T26 – Renoncer enfin à la chair du homard

[23/03/2025]

Ne plus manger de viande, en tous cas celle du homard !

D’aucuns nous diront que tuer un animal pour consommer sa viande c’est mal. Je prétends pour ma part que lorsque l’animal est un homard, attenter à ses jours pour croquer sa chair est bien plus que mal, il s’agit dans ce cas précis d’un meurtre aggravé, un attentat sacrilège contre la vie.

Et pour cause, Dame Nature a doté ce paisible pinceur d’une grâce toute particulière : la vie éternelle. Les scientifiques l’ont un jour découvert, les cellules de son corps se renouvellent avec une perfection qui aurait de quoi nous rendre jaloux. Alors que pour nous autres, tant humains que bœufs ou volatiles, le processus de régénération des cellules est imparfait, et nous conduit à toujours plus de vieillesse, avec une mort inévitable au bout de l’aventure, le homard ne mourra jamais de vieillesse. La sénilité est pour lui chose inconnue. Centenaire, il se montrera aussi alerte et fringant qu’un jeune de cinq printemps, sans la moindre ride ou arthrose des pincettes.

Le homard pourrait tutoyer les dieux s’il n’avait un ennemi, son pur cauchemar, le prédateur. Quoi de plus décevant et injuste pour une créature promise à l’éternité que de se faire croquer aux tout premiers jours de ce bel élan par un gourmand sans scrupule qui anéantit la radieuse destinée.

C’est pour cette raison qu’au restaurant, quand le Maître d’hôtel me convoque à l’aquarium où s’ébrouent ces insouciants demi-dieux et me prie de désigner la plus appétissante victime promise à la plongée dans l’eau bouillante, je renonce une fois de plus à commettre un tel drame biologique et me rabats sur la salade de concombres.

De plus cet animal marin étant préservé d’une noyade rapide, il lui resterait à rôtir vivant jusqu’à passage de vie à trépas. Faites comme moi, lorsque vous vous sentez tenté par ce mets d’exception, soyez magnanime, laissez sa chance à cet animal chéri des dieux qui ne vous a jamais fait mal, permettez lui de goûter à l’éternité quelques heures de plus.