T07 – Oui aux objets enfin plus intelligents


[04/04/2024]

Oui à une intelligence artificielle de tous les jours

Décidément il semble que l’homme éprouve une difficulté de dimension mystique avec les robots. Créer un robot lui semble un ultime défi, à sa mesure, créer lui-même un autre lui-même, se prendre pour Dieu si proche.

Depuis que la technique le permet on voit à la télévision des pantins en plastique dur blanc, sur deux jambes articulées, de taille vaguement humaine réussir à grimper des marches d’escalier, faire quelques pas de danse, clignant ostensiblement de grands yeux en plastique.

D’autres ayant pris visage humain veulent nous bluffer par leur aisance à soutenir des conversations à bâtons rompus de haute volée, rythmant le propos de mimiques faciales du plus bel effet. Le fait que la conversation prenne vite une tournure hilarante n’est pas un problème, il reste du travail à faire, mais on s’approche de la création suprême, la vie artificielle ou peut-être réelle allez savoir.

L’intelligence artificielle est proche cousine du robot. Là aussi visons le divin, créons des cerveaux qui apprennent à apprendre, à devenir des champions du monde d’échecs, des compositeurs de symphonies à mille voix, autant de tissus neuronaux qui nous font frémir, sans doute puissants au point de submerger un jour leurs créateurs à qui il manquait si peu pour être Dieu.

Mais stop ! Je n’ai pas besoin d’un robot en plastique en tablier de cuisinière qui fait cuire un œuf sur le plat en improvisant un poème épique en mandarin.

En revanche quand j’envoie mon colis par la Poste et que l’hôtesse me dirige vers l’automate, je serais bien preneur d’une interface enfin intelligente qui m’assiste et me rende ce moment moins pénible.

L’automate va me faire défiler une série de questions selon un cadre rigide, un ordre inexorable, rejetant parfois ma saisie directe en lui substituant une liste déroulante dont le résultat sera pourtant le même. Je devrai appuyer sur des boutons virtuels mal embouchés, confirmer ceci, refuser cela, lire et comprendre des mentions écrites en petit, appuyer sur oui ou sur non, annuler, revenir, et ne jamais traîner car les délais de réponse sont chronométrés et vous laissent en plan si vous avez trop longtemps réfléchi ou hésité.

Derrière moi, des usagers nerveux observent et trépignent.

Ce mode d’interaction avec les automates, pas seulement ceux de la Poste (SNCF, RATP, cinéma de quartier …) me fait penser à la ligne de commande rigide à la virgule près des premiers ordinateurs familiaux, comme le bien connu MS-DOS.

Rappelons-nous que les grands constructeurs de logiciels et de systèmes d’exploitation avaient un jour créé l’interface graphique. Pour supprimer un document, plus besoin d’écrire à la main del c:\progr002\utils\inst.bmp. L’écran montrait maintenant une corbeille miniature vers laquelle il suffisait de déplacer la petite image marquée du nom du document à l’aide d’une sympathique souris blottie au creux de la main.

Si la raréfaction des assistants humains devient inéluctable, au moins je voudrais un environnement intelligent capable de m’écouter, me comprendre et me parler, reformuler, gentiment, glanant les informations indispensables par de simples échanges verbaux, sans m’imposer un ordre, une séquence, une syntaxe, une formulation informatique. Il n’est pas nécessaire qu’un pantin blanc articulé joue ce rôle, un simple écran figurant un visage aux lèvres mobiles serait parfait (on sait faire, les audioprothésistes utilisent de tels écrans pour mesurer le lien entre compréhension auditive et lecture du visage).

Il ne s’agit pas ici d’implémenter une intelligence capable d’échanger avec brio sur n’importe quel sujet de classe universitaire. Il ne s’agit que de maîtriser une problématique restreinte à l’envoi de colis postaux ou l’achat de billets de trains.

Quand ma Maman sera capable d’utiliser un tel automate, sans angoisse, sans transpirer, sans redouter la pression des usagers qui s’entassent, on aura bien progressé, on sera passé de la ligne de commande à l’interface intelligente. On en a grand besoin, dans toutes sortes de domaines !

Concernant la mauvaise humeur des usagers qui trouvent le temps long dans une file, en cas de guichet humain c’est l’employé qui en assume la responsabilité car la gestion de l’opération lui incombe et il est réputé compétent.

Mais lorsque l’usager est abandonné à l’automate, obligé de faire le travail avec les outils qu’on lui laisse, c’est vers lui seul que se focalisent les griefs de la foule, tous s’imaginant qu’ils auraient fait bien mieux et plus vite que la personne empotée devant eux dont ils voient et jugent chaque action. La différence c’est qu’eux ne subissent pas de pression perturbatrice. Leur tour arrive.