T27 – En finir avec les mystères galactiques

[12/04/2025]

EN FINIR AVEC LES MYSTERES GALACTIQUES

Galaxie, avec majuscule ou sans, Voie lactée, nébuleuse spirale, vous n’y comprenez rien et vous aimeriez vous y retrouver ? Alors allons -y !

Avant 1920, personne ne savait qu’il existait des galaxies.

La Voie Lactée par contre, cette longue bande de faible lumière qui traverse le ciel par une belle nuit étoilée était bien connue de tous les peuples, mais on ne savait pas trop ce que c’était. Avant qu’on invente le télescope et qu’on découvre qu’elle est remplie de millions d’étoiles, les anciens ancêtres y avaient vu un chemin divin, une voie parsemée de gouttes de lait abandonnées par une déesse allaitant son enfant.

Le ciel était censé nous montrer l’univers, ses étoiles, autant de soleils lointains, et les nébuleuses visibles au télescope sous la forme de taches pâles et diffuses. La photographie à longue pose en révélait plusieurs catégories. On avait ainsi répertorié les nébuleuses planétaires, somptueuses couronnes de gaz colorées, des amas d’étoiles ouverts ou globulaires, des nébuleuses spirales, des nébuleuses diffuses, objets parfois tout juste visibles à l’œil nu comme la nébuleuse d’Andromède ou l’amas d’Hercule.

Contemplons à ce stade l’image d’accueil du logiciel géographique bien connu Google Earth. Qu’y voit-on ? La Terre au premier plan, baignée des étoiles de l’univers et même de quelques discrètes nébuleuses.

Les étoiles représentées ne sont pas un décor fantaisiste, ce sont bien les vraies étoiles, celles de notre vrai ciel, de ses constellations, pour preuve la Grande Ourse au dessin fidèle. Et à cet autre endroit la nébuleuse spirale d‘Andromède.

Un jour de 1920, voilà que l’astronome Hubble confirme un fait extraordinaire : Si les nébuleuses et étoiles du ciel visibles nous sont situées à des distances globalement comparables, celle d’Andromède, ainsi que les autres nébuleuses spirales et elles seules sont en revanche à des distances incroyablement plus grandes, elles sont largement en dehors de notre sphère étoilée, bien plus loin, ce sont donc des objets gigantesques, d’une tout autre nature.

Cette découverte nous oblige dès lors à reconsidérer l’espace de manière plus structurée. Si de tels univers au tourbillon immobile existent un peu partout, sans doute vivons-nous à l’intérieur d’un tel monde nous aussi.

Ayant observé que ces nébuleuses sont des objets à l’allure aplatie vues de côté et spiralée vues de haut (ou de bas) on en conclut que notre belle voie lactée nocturne serait donc le bord interne de notre monde, vu de l’intérieur, par la tranche, tandis que les simples étoiles de notre ciel sont celles que le regard croise dans les autres directions.

Fig 5

Pour se représenter les choses concrètement, imaginons que nous marchions en été au milieu d’une grande ville pleine de promeneurs. Au moment d’aborder la longue rue principale, celle-ci nous apparait si noire de monde qu’on n’en voit pas le bout. Arrivé au milieu de cette rue bondée, nous n’en voyons plus le début et toujours pas la fin. Pourtant sur les côtés les quelques piétons à notre gauche ou notre droite apparaissent dispersés et ne nous empêchent pas de contempler les façades des boutiques. 

Une autre image, cette fois pour nous représenter l’éloignement de la nébuleuse d’Andromède : Imaginons-nous un soir, il fait nuit mais les lumières de la ville brillent encore de mille feux. De notre balcon nous reconnaissons les lampadaires dessinant les rues proches. Plus les sources de lumières sont distantes, plus il nous est difficile d’en deviner l’éloignement. Quant à celles des quartiers périphériques, ce sont de fins points innombrables qui semblent tous sur le même plan. Dans cet horizon, perdu dans le halo, un point lumineux nous semble plus flou et légèrement plus étalé que les autres, sans doute un square aux réverbères rapprochés.

S’il nous était possible de nous élever dans les airs nous verrions alors que ce point est en fait une autre ville illuminée, tout entière, située à des dizaines de kilomètres et remplie elle aussi de ses propres points lumineux, indiscernables individuellement.

Appelés un temps des univers-îles, le nom commun de galaxie sera donné à ces immenses concentrations étoilées, un clin d’œil qui rappelle le lait dans sa racine grecque « gala ». Ce nom commun fut habillé en nom propre pour notre Galaxie bien à nous et elle seule. Ainsi le vocabulaire évolua, les galaxies cessèrent de se nommer « nébuleuses » et la notre prit une majuscule mais continua à porter en parallèle le nom de « Voie lactée ». Ce nom désigne aujourd’hui autant la belle traînée poétique dans le ciel que notre Galaxie tout entière. Deux noms, l’un pour l’émerveillement du ciel étoilé, l’autre pour l’entendement.

Si l’on regarde maintenant l’image de Google Earth on comprend que toutes les étoiles visibles dans le champ appartiennent certes à l’univers, mais plus prosaïquement ont en commun de toutes appartenir à notre Galaxie à l’intérieur de laquelle nous sommes plongés, tandis que le point étalé correspond à la galaxie d’Andromède, pourtant apparemment sur un même plan, mais incommensurablement plus loin et des milliards de fois plus grosse qu’une simple étoile.

D’ailleurs si notre Galaxie venait à disparaître d’un claquement de doigts, la belle galaxie d’Andromède représentée ci-dessus (figure 5) se détacherait sur un fond noir, sans que son image soit « polluée » de toutes parts par nos étoiles en tout premier plan ! Ne resterait que la lointaine lentille spiralée géante dont les milliards de points étoilés demeureraient indiscernables individuellement – outre le fait que nous ne serions plus là pour les admirer dans cette hypothèse cataclysmique.

Si l’on pouvait sortir de notre Galaxie et aller vers Andromède dans un vaisseau du futur, on s’apercevrait vite que toutes les étoiles de notre ciel ainsi que nos constellations familières, Orion, Cassiopée … sont maintenant derrière nous, et que le vide commence jusqu’à la prochaine galaxie rencontrée. Si des personnages nous observent de là-bas, ils voient des étoiles dans leur ciel – les leurs – et au travers ils aperçoivent la Galaxie au loin,  celle avec une majuscule, la notre, qu’ils n’ont du coup aucune raison d’appeler la Voie Lactée puisqu’ils en ont une à eux.