T09 – OVNIS
[17/06/2024]
Ovnis
Les ovnis et leurs mystères m’ont beaucoup intrigué dans mes jeunes années 70. Des films comme « le jour où la Terre s’arrêtera » ou la série « les Envahisseurs » me fascinaient littéralement.
Parfois le journal télévisé osait rapporter une mystérieuse observation dans le ciel. Il y eut aussi les livres de Jean-Claude BOURRET, journaliste connu et sérieux. Des pages qui faisaient entrer le sujet dans la sphère officielle et rigoureuse des gendarmes, collecteurs d’un volume énorme de témoignages, révélant ceux de pilotes chevronnés, civils comme militaires.
Le monde était alors partagé entre les purs incrédules sourire en coin, et les témoins jurant parfois avoir vu des extraterrestres à quelques mètres de la soucoupe posée dans le pré. Les fréquents débats télévisés incluaient des sommités de l’astronomie parfaitement conformistes dénonçant à cor et à cri l’absence de preuves matérielles, et des personnalités du paranormal maintenues dans des positions d’illuminés.
J’avais à cette époque comme beaucoup d’adolescents la passion de l’astronomie et j’avoue que l’incursion impromptue d’un tel phénomène dans le ciel aurait été l’expérience de ma vie. Mais je n’ai jamais vu d’ovni, ni à cette époque ni plus tard. Mon sommeil d’enfant était souvent le siège de rêves ou plutôt de cauchemars me faisant assister au passage d’incroyables vaisseaux traversant lentement le ciel. Autant une telle pensée était excitante à l’état d’éveil, autant en rêve elle était terrifiante.
Un jour, une émission télévisée a donné la parole à un « ufologue », responsable d’une association d’étude du phénomène ovni. Ce personnage, sérieux et posé, accréditait de toute évidence par sa seule présence l’authenticité du phénomène. Il avait sans doute eu dans les mains un grand nombre de témoignages solides qui l’avaient confirmé dans cette voie. Que pouvaient bien contenir les dossiers décisifs auxquels il avait eu accès ?
Puis je me suis petit à petit détourné des choses du ciel, la vie m’appelant à d’autres tâches plus terre à terre.
Un grand nombre d’années plus tard, repensant à l’époque où l’on parlait ovnis sans complexes, l’idée me vint d’interroger internet et ses forums pour voir où en était le sujet et surtout en savoir un peu plus sur les ufologues. Je me suis inscrit sur un forum que j’ai fréquenté quelques mois.
J’ai pu lire les contributions de personnages passionnés au-delà des soucoupes par toutes les formes et hypothèses du phénomène ovni. Certains membres étaient d’anonymes érudits de la paléontologie, de l’anthropologie, d’autres de sciences physiques et beaucoup d’échanges étaient enrichissants. Il en ressortait que beaucoup avaient été témoin un jour de quelque chose d’aérien qu’ils n’avaient pu identifier et qui les avait marqués.
Parfois un témoin de passage s’inscrivait juste pour rapporter une observation récente et les spécialistes, de photo notamment, procédaient à l’analyse des données d’où il ne sortait jamais rien de définitif, la qualité du témoin, de ses moyens, de ses connaissances étant trop imprécises.
J’ai cessé de fréquenter le forum après avoir assisté plusieurs semaines durant à un emballement sur ce fameux astéroïde à la trajectoire étonnante dont tous les médias avaient parlé et qui aurait été selon les spécialistes « d’origine extraterrestre ». Il fallait alors comprendre que ce caillou géant baptisé Oumuamua, dont on nous rapportait opportunément que sa forme allongée était « mystérieuse », avait selon toute probabilité vécu dans son passé lointain une collision qui l’avait affranchi de l’attraction de son étoile et que depuis il errait, faisant une incursion dans le système solaire avant de repartir, là où l’enverraient les seuls principes de l’inertie et de la gravité.
La presse généraliste est en matière de choses du ciel tout à la fois d’une grande ignorance et d’une fausse rigueur, voulant à tout prix glisser du frisson dans des propos se voulant scientifiques mais aux mots choisis. Alors qu’aucune image autre que des illustrations d’artistes ne circulait et que les données recueillies étaient très pauvres, j’ai témoigné mon désaccord à entrevoir a priori de possibles « mains intelligentes » ayant envoyé ce corps, aux fins d’exploration du système solaire sans doute, de la Terre tout au moins, enfin juste l’homme tant qu’on y est, en pointant le traitement sensationnaliste des médias. La réaction forte de plusieurs membres et non des moindres m’a semblé révéler un parti-pris sous-jacent qui ne pouvait selon moi faire progresser les choses.
Ainsi j’ai souvent rencontré dans les discussions des thèmes portant sur les centrales nucléaires, sujet qui n’est pas nouveau, cibles de survols jugés mystérieux. Et toujours une suspicion envers les gouvernements mondiaux qui savent et cachent bien sûr des dossiers secrets. Et des témoignages de poids valant quasiment preuve, dès lors qu’ils proviennent de pilotes chevronnés ou de gradés militaires. Et aussi en filigrane, la prophétie du savant russe Tsiolkovski, portant sur le berceau terrestre que devra raisonnablement quitter l’homme un jour pour accomplir sa destinée stellaire. Ou encore le paradoxe de Fermi cité couramment, argument d’autorité lui aussi dans bien des esprits.
Et un autre thème, inattendu, omniprésent, un antagonisme sévère envers une population désignée comme des sceptiques actifs, s’exprimant sur leurs propres forums et s’employant à affaiblir méthodiquement toute idée favorable à l’existence d’un phénomène ovni. Les uns respiraient la zététique, les autres la vomissaient. Enfin si certains membres disposaient de matériel de détection systématique du ciel, rien de décisif ne semblait en être jamais sorti.
Au temps où j’observais le ciel en tant que passionné d’astronomie, jamais je n’ai pu voir de mes yeux la planète Mercure. J’ai pu observer Vénus et ses phases, Mars petite ou grande selon sa position orbitale, Jupiter et ses satellites, Saturne et son anneau, mais jamais Mercure, si près du Soleil. Un jour pourtant, j’y ai mis tous les moyens. Je la savais située à un point qui la rendait particulièrement observable, le temps était clair, sans nuages. J’ai guetté avec des jumelles lumineuses, sachant où porter les yeux et pourtant Mercure s’est une ultime fois dérobée.
Il se trouve que la planète Mercure est pourtant connue depuis l’antiquité. Elle n’a pas échappé aux yeux de nos ancêtres, dépourvus de toute aide optique. Les anciens astronomes ont su décrire avec toute la précision qu’ils pouvaient les planètes, les comètes, les étoiles mais n’ont pas relaté d’observations telles qu’en rapportent les témoins d’ovnis. La raison de ce vide me semble poser question.
A ce stade, je propose de développer pêle-mêle certains des éléments que j’ai mentionnés ainsi que d’autres connexes, et d’en donner mon interprétation, celle d’une personne simple se questionnant et se répondant avec le seul bon sens, l’expérience de ses lectures, ses quelques réflexions et sa subjectivité, sans interdit ni dogme.
Concernant les témoignages de pilotes chevronnés, Autant le témoignage du citoyen lambda peu rompu à l’observation du ciel est considéré comme fragile par les spécialistes des ovnis, autant celui des pilotes professionnels se voit facilement accepté tel quel, avec respect et gratitude. Certes le pilote connaît le ciel et ses nuages et il a de bons yeux, s’il voit un phénomène qu’il n’identifie pas, alors il décrira un ovni et son témoignage sera alors incontesté en tous points.
Je ne suis pas complètement d’accord avec ce traitement. Le témoignage du pilote face à l’incompréhensible reste aussi fragile que tout autre car au-delà de sa pratique du ciel, l’humain fondamental qu’il est voit avec le couple « oeil-cerveau ». Or si le cerveau ne parvient pas à identifier, les yeux travailleront avec une subjectivité comparable à celle de toute personne qui ne regarde jamais le ciel, découvre une nuit, fortuitement et sans comprendre, la brillante Jupiter qu’il n’avait jamais vue, que son imagination emballée par l’émotion va habiller de bonne foi de subtils mouvements et de comportements jugés étranges.
Le paradoxe de fermi, qui s’étonne que dans l’hypothèse où des civilisations extraterrestres se rencontreraient partout, on ne voie malgré tout personne venir à notre rencontre.
Mon idée sur cette question serait de dissocier le principe du vivant y compris complexe et une supposée capacité de locomotion interplanétaire.
La Terre connaît la vie depuis plusieurs milliards d’années, soit une durée très longue, longévité ayant requis sans doute des épisodes d’une rare stabilité.
Une vie qui s’est complexifiée et diversifiée au point qu’un jour, après beaucoup de temps, la possession d’un langage structuré riche, ainsi qu’une mémoire collective n’oubliant aucune découverte des grands hommes du passé, il nous ait été possible d’aller jusque sur la Lune (ou plus modestement de transporter dans la combinaison d’une dizaine d’individus une portion du crucial écosystème terrestre afin de s’éloigner quelques jours de la Terre d’une distance d’une seconde-lumière, et dans un but premier peu avouable de remporter une compétition contre un groupe humain concurrent (soviétique en l’occurrence).
S’il faut des milliards d’années à des processus vitaux aux propriétés évolutives pour rencontrer cette possibilité étonnante, cela signifie en même temps que l’évolution continue aura adapté le sujet toujours plus étroitement à un biotope précis, et qu’il sera alors toujours plus difficile, inconfortable, insupportable de l’en arracher.
Autant la locomotion terrestre a un sens bien connu de toutes les espèces animales, autant la locomotion extra-terrestre, hors d’un habitat écologique précis, a beaucoup moins de sens. Cela ressemble au saut magnifique du poisson rouge, confiant en l’existence d’autres mondes au-delà des fines parois de son aquarium, frappé d’une agonie immédiate sitôt tombé au sol de tout son poids, sans espoir de retour, privé d’oxygène et de toute mobilité. Le fait constaté par le physicien Fermi que bien peu de visiteurs de l’espace nous rendent visite ne signifie pas que des processus biologiques complexes n’existent pas ailleurs.
Constantin Tsiolkovski. Souvent décrit comme le père de l’astronautique moderne, ce scientifique russe a un jour déclamé une phrase célèbre : « La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne peut pas passer sa vie dans un berceau« . L’homme visait-il la prophétie ou bien la poésie tant la phrase est belle ? Beaucoup y ont vu la traduction écrite de ce que tout le monde pense au fond de lui : l’homme a un destin différent de l’animal, celui d’étendre un jour sa suprématie au-delà de la Terre.
Ce qui suggère pour les uns une destinée rayonnante de dimension stellaire tandis que d’autres n’y voient que, et c’est déjà pas mal, la migration de l’humanité vers une autre planète, quand les vils animaux suffoqueront sur une Terre invivable, empoisonnée, grillée de chaleur ou gelée de froid, dégoulinante de pollution, vidée de ses ressources.
Quand on évoque cette merveilleuse citation, on se croit obligé d’établir un parallèle avec le caractère explorateur infatigable de l’homme, qui ne pourra c’est évident se contenter de la Terre pour toujours, il est d’ailleurs déjà allé sur la Lune.
Étant pour ma part réfractaire à cette prophétie que je trouve particulièrement prétentieuse, je réponds toujours à qui la prononce devant moi que la ville d’Arcachon est elle-même considérée comme le berceau des huîtres, et que celles-ci semblent s’y épanouir sans ressentir le besoin d’une migration en Île de France. Je profite toujours de l’occasion pour questionner mon interlocuteur sur ses propres penchants d’explorateur, lui rappelant que lui et moi vivons au milieu de quantité de gens qui n’ont jamais exploré de terres nouvelles et n’en souffrent guère, que les animaux ont tous de leur côté étendu leur territoire chaque fois qu’ils le pouvaient, que le mot « explorer » possède enfin un sens exclusivement terrestre.
Pour illustrer ce dernier point imaginons en effet un navire d’explorateur abordant une terre inconnue. Une fois accosté l’explorateur pourra constater – sans doute n’y prêtera-t-il guère attention tant il trouve cela normal – que la température, l’air, la pression, la gravité, la nourriture, le cycle des jours et des nuits y sont les mêmes qu’en tous points de la Terre.
Scénario différent pour l’humain de l’espace posant le pied sur le rivage d’une mer de méthane, où règne une température inférieure à 200 degrés, écrasé par son poids de 500 kg ainsi qu’une pression de 400 atmosphères terrestres, où l’eau est glace plus dure que la pierre, la nourriture locale inenvisageable, un ciel couleur de soufre et une atmosphère à l’odeur infecte et dénuée du moindre atome d’oxygène, des paysages de carte postale propres à susciter une violente nostalgie d’une certaine planète bleue.
Pourquoi parler d’huîtres ? Parce que je soupçonne M. TSIOLKOVSKI de taquiner le lecteur quand il mêle dans une même phrase deux sens différents d’un même mot. Le bébé ne quitte pas son berceau par grandeur d’âme mais parce qu’il est soumis à un processus de croissance qui rend son petit lit inconfortable en quelques mois. Il en va de même pour les oisillons. Le berceau qui nous a vu naître, que ce soit une cité, une région, une planète est autre chose qu’un petit lit de bois. Si l’abandon rapide du petit lit est inéluctable, la région qui m’a vu naître ne me dicte nullement de m’en échapper, elle est assez grande et généreuse pour moi et ceux qui y vivent. Au nom de quoi m’y accomplir serait-il le signe d’un inachèvement indigne ?
Qu’est-ce qu’un ovni ? Dans l’absolu la question n’aurait pas de sens car l’objet non identifié qu’il est n’en est plus un dès qu’on sait ce que c’est. L’ovni peut se définir au moins comme un phénomène aérien dont la nature échappe au témoin, par son aspect, son comportement, l’état de peur, au mieux d’excitation que sa vision va durablement provoquer en lui.
Bien souvent, un témoin va qualifier d’ovni ce qu’il n’aura pas été en capacité d’identifier, en raison de sa faible expérience du ciel nocturne par exemple. C’est souvent le cas pour des planètes brillantes comme Venus ou Jupiter que d’autres témoins plus aguerris auront reconnues par habitude.
Il arrive cependant qu’un témoin, ou un groupe de témoins rapportent des comportements qui ne sont tout bonnement pas compatibles avec nos lois terrestres comme l’accélération, le brusque changement de direction. Ces cas ne sont pas seulement non identifiés, ils sont non identifiables, du moins en l’état actuel de nos connaissances. Ces témoignages existent et posent indiscutablement question.
Une tendance forte et toujours actuelle est d’assimiler volontiers un ovni, donc au sens large un phénomène aérien non identifié, à une preuve de vie extraterrestre, en l’occurrence un vaisseau venant d’une planète, contenant des occupants pourvus d’une intelligence supérieure, venant visiter la Terre et en particulier l’homme doté d’une intelligence telle qu’elle vaut vraiment le coup de venir de loin pour l’admirer ou l’étudier.
Ou peut-être le contrôler quand il joue avec le danger, ce qui nous ramène aux centrales nucléaires par exemple. On peut noter que depuis qu’on soupçonne celles-ci d’inquiéter le monde des étoiles et de susciter des visites, rien ne s’est produit pour nous ramener dans le droit chemin. A moins que des courriers classés secret débordent des armoires des gouvernements mondiaux, tous à l’unisson pour une fois, ça fait plaisir à voir.
On imagine volontiers ces visiteurs comme des humanoïdes bipèdes. On entend parfois des propos convaincus qu’une grande intelligence va inévitablement de pair avec cette architecture. Ces créatures auraient de grands yeux, une grosse tête pour renfermer tant d’intelligence. Il est amusant de constater que les témoins d’extraterrestres déambulant librement ou capturés (Roswell), les décrivent non seulement bipèdes et humanoïdes, mais pourvu de jambes s’articulant de la même façon que pour nous autres plantigrades, que leur visage horrible possède cependant un triangle nasal, un menton, une petite bouche fine et non la large gueule de nos animaux, deux yeux au regard parallèle comme nous et au contraire de nombreux oiseaux ou mammifères. En fait ce sont des humains, ni plus ni moins, juste avec un accent d’une autre planète.
J’observe que les hommes et les pingouins semblent les seules créatures bipèdes verticales sur Terre. Il convient donc d’ajouter dans cette rare posture tous les extraterrestres de toutes les galaxies, ceux qu’on aperçoit comme ceux qu’on imagine, qu’on dessine. Tous dotés d’un visage monstrueux, de mains à deux ou cinquante doigts mais bipèdes, debout, de taille vaguement humaine 1m30 à 2m50, sur deux jambes, proportionnées et articulées telles celles de l’homme, dotés d’un triangle nasal au sein d’une face plate sans museau, d’un menton, d’une fine bouche. La place de représentations aussi aveuglément anthropomorphes ne peut être selon moi que la poubelle.
Regardons la vie dans sa diversité terrestre autour de nous : les jeunes enfants font des câlins aux chiens, qui sont pourtant physiquement différents de nous au point qu’ils devraient nous donner des cauchemars. Qui aurait su dessiner un poisson, un oiseau, un chien s’il n’en avait jamais vu ? Nous ne savons pas dessiner une créature inconnue autrement que sous une forme vaguement humaine, mais toujours effrayante. Une exception notable avec le petit personnage de cinéma E.T. l’extra-terrestre, certes disgracieux mais appelant les tendres câlins d’enfants. Mais lui aussi vertical, décidément.
A ceux que j’entends se demander si nous sommes seuls dans l’univers, je leur réponds toujours avec malice : « oui nous sommes seuls, absolument seuls dans l’univers, il n’y en a pas d’autres, nous sommes les seuls êtres humains, les autres ne le sont pas« .
Changer de planète le moment venu : Voilà un lieu commun auquel chacun ne demande qu’à croire.
Contrairement aux animaux et autres géraniums qui ne survivront pas à l’agonie de la Terre, l’homme a la capacité et même le destin – ou du moins c’est juste une affaire de quelques années, pas de soucis – d’embarquer le moment venu vers une planète d’accueil où tout repartira de zéro. Quelle chance on a d’être un humain.
Il reste à trouver la planète jumelle de la Terre, il en existe tellement qu’on n’aura que l’embarras du choix. Un chantier magnifique et qui présente si peu de difficultés …
Repérons d’abord notre planète jumelle. Comment fait-on ? C’est simple, il suffit d’aller tout droit dans n’importe quelle direction et on ne manquera pas d’en trouver une, car statistiquement il y en a des milliards de milliards.
Sauf que les exoplanètes qu’on étudie depuis peu nous suggèrent déjà de grossières différences. En fait, nous autres créatures façonnées par la Terre depuis si longtemps, nous sommes extrêmement attachés à la moindre de ses caractéristiques. Nous trouvons inconfortable une température s’écartant de 10 malheureux degrés de ce qui est attendu. Nous avons des palpitations à 4000m d’altitude, une hauteur indécelable visuellement à l’échelle d’une Terre qui en mesure 12.000.000, une magnétosphère plus ténue et ce sont des radiations mortelles reçues. Quant au poids des individus variant selon la masse de la planète hôte, la coquetterie risque de rendre ce point crucial.
Osons une comparaison hardie : On pourrait tenter de comparer ce qu’on attend d’une planète jumelle avec notre perception des visages humains. Nous avons tous deux yeux un nez une bouche, mais sur ce modèle il existe sur Terre une dizaine de milliards de visages, tous uniques. Pourtant nous détectons immédiatement un visage connu ou inconnu, nous reconnaissons un visage hostile, un visage ami, nous décodons sur l’instant des signaux visuels subtils reflétant la pensée de l’autre, ses intentions. Nous sommes bien plus complexes à définir que deux yeux, un nez, une bouche. La Terre est bien autre chose qu’une simple grosse boule imbibée d’eau.
Y en a-t-il tant que cela, des planètes aussi jumelles que voulues ? Les planètes sont des grappes de quelques grains autour des étoiles. Or il n’y a pas tant d’étoiles que cela, du moins près de nous. La plus proche est à 4 années-lumière, ensuite jusqu’à 10 ou 15 années-lumière on en compte une cinquantaine ou guère plus, c’est peu.
On entend d’ailleurs parfois une curieuse théorie : se contenter dans un premier temps d’une planète proche et se consacrer à sa « terraformation », c’est-à-dire travailler avec pelles et pioches vers l’adaptation de ses caractéristiques, de son atmosphère, pour un lieu pleinement accueillant pour les humains, la transformer en Terre rien de moins. Cela parait juste dommage de dépenser autant d’huile de coude pour un tel chantier à 10 années-lumière quand on pourrait le faire sur place pour restaurer notre Terre de ses quelques maux, qui se renouvelleront à l’identique sur la merveilleuse nouvelle planète lointaine remise à neuf.
Pour envisager de telles migrations, la moindre des choses serait déjà de voyager aussi vite qu’un rayon de lumière. Atteindre la vitesse de la lumière nous est cependant, autant que nous le sachions, impossible en raison notamment de la masse dont nous sommes pourvus, qui exigerait la mobilisation d’une quantité infinie d’énergie. Il faut se contenter de moins, et donc nous traîner à la vitesse d’une trottinette de l’espace.
Sans compter que pour voyager vite, il faudrait d’abord accélérer jusqu’à la vitesse de croisière, soit passer de 0 km/s à 300.000 km/s. Et notre petite nature humaine de chair et de sang n’aime pas du tout cela. Si l’on a tous pu constater que se déplacer en TGV à 300 km/h ne nous incommode point, en revanche l’accélération nous tue (la vraie, pas celle du TGV, d’une grande douceur). L’accélération maximale que l’on supporte sans ressentir de gêne est celle équivalant à la pesanteur terrestre que les spécialistes nomment g. Une accélération de 2 ou 3 g est supportable quelques instants mais, comme à la foire foraine, on est content quand cela s’arrête. Les astronautes sont entraînés à en supporter davantage, mais pour une durée aussi courte que possible. Bref, pour atteindre une vitesse élevée, comme celle de la lumière si tant est que cela soit un jour possible, il faudrait prendre notre temps, patienter une bonne année en accélérant continûment à 1 g. Cette fragilité de notre chair à l’accélération, à laquelle s’ajoutent une vitesse de déplacement limitée et une espérance de vie individuelle de 80 années ne laissent pas présager le survol d’un choix immense de planètes.
Une bonne idée (parions qu’elle germerait dans la tête de certains décideurs) ne serait-elle pas de retenir une planète imparfaite quoique non mortelle, pas trop compliquée à atteindre, qu’on réserverait au très grand nombre de candidats disons de 2e classe, non fortunés, et en chercher plus soigneusement une belle autre où l’on serait plus léger sur la balance pour les personnes dotées d’un portefeuille plus adapté à la situation.
Soyons réalistes. Même en nous congelant pour supporter toutes ces années de voyage, même en faisant se succéder quantité de générations dans l’astronef, on n’irait pas loin. Je crains que dans le domaine accessible au simple mortel fragile et éphémère que nous sommes, même doté du destin de premier ordre que l’on sait, bien peu de planètes conviendraient sinon aucune.
Pour mieux se représenter le problème d’échelle des distances et des vitesses, imaginons que nous habitions une ville particulièrement huppée, dans un pays très riche, où un simple repas au restaurant coûte 5000 €, qu’un loyer d’appartement se chiffre en dizaines de milliers d’euros mensuels, qu’une voiture de tous les jours en coûte 25 millions, et que notre pauvre salaire mensuel ne soit que de 500 euros. On se rendrait vite compte que nos revenus sont incompatibles avec le train de vie en vigueur, qu’il existe un problème d’échelle entre monnaie des ressources et monnaie des besoins, l’unité de compte n’est pas la même.
Pour l’espace, c’est pareil. La vitesse, celle de la lumière, n’a pas les moyens d’arpenter l’univers. Les distances entre les corps cosmiques sont si colossales qu’elles ne semblent pas faites pour être parcourues, du moins en des laps de temps aussi microscopiques que les durées humaines. Considérons la galaxie d’Andromède notre plus proche voisine, qu’on peut d’ailleurs déceler à l’œil nu. Il a fallu 2 millions d’années pour que sa lumière atteigne nos yeux. Quant aux dimensions de notre propre Galaxie bien de chez nous, celle-ci est large de 150.000 années-lumière. Une traversée d’agrément qui n’est pas vraiment à la portée d’une trottinette de l’espace.
Un escargot doté d’une espérance de vie de papillon se lancerait-il dans la traversée de l’Afrique ?
Et si des solutions scientifiques existaient malgré tout, restant à découvrir, tirées de la Relativité Générale, de la physique quantique ou bien de la théorie des cordes pour vaincre une fois pour toutes les contraintes de cet espace-temps ? Il faudrait y ajouter, pour éviter des milliers de déconvenues, un bon détecteur de planètes jumelles de la Terre, celles qui recopient au millimètre ses caractéristiques fondamentales qui nous sont si chères : température, pression, gravité, composition atmosphérique, bouclier magnétique, rythme des jours, de l’année, cycle de saisons, nourriture abondante et goûteuse, odeurs de printemps agréables, paysages d’automne admirables, ciel bleu aux nuages tranquillement poussés par le vent, une belle lune pour le romantisme, une terre fertile, avec en option une population locale amicale et zéro microbe dangereux … Une définition plus complète que le seul terme journalistique « habitable » entendu chaque fois qu’une planète lointaine où il est supposé y couler de l’eau est détectée. La présence d’eau fraîche est une donnée intéressante mais même en y ajoutant l’amour, cela reste une carte d’identité bien succincte pour encourager un exode interplanétaire. Idéalement la planète jumelle devra nous faire oublier la Terre et ne pas nourrir la belle légende nostalgique de la planète bleue de nos ancêtres, celle qui n’avait pas trois soleils et huit lunes dans le ciel.
Même si toutes ces avancées scientifiques trouvaient le débouché souhaité, encore faudrait-il trouver le temps de les étudier, de les théoriser, les modéliser, les comprendre, les digérer. Un gros et surtout long investissement de recherche scientifique et astronautique.
Seulement voilà, nous aimons la Science, mais avons tendance à apprécier davantage encore son sous-produit qu’est la technologie. La Science est lente, réclame des budgets chiches qui ne tombent pas du ciel, raisonne en long terme, apportant savoir et sagesse, tandis que la technologie produit plein de choses sympa, des appareils, des bidules, de la musique, des films, des téléphones, des choses propices aux affaires florissantes, aux marges substantielles, aux marchés juteux, toujours à court terme de façon à enchaîner les nouveautés à bonne cadence.
Et aussi toute la pollution induite, qu’on ne veut pas voir, dans le ciel toujours plus de satellites dont on a tout le temps de se questionner sur la façon de les décrocher le jour où ils ne serviront plus et continueront d’obscurcir les cieux de la nuit et du jour.
Ce temps lointain de la propreté n’est pas encore venu, consommons, buvons, dansons. Ne nous trompons pas de destin, nous n’avons pas celui de nettoyer mais de trouver d’autres coins bien propres à salir plus loin. Parions que la science, sage et lente mais aussi source de courses mercantiles rapides et sales, aura détruit la Terre, du moins notre écosystème avant d’avoir trouvé comment la remplacer.
Notre planète de rechange n’existe pas. Elle serait hors de portée, du moins pour notre espèce de l’ère holocène. Il faut renoncer à ce plan B providentiel qui détourne notre attention ailleurs, plus tard. Notre planète où il fera bon vivre, pour nous autres humains de chair et de sang, ça ne peut être que notre Terre.
D’ailleurs pourquoi diable accepte-t-on de regarder nos dégradations s’y dérouler sans trop bouger, sans avoir le cœur gros ni ressentir la culpabilité de briser le sol terrestre sous nos pieds ingrats ?
Je ne fréquente guère les églises. Je crois pourtant savoir que les religions ont su désigner les cieux et leurs paradis comme de véritables demeures à la mesure de l’homme, le moment venu. Mais laquelle a pensé à présenter la Terre comme un lieu sacré elle aussi ? La religion chrétienne en fait un simple purgatoire, un lieu de souffrance de tous les jours, où la sueur et les pleurs nous purifieront pour un futur joyeux. Il est vrai que la religion chrétienne fut fondée en des temps où la Terre était souvent vue comme un univers gigantesque, non fini, sans forme, on ne lui prêtait pas encore un statut de bulle de vie minuscule, à l’équilibre précieux et fragile.

Comment ressentir l’amour d’une Terre mère alors qu’on ne nous a jamais appris à la voir autrement que vulgaire, inconfortable et punitive ?
Aujourd’hui, nous avons à l’esprit l’écologie, le geste bon pour la planète. Il ne devrait pas s’agir de simples gestes pour soigner, panser une plaie, ni même la sauvegarde intéressée d’un environnement dont nous réalisons que nous en avons besoin. Il devrait s’agir de gestes d’amour, pour une planète unique, notre minuscule bulle de vie, celle qui nous a façonnés depuis 2 milliards d’années, avec qui nous faisons corps, celle dont la chaleur de son Soleil, le bleu du ciel, les couleurs des fleurs, le parfum de la vie s’éveillant le matin sous la rosée font battre notre cœur et celui de toutes les créatures terrestres. Ne nous trompons pas, le Paradis c’est bien cette planète où il pleut de l’eau. Au dehors de cette minuscule bulle de vie bleue perdue dans l’immensité de l’univers glacé, tout est poison brutal et agonie immédiate. La Terre est un bien sacré, bien plus que le ciel, elle n’a jamais cessé d’être notre passé et notre seul avenir, notre tout. Il faut enfin réaliser qu’on l’aime et en prendre soin au-delà du misérable statut que les grimoires des prêtres lui assignent. Non, la Terre n’est pas un lieu temporaire qu’on jette après usage tel un mouchoir en papier. Elle n’est pas un réservoir d’ordures, de bouteilles en plastique, de molécules qu’elle ne produit pas naturellement et qui l’asphyxient. L’homo bellicus detritus ne porte pas dans son génome le principe d’une mue périodique le menant par sauts de puces de planète en planète, toujours plus vierge, accueillante, laissant sans remords la précédente dévastée et ses dernières créatures desséchées. Les religions se trompent, le savant Tsiolkovski est bon conteur mais vain prophète.
Dans chaque maison se trouve une bibliothèque, parfois juste un petit meuble, une simple étagère avec quelques livres ou davantage, auxquels on est attaché. Parions qu’on y trouve souvent un livre d’astronomie.
Ouvrons ce livre sur une page au hasard, nous en verrons une consacrée au soleil, une autre sur les comètes, les nébuleuses, les constellations, la Lune … Il y en a même une sur la Terre. On y apprend tout sur le cycle des saisons, l’inclinaison de l’axe de rotation, sa distance au Soleil, mais rarement un mot sur la vie qu’elle abrite, sur les processus biologiques dont elle est le théâtre. Cela ne semble pas être le but d’un manuel d’astronomie. Ainsi, depuis notre enfance nous voyons ces images dans lesquelles le vivant est omis, et facilement nié ou tempéré dans la bouche même des astronomes. On nous dit qu’il est peu probable qu’on en trouve ici, impossible qu’il se déroule là. Très vite des questions plus insistantes feront surgir le thème des petits hommes verts qui déclencheront sourires voire hilarité. Comment croire en l’existence même de l’homme, de la vie sur Terre tant ce phénomène est décrit comme improbable et risible. On ne nous a jamais appris à imaginer la vie ailleurs. A tel point que les questions qu’on ose se poser aujourd’hui sont maladroites, axées sur notre modèle, ce questionnement n’a pas d’histoire.
Jusqu’à présent, quand on tournait un petit télescope vers un astre, on reconnaissait la page de notre livre. Aujourd’hui, on envoie dans l’espace des instruments aux yeux perçants dotés de multiples talents, capables de détection à un niveau de détail encore jamais vu. Nos yeux voient désormais au-delà de ce qu’aucun livre d’astronomie n’a eu l’ambition de montrer. Pourquoi dans ces conditions ne pas s’attendre à voir des choses nouvelles, étonnantes, que nous n’avons pas été préparés à voir. Cela se produit parfois, et si d’aventure un lien est suggéré avec un possible phénomène vivant local, la réaction sera toujours et encore hostile, la suggestion d’emblée écartée car jugée puérile, on argumentera que les petits hommes verts sont l’explication la moins probable. C’est sans doute vrai, mais cette vision montrant un univers fait de feu et de pierres parait maintenant dogmatique, anachronique, il manque quelque chose. D’ailleurs nous existons, aussi improbables que nous soyons.
Viennent-ils nous visiter ? Longtemps le mot ovni a évoqué pour beaucoup les soucoupes volantes. Celles-ci venant de l’espace et pilotées par des visiteurs intéressés par quelque chose, peut-être nous autres les hommes, qui maîtrisons les technologies, qui allons dans l’espace, détenons le moyen de tous nous détruire avec les bombes nucléaires ou la saleté chimique, bref une espèce sans doute bien intéressante ou inquiétante. Mais c’est peut-être tout autre chose qui les attire.
Le mot ovni – objet volant non identifié – se veut neutre et désigne sans préjuger d’un quelconque scénario sous-jacent toute observation céleste n’ayant pu trouver d’explication, quelle qu’en puisse être la nature. Mais la soucoupe n’est jamais loin dans les esprits. Sinon pourquoi continuerait-on de parler d’« objet » ? et pourquoi prétendre qu’il « vole » ? Les nuages sont un phénomène aérien, ils ne volent pas et ne sont pas des objets. Les anglo-saxons se sont montrés tout aussi tendancieux avec leurs unidentified flying objects … Et reconnaissons que le mot « ovni » évoque la forme ovoïde, l’œuf, le vivant … Comment pourrait-il être neutre ?
Aujourd’hui on pense avoir trouvé la meilleure formule, on dit phénomènes aériens non identifiés, voilà pour la neutralité. Mais peut-être n’en pense-t-on pas moins …
Pourquoi après-tout la piste du visiteur curieux serait-elle à écarter d’un revers de main ? Certes, venir admirer les performances d’humains allant dans l’espace (enfin juste sur la Lune, enfin juste une fois, enfin jusque une dizaine d’hommes surentraînés et hyper courageux) quand on maîtrise le voyage intersidéral en vaisseaux aux performances inouïes, cela n’est pas crédible. Seraient-ils plutôt des surveillants de l’espace, alertés par une technologie hautement destructrice tombée entre les mains d’une espèce primitive et bagarreuse ? Vu que depuis le temps ces bons vigiles n’ont pas décidé d’intervenir, même en période de crises majeures (Tchernobyl, Fukushima), c’est que la raison de leur visite doit être encore ailleurs. En quoi notre planète Terre pourrait-elle bien constituer une curiosité ? Mais la vie bien sûr ! Mais cela voudrait donc dire que décidément seules la Terre et une poignée d’autres élues dans l’univers seraient concernées par les activités biologiques ?
Le terme de vie est vague. Jusqu’au début du XXe siècle, on en ignorait tout. Bien sûr on savait comment faire des enfants, mais ce qui pouvait bien se passer au lendemain de la conception restait du domaine du « mystère de la vie ». Certains savants ayant constaté que leur fils leur ressemblait soutenaient la théorie qu’au cours de la grossesse la femme héberge et développe l’embryon que seul l’homme fournit. Ses collègues tout autant perspicaces ayant remarqué le contraire, à savoir que certains enfants ont les traits de leur mère penchaient pour une future mère détenant en elle l’embryon minuscule, tandis que le rôle de l’homme ne serait que de déclencher les choses …
Ce qui revenait de toutes façons à penser que dans l’un et l’autre cas, l’embryon contiendrait en lui-même en plus petit encore ses futurs embryons, eux-mêmes contenant les leurs et ainsi de suite. Ce paradoxe infini était résolu par la foi en un mystère de la vie, insondable, impénétrable, divin en somme. Et puis on a progressé. On a compris, on avait tout faux. Il n’y a pas de paradoxe. Le mécanisme reste extrêmement complexe, il faut des ordinateurs pour le représenter, les nombres en jeu sont colossaux, les rubans de macro-molécules d’une longueur insolente mais d’une certaine façon point de mystère dans le mécanisme, on est capable de le comprendre, donc bien indigne d’un dieu tout puissant. La femme et l’homme apportent chacun la moitié non pas de la cellule mais du code de fabrication de la cellule de base. Pourquoi n’y a-t-on pas pensé avant ?
La femme a en plus le rôle d’héberger, de développer le bébé en elle, de le préserver d’une mort impitoyable une fois le cordon ombilical coupé en lui apportant de son sein la seule nourriture qu’il peut absorber, et de tant d’autres choses. Son mari ne s’en tire pas trop mal finalement. Voilà pour les processus biologiques, qui existent probablement ailleurs, à la faveur de conditions propices encore mal connues. Seulement voilà, la vie ailleurs se développe-t-elle sur le modèle terrestre ? Assiste-t-on partout à l’apparition d’organismes multicellulaires, à reproduction sexuée, renouvelant leurs cellules continûment jusqu’à la vieillesse puis une mort inexorable ? Existe-t-il une variabilité des espèces, une évolution, un instinct de conservation qui va pousser les individus à maintenir leurs métabolismes coûte que coûte, s’échiner à courir après la nourriture, à gonfler sans cesse ses poumons d’air plutôt que s’abandonner à un confortable arrêt des processus vitaux.
Il est possible de regarder la Terre comme une planète stable. On prête à la Lune un rôle dans cette stabilité. Ainsi la vie de type terrestre est peut-être une manifestation fort rare, ayant eu la chance d’ajouter à une succession d’heureux hasards, celle de disposer d’un temps colossal pour pousser très loin cette chimie évolutive et volontaire, là où le vivant reste primitif et éphémère ailleurs. Voilà qui pourrait expliquer ces processions venues d’ailleurs, fort timides malgré tout.
Mais qui sont ces voyageurs en soucoupe ? Et s’il s’agissait de sous-dieux ? Un jour je me suis risqué à articuler ce terme de mon invention, et mon interlocuteur m’a immédiatement coupé : « alors toi tu es partisan de la théorie des anciens astronautes » … Je lui ai répondu ne pas connaître cette théorie, mais ne jamais censurer mon imagination.
En effet, si le savoir est enseigné à l’école par des professeurs diplômés de matières nourries de travaux d’infatigables chercheurs, la foi est laissée au domaine de l’appréciation de chacun. Ainsi pouvons-nous être croyant, souvent d’un seul dieu créateur de tout et omniscient, ou bien être non-croyant et disciple de la Science seule qui explique presque tout et finira d’expliquer le reste bientôt. Entre les options tout Dieu et zéro Dieu, point de nuances. Ainsi le Dieu-le-Père qu’on nous présente n’a pas de subalternes chargés de créations de moindre importance, et de l’écoute de prières simples et redondantes. Il y a bien les mystérieux anges mais leur statut est différent car Dieu est de toute façon unique, c’est le principe.
Alors moi je tente la question, pourquoi pas des sous-dieux de tous grades ? J’en donne la définition rapide : ils seraient plus forts, plus intelligents, plus anciens que nous autres par exemple, mais à la différence de Dieu tout puissant, la compréhension de certaines de leurs œuvres resterait à la portée de certains humains de haut vol, en particulier lorsqu’ils s’aident d’outils comme les ordinateurs.
Ainsi la biologie terrestre pourrait avoir été créée par un type particulier de sous-dieu très calé en chimie, c’est pour cela que nous serions capables d’en comprendre le principe moléculaire et de nous dire parfois que si nous avions un cerveau plus vaste, nous nous serions pris de la même façon.
Pourquoi introduire une notion de sous-dieu ? Parce que nous autres humains en sommes bel et bien un exemple ! Nous voilà en capacité, enfin c’est tout comme, de nous rendre sur Mars et d’y planter des organismes terrestres génétiquement modifiés par nous-mêmes, avant de repartir comme si de rien n’était. On sait faire. Et un jour, dans un million d’années, les créatures implantées dans le sol martien auraient peut-être évolué, certaines seraient capables de penser. Et alors bien sûr, toujours les mêmes questions : que faisons-nous sur cette planète, qui nous y a créés ? Un Dieu unique et omnipotent serait invoqué. Pourtant, en l’occurrence ce sont juste des hommes qui se sont amusés à cela. Ils ont fait comme Dieu mais n’en sont pas. Disons qu’ils sont des sous-dieux, capables de performances hors de portée de ces radis martiens. Il se peut que parmi leurs meilleurs penseurs, certains disent : Si c’étaient des sous-dieux, voilà longtemps qu’ils seraient venus nous rendre visite … Eh bien non, on a mieux à faire, d’ailleurs l’espèce humaine s’est peut-être éteinte dans l’intervalle. Quoi qu’il en soit nos mutants martiens ne nous intéressent plus. Il leur reste à se poser sans fin de belles questions existentielles.
Y a-t-il de la vie ailleurs ? Pour le savoir, les savants ont mis au point une machine extraordinaire, un télescope spécialisé envoyé sur orbite, capable de détecter les planètes habitables. On ne sait pas vraiment si elles sont habitées, mais c’est déjà une avancée. Après tout si la vie existe ailleurs, ce sera sur une planète habitable, donc bornons-nous pour l’instant à chercher les bonnes planètes.
Un enfant de dix ans s’offusquerait. Il dirait « mais qu’est-ce qui empêche d’imaginer des formes de vies différentes, sur des planètes très différentes de la Terre ? »
Les enfants dans leur innocence ignorent que les recherches ne peuvent être menées que grâce à des budgets, alloués par des décideurs qu’on aura réussi à convaincre en leur promettant de chercher ce qu’on connaît le mieux, c’est-à-dire nous-mêmes, pour un taux de succès plus prometteur que si on cherche par ci par là en espérant trébucher sur la découverte ultime.
Nous cherchons donc des planètes qui tournent autour de leur étoile, comme la Terre, dans une zone où l’eau, si importante pour nous, est liquide. Trop près de l’étoile, l’eau ne serait que vapeur, trop loin, elle serait glaçon.
Rechercher ces conditions clémentes est un bon signe, on pense enfin possible de trouver la vie ailleurs, l’esprit s’est ouvert à ce genre de choses. Mais les enfants n’ont pas tort, le critère est mesquin. Comment s’y prend d’ailleurs la machine pour trouver ces planètes, est-elle munie d’yeux grossissants, goûte-t-elle l’eau à distance pour apprécier sa tiédeur ? Non, c’est beaucoup plus empirique. Partant du principe qu’une planète masquera une partie, même toute petite de l’étoile lorsqu’elle passera devant, il suffit de guetter une baisse de luminosité ponctuelle et régulière. Bien sûr ça ne marche que pour les planètes qui passent entre nous et l’étoile, les autres ne seraient pas détectable de cette façon. Le détecteur de planète possède un algorithme très pointu qui va, en fonction de l’assombrissement, de sa durée, d’autres paramètres compliqués, déduire à quelle distance elle évolue de son étoile, de la chaleur qu’elle reçoit et donc si l’eau coule ou gèle. Enfin on ne sait pas non plus s’il y a réellement de l’eau mais la planète retenue sera déclarée située en « zone habitable ».
Ce qui est tout de même remarquable dans cette quête du vivant, c’est que mine de rien elle connaît actuellement deux approches complètement différentes, l’une active, l’autre passive. La première, que je viens d’évoquer se déroule loin de nous et a en tête une vie de type terrestre, l’autre serait tout près de nous et personne n’y avait encore pensé, à l’intérieur du système solaire mais cette fois pas sur Terre.
Faisons une expérience, dans la rue demandons à des passants de nous réciter dans l’ordre les planètes du système solaire. Parions que ces personnes se prêteront de bon cœur à ce petit jeu et sauront donner les noms, parfois dans l’ordre et sans en oublier aucune. Bien sûr il y a le cas Pluton dont tout le monde a bien retenu qu’elle ne doit plus être considérée comme une planète.
Le mot planète est si beau et si associé à la vie, réelle, imaginée, recherchée qu’on oublie facilement qu’il y a d’autres choses dans le système solaire. Et d’abord qu’est-ce qu’une planète ? Pour des passants normalement informés des choses du ciel, une planète tourne autour du Soleil et s’appelle Mercure, Venus, Mars, Terre, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Pluton, ah non pas Pluton. Un peu simple comme définition. Mais j’ai pourtant l’impression qu’il n’y en a pas d’autre, au point que les spécialistes ont dû en concocter récemment une spécifique d’où est opportunément exclue Pluton, la planète naine. Et Jupiter, la planète géante, on l’exclut aussi du coup ? Non là c’est bon on la garde.
Le terme planète a été créé par les grecs de l’antiquité et signifiait « astre errant ». Nos ancêtres, infatigables observateurs du ciel avaient en effet remarqué que parmi les « vraies étoiles », fins points de lumière conservant inexorablement leurs écartements mutuels, certaines faisaient un peu n’importe quoi et semblaient suivre une route en toute autonomie et même parfois disons-le en toute fantaisie. Ces drôles d’étoiles étaient qualifiées d’« astres errants » faute de mieux.
Aujourd’hui, plus de raisons en principe de continuer à les nommer ainsi, ces astres n’errent point, ils décrivent des orbites elliptiques de longueurs différentes autour du Soleil, soumis sans aucune fantaisie à la loi de Newton. La Terre, notre point d’observation est elle-même embarquée dans cette ronde. Les « vraies étoiles » sont quant à elles beaucoup plus loin et dotées pour le coup d’un mouvement propre indécelable, à notre échelle de temps, bien qu’assujetties aux mêmes lois. Voilà qui explique le désordre causé dans notre ciel par ces astres errants.
La Terre n’est pas seule, la Lune l’accompagne. Ce système binaire n’est pas une exception. Si on ne connaît pas de « lunes » à Mercure et Venus, en revanche Mars en a deux : Phobos et Deimos, Jupiter en a une vingtaine et même plus, Saturne tout autant, Uranus et Neptune ne sont pas en reste et même Pluton, celle qu’on ne doit plus nommer, en possède une. Citons quelques noms de lunes : Titan, Europe, Ganymède, Ariel, Miranda, Triton …
Il est à parier qu’aucun de nos passants n’aura pensé à comptabiliser quelques lunes, dont la nôtre, dans son énumération. Les lunes de planètes semblent avoir beaucoup de mal à exister aux yeux du public. On leur réserve un statut à part. Combien de fois ai-je entendu les adultes me répondre, « non la Lune n’est pas une planète, c’est un satellite ». Ou bien « c’est un astre ». Or si l’on exclut les nuages et les pigeons, tout ce qui est dans le ciel est un astre, donc la définition est faible. Et tout ce qui se trouve dans le système solaire est soumis à la même loi de Newton et se trouve donc satellite de quelque chose. Une planète serait dans ce cas définie par son seul parcours direct autour du soleil quand les lunes tournent autour d’une planète qui tourne autour du soleil. Voilà une distinction qui parait bien dérisoire au regard d’une loi de gravitation commune. Pour discriminer les lunes, il serait plus judicieux de considérer leur histoire, et ainsi constater, peut-être, un âge significativement différent par exemple. Mais visiblement les astronomes ne s’appuient pas sur cette donnée qu’ils ne possèdent pas toujours précisément.
Les lunes sont pourtant – exceptées les plus minuscules – rondes, de taille parfois comparable à Mercure. On trouve dans certaines de l’eau, des atmosphères, des paysages. Alors pourquoi tant d’ostracisme ? Les planètes historiques seraient-elles un groupe tellement plus homogène ? On ne peut pas vraiment le dire. Entre Mercure, très chaude, minuscule, rocheuse et Jupiter, bulle de gaz géante siège permanent d’ouragans d’ammoniaque, on n’a pas l’impression d’avoir affaire à des jumelles. Saturne flotterait sur l’eau. Neptune est si loin qu’un froid éternel y règne … Quelle famille. Quitte à opter pour un regard neuf concernant les planètes naines, les astronomes auraient bien pu y englober aussi les fameux « astres errants » et conclure que la notion de planète ne possède aujourd’hui plus guère de sens scientifique sérieux.
Quand s’est posée la question de savoir si la vie existait ailleurs, c’est vers les planètes qu’on s’est tourné en premier et elles seules. Les astronomes raisonnaient comme les passants dans la rue. Mercure ne pouvait abriter de vie, il y fait trop chaud. Venus non plus, outre son insupportable chaleur de surface, l’atmosphère de CO2 est 100 fois plus lourde que l’air terrestre. Mars, on l’a observée à l’aide de puissants télescopes et de robots et on reste bredouille à ce jour. Jupiter et ses poisons déchaînés sûrement pas, Saturne idem, s’enfonçant par ailleurs dans le froid loin d’un soleil devenant tout petit dans le ciel. Uranus et Neptune, si froides elles aussi, et Pluton, un désert glacé absolu.
Le passage en revue des planètes était vite fait et la conclusion était qu’il n’y a pas de vie, hormis sur Terre, dans le système solaire.
Mais parallèlement à une démarche délibérée de recherche de zones habitables parmi les exoplanètes, la vie vient d’elle-même s’inviter de l’intérieur du système solaire, les esprits des chercheurs étant prêts désormais à envisager les choses autrement, en regardant maintenant du côté des lunes.
Non pas qu’on y ait déjà trouvé la vie, mais on regarde désormais attentivement certains phénomènes récemment découverts et révélant la présence d’eau et … de chaleur, même dans la lointaine lune de Saturne Encelade et ses intrigants geysers. Pour receler de la chaleur, point d’obligation de se trouver dans une zone habitable finalement. Les effets gravitationnels exercés par les planètes géantes sur la structure de leurs lunes sont capables de générer cette donnée précieuse. Dans cet esprit l’Amérique et l’Europe (Agence spatiale européenne et Nasa) se préparent à aller visiter bientôt la lune de Jupiter nommée Europe, non sans mille précautions pour ne pas polluer dramatiquement toute vie qui s’y épanouirait à notre insu.
Au loin une vie telle qu’on l’a imaginée, un rien anthropomorphe, et une autre piste tellement près de nous qu’on ne la voyait pas, celle de phénomènes biologiques tels qu’on n’a pas idée, c’est ça qui est nouveau. Plus qu’à observer, les yeux grands ouverts.
Des voyageurs de l’espace : Ayons une pensée pour les tout premiers habitants de l’île de Pâques. Voilà une île toute petite perdue au milieu de l’océan Pacifique. Les peuples qui y vivent en ces temps reculés n’ont alors jamais vu d’autres terres, d’autres hommes. Aussi loin que ces bons marins aient navigué ils n’ont jamais vu autre chose que de l’eau. Leur univers est le sol sous leurs pieds, autour est l’infinité du ciel et de l’eau. Parfois ils imaginent que loin, très loin se trouvent d’autres îles, et d’autres peuples. Des légendes anciennes rapportent les faits de visiteurs étranges au grand savoir, venus les voir au temps des lointains ancêtres dans leur énorme embarcation poussée par le vent. Quelle est la part de vérité dans ces légendes, nul ne le sait.
Voilà pourtant qu’un jour un autochtone, grand rêveur portant ses yeux toujours au loin, croit apercevoir une forme lointaine à l’horizon. Le cœur battant d’émotion, il la décrit, c’est une embarcation qui glisse lentement sur la surface, on y voit une sorte de voile très haute. Le villageois n’en croit pas ses yeux, il ne sait s’il doit être heureux ou inquiet de cette apparition. Faut-il se cacher et observer de loin, alerter les autres ? L’observateur ne peut pour l’instant détacher les yeux de cette forme mystérieuse, qui avance tout doucement et semble se rapprocher. Il se décide à aller vers ses congénères, ne pouvant rester seul avec cette découverte extraordinaire, il court, crie, appelle les villageois à regarder l’horizon.
« Tiens voilà Paquito, mais qu’a-t-il encore vu ? Mais nous ne voyons rien à l’horizon Paquito ! »
Paquito a encore le temps de voir le vaisseau tout au loin, mais il s’éloigne, il suit une route qui ne mène pas vers l’île. Le voilà bientôt devenu invisible. Personne d’autre n’a vu, personne n’a l’habitude d’écarquiller les yeux vers l’horizon, personne ne croit Paquito qu’on connaît bien, c’est un rêveur qui espère toujours découvrir des choses merveilleuses.
Paquito sait ce qu’il a vu, d’autres hommes existent. Peut-être ont-ils peur d’aborder la petite île, peut-être se contentent-ils d’admirer de loin et avec grand intérêt ce peuple passé maître dans le travail de la pierre et la navigation.
S’il était donné à Paquito de pouvoir s’élever dans les airs, il verrait sous ses pieds s’éloigner son île qui deviendrait un simple point, il verrait d’autres terres, des îles mais aussi des continents immenses, tous remplis d’hommes et de femmes en nombre qu’il n’aurait jamais pu imaginer. Il verrait le sillon d’innombrables bateaux qui traversent mers et océans en tous sens, passant parfois au large de son île sans s’y arrêter jugeant ces terres perdues sans intérêt et peuplées d’hommes sauvages et dangereux.
S’il nous était donné de nous élever plus haut encore que Paquito, peut-être assisterions-nous à un grouillement d’activités complexes et vivantes tout autour de nous, non décelées ni imaginées par nos anciens astronomes ni rapportées dans les livres. Nous réaliserions que notre condition de vivant primitif, absorbé par son principal impératif de survie n’est qu’une partie anecdotique de toute cette chimie universelle.
On a découvert la vie sur une autre planète ! Enfin pas encore mais imaginons le retentissement d’une telle nouvelle.
En 1976, année du lancement des sondes Voyager, On n’avait pas encore observé d’exoplanète. On trouvait grandement probable que des systèmes planétaires existent un peu partout, mais on en était réduit aux conjectures car rien n’avait été observé. Aujourd’hui on sait qu’on avait raison mais on est dans la même position inconfortable au sujet de la vie. Il nous semble improbable que la Terre soit un rarissime laboratoire de biologie, mais le fait est qu’on n’a rien observé ailleurs, car quoi qu’il en soit, on ne le peut pas encore.
Parions qu’un jour proche, nos instruments de plus en plus puissants seront déposés de plus en plus loin et qu’enfin on pourra proclamer qu’une vie exogène vient d’être découverte. D’accord, il s’agira peut-être juste d’un simple organisme unicellulaire au génome dérisoire mais il répondra à notre définition du vivant et la nouvelle sera assurément sensationnelle. Peut-être entendra-t-on crier, klaxonner dans les rues qu’on n’est plus seuls dans l’univers, mais parions que l’échantillon maigrichon sera surtout vu comme un encouragement à chercher encore.
C’est alors qu’un peu plus loin nos détecteurs moléculaires révèleront une créature cette fois époustouflante, un ver multicellulaire qu’on verra gigoter presque à l’œil nu. Là encore on sera partagé entre l’idée d’arrêter les recherches maintenant qu’on a trouvé la vie, ou bien de continuer à rechercher un spécimen un peu plus sérieux. Le matériel progressant, c’est maintenant une sorte de petite souris qui vient d’être découverte à 172 années-lumière, avec douze pattes, des moustaches, de l’appétit, des émotions, quelle nouvelle, l’homme n’est plus seul ! Si l’on pouvait malgré tout trouver un organisme vivant encore plus prometteur, ce n’en serait que mieux, alors cherchons encore un peu notre vrai compagnon de l’espace.
Mais que cherchons nous en fait ?
Enfin l’effort se voit récompensé, la vie existe bien partout ailleurs, puisque maintenant la créature dénichée sur la planète Zorg est un quadrupède à cornes, gourmand en herbe qu’il croque du matin au soir en émettant des beuglements peu mélodieux, qui semblent aller de pair avec une certaine stupidité.
Doit-on se satisfaire de ces timides représentants du vivant qu’on récolte depuis 10 ans ? Allez cherchons encore un peu, des fois qu’on trouve une vie intelligente, comme nous, enfin nous ne serions plus seuls. D’ailleurs, cette fois il semble que nous soyons comblés. Sur une belle planète dont le ciel regorge de vaisseaux hyperluminiques filant à une année-lumière par seconde, nous observons de loin des géants de 6 mètres de diamètre constitués d’une très grosse tête remplie d’intelligence et marchant sans pieds, par la seule force de la pensée. Voilà une découverte dont on ne sait pas trop quoi faire et qui malmène notre amour-propre. On a peut-être un peu trop cherché, on sait maintenant que la vie est partout et qu’elle est même parfois mieux que nous, on ne s’y attendait pas, pas à ce point.
Regardons quand même encore un peu ici et là, et voilà bientôt la preuve que nous ne sommes pas seuls dans l’univers. Sur une planète lointaine, nous voyons une créature unique, mais elle n’est pas mal du tout. Une station verticale, bipède, des vêtements de belle coupe, un visage plutôt plat, un nez qui dépasse au milieu, deux yeux sous le front, une petite bouche fine pour manger et s’exprimer dans un français soutenu. Nous ne sommes plus seuls dans l’univers, ne cherchons plus, c’est bien ce que nous voulions, nous ne sommes pas les seuls êtres humains dans l’univers !
Devons-nous former des explorateurs de l’univers ?
Serait-ce la fécondité robuste de la prophétie de Tsiolwovski qui incite toujours et encore à entraîner de jeunes et talentueux astronautes, courant après le merveilleux destin d’être allés dans l’espace tels les élus d’une civilisation élue ? On ne peut qu’être admiratif devant leur courage face aux risques encourus, notamment de nausées permanentes, de respiration d’air vicié intra capsulaire, de promiscuité sans fin, de phobies d’enfermement. Il existe des contreparties heureuses à cette situation, comme celle de regarder un stylo flotter en apesanteur.
Commençons par dissiper le malentendu d’un espace qui n’en est pas vraiment un. Voir un stylo flotter ne signifie pas qu’on soit parti dans les profondeurs de l’espace. Dans le cas des stations spatiales permanentes, on se trouve en orbite à 400 kilomètres d’altitude, une distance extrêmement proche de la Terre. Considérons un globe terrestre ou une mappemonde. La France qui mesure 1000 km sur 1000 km y apparaît déjà minuscule. Que dire de 400 kilomètres ? Comme la station spatiale est en orbite stable, tout son contenu hommes compris file à grande vitesse, tandis que le sol de la station se dérobe sans fin sous leurs pieds, sans jamais leur permettre de rencontrer le sol. Le stylo flotte non pas en raison de son incursion dans l’espace infini mais en raison de la grande vitesse avec laquelle il se déplace autour de la Terre, vitesse qui crée une force s’opposant à son poids. On est très loin de l’idée d’un espace si éloigné que l’attraction terrestre ne se ferait plus sentir, laissant flotter des hommes et leurs objets privés de leur poids.
Ceci étant précisé, pourquoi vouloir s’entraîner et embarquer dans un vaisseau alors que des sondes automatiques sont capables de se débrouiller sans nous. Outre le voyage qui promet d’être peu agréable, les planètes et corps qui pourraient nous intéresser auront toutes les chances d’être un cocktail de poisons violents, de paysages lugubres et glacés.
Il y a un intérêt évident à se passer des hommes, qui sont des véritables freins à l’exploration spatiale, en raison de leur fragilité corporelle, et de la nécessité de leur assurer un niveau de confort et de sécurité sans concession. Sans l’homme à bord il est possible d’imaginer par exemple des grappes de petites sondes de la taille et du coût d’un smartphone, pour un départ sans délai et sans souci des quelques pertes au gré des rencontres avec quelque grincheuse météorite. Avec un équipage humain tout devient plus difficile, lent, cher. L’ego humain rassuré sur son tempérament de conquérant de l’espace a un prix élevé.
Avez-vous vu Predator ? Je ne parle pas du film, excellent au demeurant, mais de son héros, une créature extraterrestre monstrueuse et bestiale, ayant le goût de dépecer les humains pour faire de leurs crânes de splendides trophées dégoulinants.
La créature est plus avancée que l’homme, elle voyage en vaisseau interplanétaire, dispose d’armes portables, tantôt contondantes, tantôt à rayon à foudre auto guidé.
Comment décririons-nous cette drôle de bête ? C’est un humanoïde extraterrestre, debout sur deux jambes à genou intermédiaire et posture plantigrade. Nous trouvons un torse, deux épaules, deux bras, tout cela proportionné à la mode humaine. Serions nous cousins ? Ah non car la tête est absolument cauchemardesque, avec une bouche pleine d’épines et de crocs articulés. Les deux yeux, au regard parallèle tel le nôtre et au contraire de celui des pigeons, ont tout de même une couleur bizarre. On comprend dans le courant du film que notre ami ne perçoit pas du tout le même spectre lumineux que nous. Il sait pousser des cris de colère glaçants et rauques, il aime jouer au chat et à la souris, son corps dispose d’un système cardio-vasculaire transportant des globules de couleur vert fluo. Il possède une chevelure fournie quoique ses cheveux ressemblent à d’épais tentacules rigides. Enfin sous la toise il dépasse les soldats des unités d’élite spéciales de combat d’un bon soixante-dix centimètres de haut.

Ce Predator sorti de l’imagination des costumiers de cinéma est l’illustration de la créature inconnue qu’on doit dessiner sur une page blanche à partir de rien. Jamais on n’imagine une créature à 4 pattes, 8 pattes ou 1000 pattes, à posture horizontale tel le chat ou la limace. Notre créature est debout, se comporte comme un humain, possède des mains préhensiles et des pieds tendres sans sabot corné. Mais il n’a que 3 doigts, ou au contraire 20, un visage qui fait peur aux enfants, et son sang n’est jamais rouge.
Pourquoi imagine-t-on si souvent des extra-terrestres à notre image et cependant hideux ? Ce que je remarque, c’est que si nous pouvons apprécier la beauté d’un chien, d’un chat, d’un oiseau, en revanche nos proches cousins génétiques, le chimpanzé, l’orang-outang nous apparaissent aussi laids que des caricatures grimaçantes. Il nous semble difficile d’accorder un prix de beauté à ces humanoïdes naturels quand nous en attribuons avec admiration au lynx, au cheval, à l’aigle royal … Que peut bien révéler cette attitude …
Trouver enfin une vie intelligente : Quand j’étais jeune écolier, les instituteurs nous expliquaient que les animaux n’ont pas d’intelligence et sont le siège de seuls instincts qui les font agir de façon mécanique et prévisible. Tandis que nous autres humains n’avons pas d’instincts mais un libre arbitre et pouvons agir conformément à nos choix, mêmes difficiles, en particulier afin d’agir pour le mieux de tous et pas seulement pour soi.
Dans mon enfance j’ai toujours vu les adultes face à deux manières de regarder l’animal. Soit c’était une « bête », dépourvue de sensibilité et d’intelligence, on disait même d’âme, soit c’était un chien ou un animal quelconque ayant statut d’animal de compagnie, et alors on pouvait entendre parler pendant toute une soirée de toutes les choses étonnantes dont ils étaient capables, y compris de tout comprendre et à qui il ne manquait que la parole.
De nos jours notre regard s’est modifié et la prise de conscience de l’intelligence animale n’a jamais été aussi aiguë. D’autres animaux ont officiellement été reconnus pour leurs performances cognitives. Au-delà du chien, du cheval, du chimpanzé, on compte un bien étonnant poulpe, le dauphin, l’orque, et même les oiseaux longtemps réputés avoir une si petite « cervelle ». Perroquets et autres cacatoès nous sidèrent par leur aisance à saisir d’un regard de complexes assemblages mécaniques. Ne sont pas en reste les éléphants, les insectes, et même les arbres, désormais considérés sous l’angle d’une intelligence restée jusqu’à présent insoupçonnable.
La question d’une vie intelligente est peut-être mal posée. Peut-être faut-il la prendre à rebours : existe-t-il une vie non intelligente ? L’intelligence n’est-elle pas un outil parmi d’autres auquel se raccrochent toutes les créatures vivantes dans leur combat permanent contre une mort qu’elles rejettent de toutes leurs forces et par tous les moyens ?
Je suis un couche-tard. Je peux me le permettre, la retraite permet cette liberté. Le soir, avant de monter dormir je regarde parfois le ciel par la fenêtre donnant vers le jardin, à la recherche de quelques étoiles familières. Malgré le halo permanent des grandes villes et mes yeux qui n’ont plus la meilleure acuité, je décèle souvent quelques constellations familières, Orion, le Lion, les étoiles Vega, Capella, Sirius …
Autrefois, j’avais reçu pour mes 14 ans un petit télescope commandé à La Redoute. J’observais souvent le ciel nocturne, longtemps à l’œil nu et j’en connaissais les nombreuses constellations. Rien ne me faisait plus plaisir qu’entrouvrir le volet de ma chambre pour garder une étoile dans mon champ de vision au moment de m’endormir, et me projeter ainsi par la pensée à des distances incommensurables, me demandant ce qui pouvait se passer là-bas, si loin.
Puis la famille déménagea vers une grande ville. Il devint difficile de regarder les étoiles tant les lumières du soir diluaient le crépuscule. Le télescope ne sortit plus souvent de sa boîte. La vie allant, à 20 ans je quittai cette ville pour une autre plus grande encore. Le télescope se couvrit de rouille, les cieux nocturnes se dérobèrent définitivement sous le halo, tout comme mon intérêt pour l’astronomie.
Aujourd’hui, si longtemps après, quand je jette un regard vers le ciel je réalise que les constellations de mon enfance sont toujours là, leur dessin est demeuré inchangé.
Après cet immense épisode que constitue une vie humaine, l’interminable parcours professionnel qui le traverse, les événements familiaux, les enfants, devenus des adultes, les petits-enfants, au soir d’une vie je ne vois aucune constellation nouvelle, aucune étoile qui se soit un tant soit peu modifiée ou écartée des autres. On les sait pourtant toutes animées d’un mouvement propre, mais indiscernable à notre échelle de temps.
Qu’est-ce donc qu’une vie humaine sinon un atome d’instant de l’univers ? Je réalise plus que jamais que moi, micro-organisme humain, je n’ai jamais contemplé l’univers que d’un minuscule point tout aussi ancré à sa portion d’espace-temps qu’un chêne millénaire à ses racines. Jamais je ne verrai la galaxie d’Andromède sous un angle différent, jamais je ne pourrai me transporter en un lieu qui me montrerait un ciel autre que celui vu de cette petite lucarne d’espace et de temps dont aucun terrien ne pourra s’affranchir.
L’immense savoir des astronomes, construit petit à petit depuis l’antiquité par des hommes étincelants de génie est-il un trésor inestimable ? Ou est-il la naïve illusion de posséder quelques clés intimes d’un univers dont l’insondable profondeur échappera toujours à nos sens et notre entendement ? Ne sommes-nous pas finalement aussi limités que cette pauvre abeille perdue et virevoltant dans une pièce de notre maison, se posant tour à tour sur nos complexes objets humains du quotidien qu’elle interprète comme de simples supports où poser ses pattes mais dont la nature, l’histoire, la fonction, la complexité n’auront jamais aucun moyen de se révéler à son esprit. .
Aussi loin que notre regard se porte, nos yeux ne voient dans l’univers lointain que ce qu’ils peuvent y reconnaître, concluant sans doute un peu vite que Tout n’est que transposition d’échelle de notre goutte d’univers terrestre. Ce que nous appelons l’univers, celui des étoiles, des galaxies, elles-mêmes regroupées en des réseaux titanesques n’est que celui qu’on appréhende de notre petite fenêtre visuelle et mentale. Parions que nous n’avons aucune idée de ce qu’il y a après, autour, derrière, au-delà …