T13 – Définissons le temps-lumière
[11/08/2024]
Éclairage sur la l’année-Lumière
On recourt à la notion de temps-lumière lorsque les unités de longueur usuelles peinent à traduire les distances les plus grandes. Le temps-lumière s’applique tout naturellement aux distances astronomiques.
Il est classique d’énoncer que la Terre est éloignée de la Lune d’environ 400.000 kilomètres. Mais comment se représenter mentalement un nombre aussi grand ? Cette distance, pourtant la plus petite qui soit à l’échelle astronomique, est déjà hors de portée de notre sens commun.
Chacun sait en effet ce que représentent cinq kilomètres, c’est grosso modo la distance qu’on parcourt à pied en une heure. Il en va autrement quand on dénombre les kilomètres en milliers ou centaines de milliers. Pour la distance Terre-Soleil, c’est en centaines de millions qu’on les comptera. La Terre est pourtant proche du Soleil, comparée aux lointaines Neptune ou Pluton.
Et au-delà des planètes, il y a les étoiles, les galaxies. Se sentira-t-on pleinement renseigné quand on aura lu l’étoile Proxima est éloignée de nous de 37.843 milliards de kilomètres ? On doit manifestement recourir à une unité plus concrète, plus évocatrice, place à l’année-lumière !
Le principe du temps-lumière est d’exprimer une distance en fonction du temps que met la lumière à la parcourir, un peu comme on parlerait de jours de cheval, ou d’heures de TGV. Dire qu’une destination est à 4 heures de TGV permet en effet de s’en représenter l’éloignement, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une unité métrique.
La lumière voyage beaucoup plus vite que le TGV. Elle parcourt en une seule seconde une distance de l’ordre de 300.000 km, soit l’équivalent de 7 fois et demie le tour de la Terre, ce qui en fait la référence idéale pour arpenter le système solaire, et même plus !
On peut le remarquer, 300.000 km c’est à peu près la distance de la Terre à la Lune. On pourrait donc tout aussi bien dire que la Lune se trouve à une seconde-lumière de la Terre. Ce serait plus parlant, surtout rapproché des 8 minutes-lumière qui la séparent du Soleil, ou des 5 heures-lumière qui nous séparent de Pluton. Une seconde pour l’une, cinq heures pour l’autre ce n’est pas du tout la même chose.
Adieu le minuscule kilomètre et ses ribambelles de zéros, bienvenue à cette nouvelle unité enfin palpable.
Sortons du système solaire. L’étoile la plus proche de nous est à 4 années-lumière (on écrit aussi AL). Ainsi, embarqués dans un vaisseau filant aussi vite qu’un rayon de lumière, nous arriverions à destination en quatre ans, et serions de retour au terme d’un périple de huit années de voyage.
Sirius, l’étoile la plus brillante de notre ciel est à 10 AL. La plupart de ses consœurs visibles à l’œil nu sont éloignées de dizaines, centaines ou parfois milliers d’AL pour les plus grosses. Quant aux dimensions de notre galaxie, son diamètre est estimé à 150.000 AL.
Tiens, on commence à retrouver nos ribambelles de zéros. La galaxie d’Andromède, notre proche voisine, est à 2.200.000 AL. Nous voilà de nouveau confrontés à des chiffres qui nous dépassent. Le temps-lumière n’est pas la solution universelle.
Nous pouvons malgré tout tenter de comprendre ce qui a pu le rendre si commode à utiliser dans les exemples précédents. Livrons-nous pour cela à un petit jeu : cherchons dans notre environnement quotidien quelle pourrait être l’unité de temps concrète la plus minuscule qui soit. La nanoseconde ? Bien trop rapide pour nous autres humains. Je propose le dixième de seconde. Cela passe très vite mais quand un chronomètre l’affiche, l’œil discerne tout juste ce laps de temps, proche de ce qu’on appelle communément « instant », unité abstraite si présente dans notre vocabulaire. À l’autre bout de l’échelle, quelle unité retenir pour la durée familière la plus longue ? Pourquoi pas 30 ans, ou 50 ?
Entre l’instant et le demi-siècle, nous disposons d’une immense étendue de durées, toutes concrètes car issues de notre vie : la seconde, l’année, la semaine, la saison, la génération. Voilà pourquoi, quand on transpose les zéros métriques en temps, la représentation devient plus concrète.
Pour aller encore plus loin, on peut se demander s’il n’aurait pas été possible de se livrer au même jeu avec les unités de longueur : Ainsi, pour la plus petite unité, il serait possible de retenir l’épaisseur de la page d’un livre, à peine visible, mais constituant rapidement un livre de bonne épaisseur.
Notre unité la plus grande serait la trentaine de kilomètres, distance que chacun a parcourue un jour à pied. Ou alors le millier de kilomètres, parcouru en voiture sur la route des vacances. Ce trajet estival est concret, parsemé de paysages interminables qui se succèdent du matin au soir. Le millier de kilomètres peut à la limite être retenu comme valeur plafond. Entre ces deux valeurs, là aussi, une belle étendue de quantités familières.
Si l’on voulait exprimer les distances au moyen de ces unités spatiales ré étalonnées, on pourrait énoncer que la distance de la Terre à la Lune n’est plus de 400.000 km mais d’une « page ». À cette échelle, qui revient à diviser le kilomètre par 4000 milliards, Pluton serait à 1 mètre, tandis que la Terre serait à 4 cm du Soleil. L’étoile Sirius serait quant à elle encore très loin, à 24 km.
Nous venons de trouver une nouvelle façon d’arpenter l’univers. C’est plus intuitif que le méga-kilomètre. Mais on n’est pas quitte pour autant, car à cette échelle la galaxie d’Andromède est encore à 5.200.000 km, et c’est notre proche voisine à l’échelle galactique !