débusquer des indices susceptibles de rapprocher cette SANTRON d’une autre machine dont l’électronique serait commune. On remarque déjà des touches très colorées, qui rappellent l’univers des Commodore. L’examen des digits verts montre un « 6 » et un « 9 » privés de leur 6e segment … Tiens, Tiens …

 Une Commodore programmable, présentant des digits de forme analogue, dotée d’une arithmétique complète en mémoire, il en existe bien une : la COMMODORE PR100.

Il ne reste plus qu’à exécuter le test Forensics pour comparer les résultats et le verdict tombe (temporairement mais n’anticipons pas …) nous sommes en présence de deux machines « clones ».

Sauf que beaucoup de fonctions de la Commodore manquent ici à l’appel. La SANTRON en serait donc une copie incomplète, revisitée … Et s’il y avait autre chose ? Et si la parenté des modèles était plus éloignée que prévu ?

C’est bien le cas, sans aucun doute. Mais pour le révéler,  il faut  se lancer dans la programmation de la bête. Et là on découvre une différence d’importance ; la Santron gère, partiellement du moins, les codes combinés, ce que la Commodore ne sait pas faire. Concrètement, si les adresses mémoire restent séparées des instructions, en revanche la touche F, appelant les fonctions secondes, est fondue dans un code commun avec la fonction appelée.

En conséquence, certains programmes écrits pour SANTRON 626 ne pourront jamais être introduits dans la COMMODORE PR100, dont le protocole de programmation est plus gourmand en ressources, moins efficace, que dans la SANTRON.

Nous voilà face à un processeur spécifique, qu’il serait intéressant de découvrir. Démontons la bête et vérifions. Il n’y a pas photo, comme le montre d’ailleurs la photo. Les processeurs, d’origine Mostek, sont voisins, mais distincts. A la lecture des légendes, le 7529 de la SANTRON apparaît pourtant plus ancien (1976) que le 7530 de la COMMODORE (1978), ce qui n’est pas logique vu les meilleures performances du 7529. Ces dates correspondent cependant à la période de fabrication du processeur, non à celle de sa conception, ce qui est peut-être l’explication.

SANTRON_PROC
 

Quoi de mieux pour rendre compte de la taille d’une machine que de la représenter aux côtés d’un modèle connu ? La voici photographiée en compagnie d’un modèle de classe mondiale … Et pourtant absolument rarissime.

 
SANTRON626-88
 

Un œil exercé aura reconnu la mythique Ti-88, véritable guest star de ce blog, dont les exemplaires dans le monde se comptent sur les doigts des deux mains. Je confesse ne pas détenir une telle machine dans ma collection, celle-ci appartenant à un ami, un des rarissimes et bienheureux propriétaires de cette machine dont Texas-Instruments avait annulé la vente au tout dernier moment, laissant des milliers d’amateurs sur leur faim, plongés dans la déception et l’incompréhension.

Cela se passait en 1983.

 
SANTRON_626-H
 

La SANTRON 626 est elle-même un objet bien peu courant. Et puisqu’on évoque ici les modèles de légende, citons la SANYO CZ-0911PG, magnifique et rare objet, d’un aspect proche de cette autre SANYO, qui partage l’électronique de cette étonnante SANTRON 626, et que j’espère bien trouver un jour (sans compter la Ti-88, il faut bien rêver …).

Ajout du 18/9/2019 : La SANTRON 626 semble être fortement parente avec la PRIVILEG PR56D-NC

 
 Merci à Gilles 
 
 

ARISTO Unilog

 

ARISTO_UNILOG4

L’ARISTO Unilog n’est pas la plus facile à rencontrer au sein de l’offre de ce prestigieux constructeur allemand des années 70.

Cette scientifique accomplie, alimentée par une pile 9V devait être produite selon toute vraisemblance autour de l’année 1977. Elle semble techniquement similaire en tous points à une autre pépite : l’ARISTO M75 E, plus rare encore, à ne pas confondre avec la M75.

NATIONAL SEMICONDUCTOR NSC 4640

4640

Une impressionnante calculatrice scientifique à chiffres rouges.

Les digits ne sont pas constitués de segments continus mais de lignes de points, procédé peut-être plus économique en énergie que des lignes continues.

Quand fut-elle produite ? Son air gentiment archaïque suggérerait l’année 1975 ou 1976.

La logique de calcul, à la différence de la 4650, est la notation polonaise inverse, donc sans touche ÉGAL.

Connait-on aujourd’hui l’utilisateur de ce type de calculatrice ?

J’ai la chance de disposer du manuel, non pas de la 4640 mais de la 4615, une cousine programmable de la 4640. Tout à la fin du manuel on peut trouver un petit questionnaire consciencieusement rempli par le propriétaire initial. On peut y lire son âge, sa profession, la date de l’achat, ses motivations etc.

Pour tenter de répondre à la question ci-dessus, voici la synthèse du questionnaire : La machine avait été achetée le 6 octobre 1977 pour un usage professionnel, à l’usine (factory dans le texte) de Sunnyvale en Californie, par un homme âgé de 35/49 ans. Son domaine d’activité était l’ingénierie ou le domaine scientifique. A la question « qu’est-ce-qui vous a particulièrement attiré dans ce modèle« , le monsieur a coché « features and capabilities » mais aussi « Price« .

Ce dernier point éclaire à sa façon le positionnement de l’offre NSC dans le marché de l’époque : des machines financièrement abordables.

TEXAS-INSTRUMENTS 1025

TI1050

La première fois que j’ai allumé cette ancienne Ti de 1977, l’affichage vert m’a dérangé. On est en effet plus accoutumé à voir les vieilles Ti avec de minuscules chiffres rouges.

Mais on s’habitue rapidement, et cette petite machine se révèle vite très agréable.

TI-1025 est la référence que je peux enfin mettre sur un souvenir vieux de 38 ans (1980). Cette année là, j’étais adolescent et ma famille venait d’emménager dans un nouveau logement, suite à mutation professionnelle. Le logement était grand, mon frère avait sa chambre, moi la mienne, ainsi que ma sœur. Dans la chambre de mon frère, un placard contenant quelques objets divers laissés par les précédents occupants. Parmi ces objets, une moitié (la façade) d’une vieille calculatrice. Pas de doutes, c’était bien elle !

DECIMO VATMAN

VATMAN

Une basique calculette 4 opérations ? Oui, quoique … ici la particularité porte sur la touche de pourcentage.

Dans l’univers des calculettes, si les touches arithmétiques ou la fonction racine s’utilisent presque toujours de la même façon, il en va autrement de la compliquée fonction pourcentage, dotée d’une logique différente d’une machine à l’autre.

Ainsi pour ajouter 30 % à 125, il faudra selon la machine taper « 1 2 5 + 3 0 % = « , ou bien « 1 2 5 X 3 0 % + » …

J’ignore combien de personnes utilisent régulièrement la touche % de leur machine. Une chose est sûre, il faut bien connaître sa machine si on veut avoir confiance dans les résultats.

Cela est si vrai que nombre d’utilisateurs renoncent à se frotter à cette touche revêche, finalement facile à remplacer. En effet, ajouter 30 % à 125 revient bien à taper « 1 2 5 X 1 . 3 =« , ce qui est tout-de-même plus simple, non ? Il est d’ailleurs fréquent de rencontrer des calculatrices scientifiques tout bonnement dépourvues de la touche de pourcentage.

Tout au contraire, la VATMAN érige le pourcentage en une véritable philosophie. Dans son nom déjà (VAT = TVA), dans la puissance de la touche % ensuite, dont la souplesse permet de faire face à différents aspects du calcul des pourcentages … Une touche pratique ? ou bien au contraire plus compliquée que jamais ?

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