CASIO fx-991 : naissance et évolution d’un modèle marquant

Trois stades d’évolution de la fx-991 : à gauche la toute première, l’actuelle à droite; la 991-ES de 2009 au milieu


Chez ce grand constructeur, plusieurs numéros importants ont traversé les époques et les continents.

Ce fut le cas de la fx-82 par exemple, symbole depuis la fin des années 70 d’une calculatrice scientifique simple et légère, peu onéreuse.

Il y eut aussi le numéro 180 qui incarna sous nombre d’évolutions la machine programmable de base simple et abordable.

Intéressons-nous ici au numéro 991, trois chiffres qui illustrent un concept de calculatrice scientifique puissante.

Une évolution sur quarante années

La toute première 991 nous vient de l’année 1985, peut-être un peu avant. La machine était très jolie et demeure recherchée aujourd’hui par les collectionneurs. Elle avait dix chiffres, un corps métallique et une alimentation par cellule solaire.

Outre trigonométrie et logarithmes, calculs sexagésimaux et statistiques, fonctionnalités typiques des calculatrices scientifiques de base, les attributions de la fx-991 s’étendaient à des fonctions de probabilités, de conversions de coordonnées, et surtout aux opérations dans les systèmes de numération binaire, octale et hexadécimale, fonctions prisées des informaticiens. Ajoutons un domaine resté indissociable du numéro 991 : les contantes physiques, ici intégrées au clavier. Dans l’avenir, leur nombre s’étoffera, elles seront disposées au sein d’un menu pour les modèles récents ou bien appelées par un numéro noté en rappel sur une plaquette en bristol solidaire de l’étui de protection, pour celles dont le clavier est déjà plein à craquer.

Une 991ES et son inséparable table de constantes

Les versions qui vont se succéder – j’en ai dénombré au moins 14 – ne cesseront de progresser et d’en offrir toujours plus. Sur le plan matériel, la monoligne de 10 chiffres à 7 segments d’antan est aujourd’hui une dalle de 4 lignes de 12096 pixels, étant passée au fil du temps par des afficheurs mixtes à deux lignes de points et segments. La logique de calcul algébrique initiale connaîtra aussi sa mutation vers l’écriture dite naturelle.

Que dire de l’offre de fonctions de calcul, s’amplifiant au gré des modèles, avec les statistiques à deux variables, la régression linéaire, le travail sur les nombres complexes, des conversions d’unités, les probabilités sous différents modèles de distributions, le calcul différentiel et intégral …

Une 991 restera à jamais une machine non programmable, mais qui aura poussé le calcul manuel aussi loin que possible, dans des domaines toujours plus étendus.

La ligne de l’illustre 991 de 1985 sera revisitée plus de dix fois jusqu’à aujourd’hui, comme le montre en partie l’image ci-dessous. Les modèles porteront des noms différents, au gré des contrées où elles seront diffusées – en Amérique on rencontre des 115 appelées 991 chez nous.

Dans le sillon de la scientifique 10 chiffres à cellule solaire chemineront discrètement deux lignées alternatives, les 992, identiques fonctionnellement mais offrant un afficheur à 12 chiffres, et les 570 dépourvues de panneau solaire et alimentées par pile. A titre anecdotique on remarque que les 992 présentent une fonction supplémentaire « block » permettant de scinder un affichage en mode binaire par blocs de 8 chiffres.

Trois modèles à 12 chiffres (fx-992)

Focus sur la 991CW actuelle :

En 2025, c’est à la 991CW qu’incombe l’incarnation du numéro mythique. L’offre n’ayant cessé de gonfler au fil des décennies, on pariera que la CW propose désormais toutes les fonctionnalités imaginables. Ce n’est pas si simple cependant car une bifurcation s’est produite récemment, celle de l’adaptation millimétrique aux programmes scolaires et plus encore aux conditions d’examens, non identiques selon les pays.

Avec comme conséquence des calculatrices conçues non plus comme autant de fenêtres ouvertes, pour tous, sur l’univers des nombres, mais plutôt comme des assistants de l’élève, veillant à suivre le programme pas à pas sans fioritures intemptives qui risqueraient d’égarer celui-ci sur des chemins que le professeur n’a pas l’intention de montrer, car ce n’est pas au programme ou cela ne l’est plus. Je caricature un peu sans doute.

Il est par ailleurs important de rassurer l’élève – et donc le client – sur le bon accueil en salle d’examen d’une machine nettoyée de toute fonction prohibée par le réglement.

Revers de ce tableau, un utilisateur ayant quitté les bancs de l’école appréciera moyennenent la disparition de fonctions pourtant disponibles sur des modèles précédents, et qu’il espérait retrouver pour son usage personnel. C’est dommage.

Les fonctions auxquelles je pense sont la division avec reste, les PPCM et PGCD, et la précieuse fonction « deux points » permettant de juxtaposer plusieurs propositions dans une seule entrée. Casio la connait bien et sait parfaitement en décrire l’utilité dans le manuel de la calculatrice mais il la réserve cette fois au seul contexte du tableur. Pourquoi ?

Casio est familier de la séparation des contextes de calcul. Toutes ses calculatrices graphiques présentent à l’utilisateur un large menu l’invitant à se diriger vers celui adapté à son besoin du moment. Ce cloisonnement peut parfois être vécu comme une contrainte. Ici la fonction deux points fait particulièrement ressentir l’absence de porosité des contextes.

La 991CW a la tête bien remplie malgré tout. Sur le plan fonctionnel, sans vouloir dresser une liste indigeste tant elle est longue, on peut mentionner le tableur, sept modèles de distributions, des pages de constantes et de conversions, le traitement des inégalités, et même un simulateur de lancer de dés et de pièces, et toujours les vecteurs et matrices, le solveur d’équation, etc.

La 991CW est membre d’une toute récente famille, les classwiz CW, au concept entièrement nouveau. La façade, les boutons, la manipulation ont été repensés. Les points marquants sont une touche « Format » qui permet, au coup par coup, plusieurs sorties d’affichage, sous forme de fraction par exemple, ou en base séxagésimale, voire d’appliquer à un nombre sa décomposition en produit de facteurs premiers.

Une autre touche à apprivoiser est celle de la gestion des variables. Ces dernières restent disponibles sur le clavier, mais le geste du stockage en mémoire est nouveau, consommateur de frappes, et de mon point de vue peu naturel. Contemporaine graphique de la 991CW, la Casio GraphMath+ présentera une gestion des variables similaire mais complétée d’une discrète flèche bleue qui permet une affectation directe, ce qui de mon point de vue change la vie, et manque vraiment dans la CW.

Une nouvelle comparaison avec la GraphMath+ : Si cette dernière calcule avec une excellente précision de 15 chiffres (10 montrés + 5 internes), la 991 CW en gère 23, dont seuls les 10 premiers sont affichés et 13 travaillent en sous-main. Pour trouver mieux aujourd’hui, il faut bien chercher. Cette précision redoutable, qui peut paraître surdimensionnée, est particulièrement précieuse dans les cas de calculs en boucle, où chaque résultat est repris dans la boucle suivante, ajoutant son imprécision à la précédente. Signalons que la manipulation de résultats bénéficie d’une persistance de l’intégralité des chiffres de garde, que le résultat soit affiché, ou repris par ANS ou encore mémorisé, quand d’autres machines peuvent en perdre selon ces diverses situations.

Le calcul symbolique profite bien de cette généreuse précision. Ainsi la 991CW ne se laisse pas tromper en présence d’une approximation apparante et piégeuse de PI. Ici le petit symbole π ne se susbsitue à une valeur numérique que si elle est supérieure à 3.141592653589793237839 et inférieure à 3.141592653589793239087.

Un autre point appréciable est le quadruple choix d’entrée et de sortie des valeurs. Nous pouvons demander à entrer des valeurs symboliques et lire ensuite les résultats soit symboliquement, soit numériquement. Idem pour une entrée numérique pouvant produire l’un ou l’autre affichage. Ainsi l’utilisateur ne s’intéressant qu’à des résultats numériques pourra entrer un énoncé symbolique s’il le trouve plus adapté à un calcul d’intégrale par exemple ou une sommation, plutôt que de taper en aveugle les arguments à la suite les uns des autres sans toujours être sûr d’avoir bien appliqué le bon ordre d’entrée.

Un mot sur la touche de passage en affichage avec exposant de 10, celle appelée ailleurs EE, EEX, EXP … Ici la touche est une simple élévation à la puissance 10, préenregistrée, textuelle, et non plus un « E » accolé à la mantisse. Avec du coup une sensibilité non attendue – et possiblement piégeuse – aux priorités d’opérations.

La 991 ailleurs

Evoquons pour finir l’aspect cosmopolite de la 991, qui est plus généralement celui des calculatrices modernes, s’adaptant du mieux qu’elles peuvent aux programmes scolaires et aux règlements mondiaux.

A défaut de connaître toutes les déclinaisons mondiales (connaissiez-vous la 9910NG ? ou l’ancienne ClassWiz 991AR ?) je ne citerai que le modèle diffusé aux Etats-Unis, nommé là-bas 115ES, de génération plus ancienne – ce n’est pas une ClassWiz – mais à l’allure bien complète et propre à contenter de mon point de vue un public non scolaire. On y voit même le tiret de période pour nombres décimaux (au dessus de la racine carrée), comment ne pas se sentir comblé par tant d’attentions ? … En attendant une CW américaine un jour, je ne sais pas si c’est au programme, alors à suivre…

Merci à Thomas pour l’image de la 991ES