Montre à Quartz « JAZ »

 

D’accord, ce n’est pas une calculatrice, mais cette montre Jaz a en commun avec elles d’illustrer la formidable explosion de l’électronique dans notre quotidien, à la fin des années 70. Les toutes premières montres à quartz avaient cet aspect, alors très futuriste.

En ces temps là, les montres classiques possédaient un mécanisme à ressort. On devait donc les « remonter » quotidiennement par une petite molette latérale, appelée remontoir. La précision était proportionnelle à la qualité du mécanisme en oeuvre – et donc à son prix –  sans jamais atteindre celle du quartz.

Parmi les montres classiques il en existait de prestigieuses : les automatiques, sans remontoir, des capteurs mécaniques de mouvement entretenant continûment le mécanisme. L’horloger de quartier ne vendait pas seulement les montres, il savait les ouvrir, les réparer, remplacer des organes minuscules. On le voyait souvent en blouse blanche, portant des lunettes spéciales formées de multiples loupes.

Puis on entendit parler des montres à quartz. Le quartz apportait une précision diabolique. C’était aussi le futur. Avec un écran et non plus un cadran, des chiffres qui apparaissent crûment, des boutons poussoir, parfois multiples.

A titre d’anecdote, je mentionne une série TV américaine de 1976 : « Le nouvel homme invisible ». Le héros, capable d’invisibilité à la demande, basculait en mode invisible par appui sur le bouton poussoir de sa montre : le geste typique de la montre à quartz. Je pense possible que cette série populaire ait influencé la diffusion rapide de cette technologie sur nos poignets.

J’avais 15 ans à cette époque. Je vins à remarquer au poignet de mon grand oncle une chose étrangement moderne : une montre à quartz toute neuve. « Je ne la mets que le dimanche », précisa-t-il. Vu le geste du bouton poussoir, il n’était pas possible de ne pas remarquer une telle montre.

Décidément, les montres à quartz m’intriguaient. Je me demandais d’où elles tiraient leur énergie, car aucune communication ne faisait état de piles internes. Le quartz était-il un principe éternel ?

Lors des vacances scolaires de 1977, quelques menus travaux d’été allaient bientôt me permettre d’en acquérir une à mon tour. Un ami de la famille travaillait chez un horloger commercialisant la marque Jaz.  Une marque connue, sérieuse, le futur rassurant. C’est là que je fis l’achat, accompagné de ma mère, emballée depuis le début. C’est drôle car de mémoire, l’électronique était facilement perçue en tant que gadget périssable par les adultes. Mais les montres à quartz, c’était différent, elles avaient conquis cette génération.

L’horloger, en blouse blanche, réalisa quelques réglages mystérieux avant de placer l’objet dans son écrin. Je ne me souviens pas du prix de la montre, qui ne devait pas être énorme, peut-être 300 Francs.

Ma montre Jaz indiquait l’heure par une simple pression du bouton. Deux pressions montraient la date, le mois. Une simple pression prolongée faisait défiler les secondes, ce qui me semblait inouï, j’étais très fier de cette fonctionnalité. Enfin deux pressions prolongées montraient le « Fr » de « friday », le « Su » de « sunday », etc.

Ces premières montres à quartz affichaient les informations au moyen de diodes électro-luminescentes rouges (LED). Le dispositif étant gourmand en énergie, l’écran était éteint par défaut. Il fallait appuyer sur le bouton pour afficher l’heure, qui ne restait visible que quelques secondes.

J’avais aussi ma réponse quant à la source d’énergie. Et là, cela ressemblait plutôt à une mauvaise farce : deux piles « bouton », qui ne tenaient que deux semaines, vu la voracité des diodes rouges. Le remplacement des piles coûtait 45 Francs à chaque fois, C’était tout simplement énorme.

Chez l’horloger, j’avais vu le vendeur manipuler le minuscule commutateur latéral. A l’aide d’une pointe de stylo, je parvins à faire comme lui, et à mettre instantanément une vraie pagaille dans les réglages de ma montre. Des sueurs froides, avant que je comprenne l’usage du module de réglage des heures et des dates.

Quelques mois plus tard, je vis un gars à l’école avec un type inconnu de montre. Lui aussi était fier. Les chiffres de l’écran ne s’éteignaient jamais. S’il le voulait, une pression sur un des boutons (il en avait deux) montrait un défilement sans fin des secondes. C’était une montre LCD, donc à cristaux liquides. Les chiffres n’étaient plus lumineux, et consommaient bien moins d’énergie que mes LED rouges. Le 2e bouton allumait une petite lampe interne pour visualiser les informations de nuit.

Les montres LCD furent la première mutation des montres à quartz. On assista ensuite à quelques évolutions, comme la cellule solaire pour certaines, l’affichage mixte pour d’autres : un écran LCD se partageant entre des chiffres à segments et de fausses aiguilles simulant un parcours sur un cadran. Puis de vraies aiguilles, encore couplées à un petit écran LCD.

Puis on arrive à la maturité du concept, avec un retour au cadran classique, seul le mouvement par quartz étant conservé, avec sa précision désormais indispensable, et aussi sa pile, capable de tenir un an.

La montre Jaz, mon tout premier objet électronique ne fut pas utilisée très longtemps. Le coût des piles m’encouragea à l’utiliser parcimonieusement, voire ne plus l’utiliser du tout.

Quelques années plus tard, la remplaçante de ma montre Jaz aura une philosophie bien différente : ce sera une montre-calculatrice …

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